La santé en prison, c’est la santé publique : Le droit à la prévention, au diagnostic et aux soins de l’hépatite C en milieu correctionnel au Canada

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Pour faire suite à notre rapport d’étape de 2021, nous avons décidé, chez Action hépatites Canada (AHC), d’examiner plus en détail les changements à apporter aux politiques visant l’élimination de l’hépatite virale chez les populations prioritaires. Notre objectif consiste à publier un rapport d’étape tous les deux ans et, en alternance les autres années, un rapport sur l’une des populations prioritaires. Pour le premier de ces rapports portant sur les populations prioritaires, nous avons mis l’accent sur les personnes incarcérées. Le rapport (en anglais uniquement) La santé en prison, c’est la santé publique : Le droit à la prévention, au diagnostic et aux soins de l’hépatite C en milieu correctionnel au Canada) a été publié le 31 mars 2022.

Pourquoi se focaliser sur les personnes dans les établissements correctionnels provinciaux et fédéraux?

Les personnes incarcérées sont reconnues comme une population prioritaire pour le traitement de l’hépatite C, car elles sont 40 fois plus susceptibles que la population générale du Canada d’être exposées au VHC.

De plus, les personnes qui sortent de prison sont souvent confrontées à des obstacles à l’accès aux soins de santé dans la communauté. Personne ne devrait avoir besoin de se trouver dans le système correctionnel pour pouvoir se prévaloir de son droit aux soins de santé – mais l’incarcération peut représenter pour plusieurs personnes une occasion de recevoir des services, incluant des programmes de prévention, de dépistage, d’intervention précoce et de traitement. Le fait d’avoir accès à ces services en prison permettra d’améliorer les résultats de santé individuelle et de santé publique.

La prestation de soins liés à l’hépatite C aux personnes en milieu correctionnel au Canada est essentielle pour arriver à éliminer l’hépatite C.

Comment ce rapport a-t-il été rédigé?

Un comité composé de membres d’AHC travaillant avec des personnes incarcérées s’est réuni pour rédiger ce rapport. Lors de notre première rencontre, nous avons défini trois priorités :

  1. Se centrer sur les expériences vécues
  2. Aborder le sujet en adoptant une approche fondée sur les droits
  3. Se focaliser sur l’hépatite C, mais d’une manière réaliste qui reconnaît les nombreuses lacunes existant au sein des systèmes correctionnels provinciaux et fédéral et qui considère la personne dans son ensemble

Munis de ces lignes directrices, nous avons organisé des entretiens avec sept personnes ayant l’expérience de l’incarcération et de la vie avec l’hépatite C. Nous avons également examiné des travaux de recherche pertinents publiés. Forts de ces données, nous avons produit le rapport.

Je souhaite reconnaître qu’en tant qu’auteure de ce rapport, je n’ai pas vécu cette expérience et, dans ce processus, je me considère comme une rassembleuse et une administratrice des témoignages des expert·e·s en la matière. À ce titre, je traduis ces données et points de vue cruciaux en un outil de défense des droits accessible tant aux allié·e·s qu’aux responsables politiques.

Que contient le rapport?

Le rapport s’articule autour de plusieurs éléments, comme des informations sur le droit de la personne incarcérée à recevoir des soins et la manière dont ses identités pourraient chevaucher d’autres populations prioritaires comme les personnes qui utilisent des drogues, les Autochtones, les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les immigrant·e·s et les personnes nouvellement arrivées au Canada, ainsi que les aîné·e·s. Le rapport se penche également sur la situation actuelle au sein de différents systèmes correctionnels et fournit des lignes directrices et des recommandations générales aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Nous avons aussi cité des extraits d’entretiens avec des personnes incarcérées : ces témoignages sont surlignés en bleu dans le rapport.

Quel est l’état actuel?

Au niveau fédéral, le Service correctionnel du Canada (SCC) pourrait être bien placé pour éradiquer l’hépatite C chez les personnes incarcérées dans les établissements correctionnels fédéraux d’ici 2030 avec des pratiques exemplaires comme :

  • le dépistage universel de l’hépatite C
  • l’accès universel au traitement
  • les services de réduction des méfaits

Une intensification importante des services de réduction des méfaits est encore nécessaire pour maximiser les bienfaits du traitement et éviter la réinfection.

