Adapter les services de consommation supervisée aux communautés qu’ils servent
Les services de consommation supervisée (SCS) sont des services de réduction des méfaits où les personnes peuvent consommer des drogues, préalablement obtenues, dans un environnement hygiénique sous la supervision d’employé·e·s et de pair·e·s formé·e·s. On y fournit également du matériel stérile comme des aiguilles, des seringues, des pipes et d’autres articles; une éducation sur la consommation plus sûre, la prévention des surdoses et l’intervention en la matière; et des références vers divers services sociaux et de santé (par exemple, soins des plaies, dépistage et traitement du VIH et de l’hépatite C, logement). Les SCS jouent un rôle vital dans le contexte de la crise des surdoses en fournissant des services salvateurs, en réduisant le nombre de décès par surdose et en offrant aux personnes qui utilisent des drogues des contacts dans la communauté. Ce rôle a été particulièrement crucial pendant la pandémie de COVID-19, qui a augmenté la vulnérabilité de ce groupe en raison de facteurs comme le déplacement forcé, la perte de soutien social et l’isolement.
Quels aspects des SCS sont les plus importants pour les personnes qui utilisent des drogues? Comment savoir si les SCS fonctionnent bien pour les communautés qu’ils servent? C’est à ces questions que nous avons tenté de répondre dans le cadre d’un projet communautaire réalisé à Toronto et financé par le Réseau ontarien de traitement du VIH (OHTN). Notre équipe de recherche, composée de personnes ayant une expérience vécue ou actuelle du VIH et/ou de l’utilisation de drogues, de prestataires de services et de chercheur·euse·s de partout au Canada, souhaitait comprendre comment concevoir, fournir et évaluer des SCS pour les personnes vivant avec le VIH qui utilisent des drogues.
Mieux comprendre l’expérience des usagères et usagers des services
Nous avons d’abord examiné les évaluations de SCS dans la littérature et les comptes rendus à leur sujet. Un document de réponse rapide de l’OHTN a révélé que les évaluations de SCS se concentraient principalement sur les exigences de déclaration (aux bailleurs de fonds) telles que le nombre d’utilisations, la réduction des comportements à risque, la gestion des surdoses et la réduction de la mortalité, et qu’elles relataient très rarement l’expérience des usager·ère·s.
Notre intention étant de connaître l’expérience des usager·ère·s, nous leur avons demandé comment nous pourrions vérifier si les SCS fonctionnent bien. Quels éléments serait-il important de mesurer et de surveiller? Comment pourrions-nous les aborder concrètement? Dans le cadre de ces entretiens, nous avons commencé à entendre parler de besoins et de priorités allant au-delà d’un espace sécuritaire pour la consommation. Sur la base de ces rétroactions des usager·ère·s, et en collaboration avec un groupe consultatif de personnes ayant une expérience vécue/actuelle, notre équipe de recherche diversifiée a identifié les 12 caractéristiques d’un service de consommation supervisée centré sur les usagères et usagers :
- Il est confortable
- Les usagerère·s s’y sentent accueilli·e·s et respecté·e·s
- Il offre un espace calme
- Il est ouvert en tout temps
- Il permet aux usagerère·s de consommer leurs drogues comme ils/elles le souhaitent
- Il protège la vie privée
- Ses employé·es et pair·e·s ne portent pas de jugements
- Il a des règles équitables
- Il assure la sécurité
- Il offre des occasions de repos et de contact social
- Il offre des références vers d’autres services
- Il encourage les usagerère·s à exprimer leurs commentaires
Vous trouverez plus de détails sur ces 12 caractéristiques dans cette affiche.
La réalisation d’un SCS centré sur les usagères et usagers des services
Nous avons ensuite examiné comment les SCS pourraient mettre en œuvre ces 12 caractéristiques le mieux possible, puis développé une trousse d’outils. Cette ressource vise à aider les prestataires de services et les organismes pour lesquels ils/elles travaillent à élaborer des SCS centrés sur les usager·ère·s et qui répondent à leurs besoins de manière respectueuse et habilitante. Il ne s’agit pas d’un manuel complet ou d’un guide pratique pour concevoir et fournir les services (de telles lignes directrices existent déjà) mais plutôt d’un complément aux lignes directrices, pour aider les prestataires de services et les organismes à s’assurer que leurs services sont centrés sur les usager·ère·s.
Pour les prestataires de services et les organismes qui envisagent d’ouvrir un SCS, nous espérons que cette ressource contribuera aux efforts de planification en proposant d’importantes réflexions et considérations ainsi que des moyens d’impliquer les personnes ayant une expérience vécue/actuelle dans le processus.
Pour les prestataires de services et les organismes qui gèrent déjà des SCS, nous espérons qu’elle servira d’outil de réflexion pour examiner ce qui fonctionne bien et ce qui devrait changer, et pour collaborer avec les usager·ère·s actuel·le·s ou futur·e·s à faire valoir le bien-fondé des SCS et à les améliorer.
Comment utiliser notre trousse d’outils
Pour chacune des 12 caractéristiques, nous présentons :
- des questions à se poser lors de la conception et/ou de l’évaluation d’un SCS
- des conseils pour guider la conception et le fonctionnement d’un SCS
- des conseils pour comprendre et évaluer dans quelle mesure un SCS respecte chaque caractéristique.
Nous offrons également des témoignages de personnes ayant une expérience vécue ou actuelle de l’utilisation de drogues, afin de mettre en relief des aspects clés des caractéristiques décrites. Nous encourageons les personnes qui utilisent la trousse à impliquer des personnes de leur communauté qui ont une expérience vécue ou actuelle de l’utilisation de drogues, dans le processus de prise en compte et d’intégration des caractéristiques, par exemple en créant un groupe consultatif composé d’usager·ère·s, de pair·e·s et d’employé·e·s.
Nous reconnaissons que divers facteurs influencent le fonctionnement d’un SCS, notamment la structure et les sources de son financement, les ressources et l’espace disponibles, et le niveau d’appui ou d’opposition politique, et que ceux-ci peuvent poser des défis pour la mise en œuvre de certaines caractéristiques énoncées dans la trousse, en particulier pour les services existants. Néanmoins, il est toujours important de consulter les futur·e·s ou actuel·le·s usager·ère·s afin de voir comment répondre à leurs besoins dans le cadre de la structure existante, tout en continuant à militer pour des fonds et des ressources supplémentaires.
Nous espérons que cette trousse favorisera une discussion et une collaboration continues entre les usager·ère·s, les employé·e·s, les pair·e·s, les dirigeant·e·s et les décideur·euse·s, et qu’elle servira de soutien et d’outil de plaidoyer pour des SCS centrés sur les usagères et usagers.
L’affiche et la trousse d’outils sont également disponibles en anglais.
Katherine Rudzinski est chercheuse postdoctorale et professeure adjointe associée à l’École de travail social de l’Université de Windsor, et associée de recherche à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto. Elle est déterminée à travailler avec les personnes qui utilisent des drogues, et pour elles, dans le cadre de projets de recherche communautaire sur l’utilisation de drogues, la réduction des méfaits et le bien-être.
Andre Ceranto est responsable du programme de pair·e·s à la Casey House. Il appuie les principes GIPA/MEPA en militant pour l’implication significative et l’inclusion des personnes vivant avec le VIH (et au-delà), afin qu’elles puissent faire entendre leurs voix, partager leurs expériences et participer. Depuis le début de sa carrière, Andre soutient les personnes ayant une expérience vécue et les implique dans des occasions de renforcement des capacités, de développement de ressources et d’application des connaissances, y compris dans son plus récent projet, la baladodiffusion Positively Speaking.
Soo Chan Carusone est chercheuse en santé à méthodes mixtes et ancienne directrice de la recherche à la Casey House. Elle est engagée à promouvoir la recherche en santé pour répondre aux inégalités dans ce domaine au moyen de méthodes créatives et de partenariats. Soo travaille actuellement avec le Collaborative for Health and Aging de l’Université McMaster.
Les auteur·e·s tiennent à remercier les membres de l’équipe et du groupe consultatif de l’Étude Engage with Harm Reduction, avec un remerciement spécial pour Dean Valentine, pour leur travail à la préparation de ces ressources. Nous sommes reconnaissant·e·s aux participant·e·s qui ont partagé leur expertise et leurs expériences avec nous tout au long de l’étude. Ce projet est financé par une subvention de projet communautaire (EFP-1122-CBP) du Réseau ontarien de traitement du VIH (OHTN).