Aux niveaux provincial et territorial, les personnes détenues dans les centres correctionnels ne bénéficient pas des mêmes normes en matière de soins de santé que celles dont jouissent les personnes dans les communautés de leur province. On constate en outre des disparités importantes entourant les soins pour l’hépatite C dans les centres correctionnels provinciaux. À moins que des changements importants ne soient apportés, l’élimination de l’hépatite C dans le système carcéral provincial ou territorial est improbable d’ici 2030.

Que recommandons-nous?

Le rapport comprend un ensemble de lignes directrices générales en matière de soins de santé dans les environnements correctionnels; elles sont suivies par six recommandations destinées au gouvernement fédéral et six qui s’adressent aux gouvernements provinciaux/territoriaux.

Selon nos lignes directrices, les soins de santé en milieu correctionnel devraient être :

  • d’une norme de soins équivalente à ceux qui sont disponibles dans la communauté, y compris les services de réduction des méfaits
  • centrés sur la personne
  • adaptés pour tenir compte des traumatismes
  • adaptés à la culture
  • fondés sur les témoignages de personnes qui ont une expérience vécue
  • effectués par des pairs (lorsque cela est possible et pertinent)

Les recommandations suivantes s’adressent au gouvernement fédéral :

  1. Mettre en œuvre des programmes de distribution de matériel d’injection neuf en prison en utilisant un modèle à multiples canaux de distribution pour favoriser l’accessibilité et l’anonymat.
  2. Mettre en œuvre des sites de prévention des surdoses (SPS).
  3. Améliorer l’accessibilité et l’acceptabilité du traitement par agonistes opioïdes (TAO).
  4. Réviser les politiques et mettre en place une formation et une éducation pour favoriser la promotion de la santé et la réduction des méfaits, y compris en ce qui concerne l’hépatite C et les autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), tant pour les personnes incarcérées que pour le personnel.
  5. Améliorer la planification de la remise en liberté afin d’y inclure l’arrimage aux ressources communautaires, y compris aux soins de santé.
  6. Élaborer des lignes directrices pancanadiennes sur le dépistage des ITSS qui pourraient être appliquées en milieu correctionnel (fédéral et provincial).

Les recommandations suivantes sont adressées aux gouvernements provinciaux et territoriaux :

  1. Transférer au ministère de la Santé la responsabilité des soins de santé en milieu correctionnel (là où ce n’est pas encore fait).
  2. Améliorer l’accessibilité et l’acceptabilité du traitement par agonistes opioïdes (TAO).
  3. Mettre en œuvre des programmes de distribution de matériel d’injection neuf dans tous les établissements correctionnels en utilisant un modèle à multiples canaux de distribution pour favoriser l’accessibilité et l’anonymat. Ces programmes pourraient être complétés par un ensemble de services de réduction des méfaits semblables à ce qui est offert dans la communauté, y compris dans les SPS.
  4. Proposer un dépistage universel des ITSS, avec consentement éclairé, à toute personne admise dans tous les centres de détention, dans les 72 heures suivant l’admission.
  5. À toute personne qui reçoit un diagnostic d’hépatite C chronique, offrir un traitement ainsi qu’une orientation systématique vers des soutiens communautaires, avec son consentement, pour assurer la continuité des soins, quelle que soit la durée de son séjour en détention.
  6. Améliorer la planification de la remise en liberté afin d’y inclure l’arrimage aux ressources communautaires, y compris aux soins de santé.

Téléchargez le rapport (seul un résumé est disponible en français, le rapport intégral est en anglais) et trouvez des images en français à partager ici.

 

Jennifer van Gennip est la directrice générale d’Action hépatites Canada. Elle vit à Barrie, en Ontario, et se spécialise dans les communications portant sur la défense des intérêts d’organismes à but non lucratif.

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