Adoption des prochaines pratiques : innover en période d’incertitude

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L’émergence de la maladie à coronavirus (COVID-19) a chamboulé nos vies et nos façons de travailler.

Tout au long de l’accumulation et de l’évolution des données probantes au cours des 11 derniers mois, nous avons pu constater la rapidité avec laquelle les principaux messages et les mesures de prévention de la COVID-19 ont changé. Nous avons également vu comment les services de santé et les services communautaires se sont adaptés en fonction des nouveaux obstacles qui se sont dressés et des nombreux impondérables. Ce travail d’adaptation face à tant de perturbations et d’incertitudes requiert beaucoup d’efforts, que nous déployons tous ensemble.

Chez CATIE, nous nous sommes efforcés de suivre de près ces changements dans notre rôle d’observateur, de courroie de transmission et d’amplificateur. Nous continuons à accumuler les données et à trouver des moyens de relayer nouvelles données, trouvailles et innovations aux travailleurs sur le terrain qui fournissent des services directs.

En cette période d’incertitude et d’instabilité sans précédent, nous sommes conscients, peut-être comme jamais auparavant, des limites de l’information à notre disposition et de l’importance de suivre les derniers développements de la recherche et d’apprendre de l’expertise des prestataires de services directs. La collecte et le tri des données probantes prennent du temps, ce qui, dans un contexte à évolution rapide, signifie que les réponses se font souvent attendre. Dans certains cas, il peut être nécessaire de recadrer notre réflexion pour trouver la « prochaine pratique », lorsqu’il n’y a pas de « meilleure pratique » à suivre.

Quand la prochaine pratique est la meilleure pratique

Beaucoup d’entre nous savent que les « meilleures pratiques » reposent sur des données probantes. Les meilleures pratiques, qui ont fait leurs preuves, servent à garantir que nous offrons et maintenons un niveau de soins de haute qualité.

Les « prochaines pratiques » sont les pierres d’assise des meilleures pratiques. Sans nécessairement reléguer le livre des règlements aux oubliettes, les prochaines pratiques peuvent s’appuyer à la fois sur des données probantes fondées sur la pratique et sur les connaissances acquises sur le terrain pour adopter des approches réactives et mesurer leur incidence. Une attitude d’ouverture face aux nouvelles pratiques favorise la croissance, l’amélioration et l’innovation. Le concept d’adoption d’une approche axée sur la « prochaine pratique » n’est ni nouveau ni unique et a été appliqué dans d’autres domaines.

En attendant la consolidation des résultats de la recherche, les prestataires de services directs créent souvent leurs propres réponses novatrices face aux enjeux en matière de santé publique, surtout dans les domaines où l’incertitude règne depuis longtemps. Chez CATIE, nous nous appuyons fortement sur les données probantes issues de la recherche et de la pratique, reconnaissant ainsi les prestataires de services directs comme des experts dans leur domaine.

La réduction des méfaits priorise les objectifs immédiats et applaudit les prochaines pratiques

Bien avant la pandémie de la COVID-19, les travailleurs en réduction des méfaits étaient déjà habitués à l’inconnu. L’adoption de nouvelles pratiques en période d’incertitude, et dans certains cas, en désespoir de cause, a fait de la réduction des méfaits l’un des domaines les plus novateurs et les plus avant-gardistes dans les secteurs de la santé et des services communautaires. Les personnes qui utilisent des drogues ont été et continuent d’être au premier rang de cette innovation, les meilleures pratiques actuelles étant issues d’approches élaborées sans protocole par et pour la communauté en temps de crise, comme les programmes d’aiguilles et de seringues, la distribution de naloxone et les sites de prévention des surdoses.

Les travailleurs en réduction des méfaits priorisent les objectifs immédiats et ont accumulé des données probantes en cernant les besoins, en créant les prochaines pratiques et en évaluant leurs programmes pour voir ce qui fonctionne. Au fil du temps, ce qui était auparavant la « prochaine pratique » est devenu la « meilleure pratique ». Des données montrent maintenant que les programmes de réduction des méfaits diminuent les préjudices liés à l’utilisation de drogues, y compris les décès par surdose et la transmission de l’hépatite C et du VIH.

Nous avons assisté à la transformation d’approches informelles inspirées des clients en des services financés, comme la distribution de fournitures par des voies novatrices (p. ex. machines distributrices, sites satellites) et les programmes de témoins virtuels. Pourtant, le leadership et la participation des personnes qui utilisent des drogues ont toujours été, et seront toujours, essentiels au succès de ces approches.

Il reste encore beaucoup à faire

Il est important de célébrer les victoires du mouvement de réduction des méfaits sans glorifier les enjeux auxquels sont confrontés les travailleurs dans ce domaine. La réalité est que ce travail est ardu, et que ces innovations ont été créées par nécessité. Travailler et vivre dans le contexte de la crise des surdoses a été dévastateur — déchirements et épuisement professionnel ont été légion chez les prestataires de services directs.

Avec la pandémie de la COVID-19, nous avons vu encore plus de perturbations dans la prestation de services de réduction des méfaits et d’autres services sanitaires et sociaux essentiels aux personnes qui utilisent des drogues. La pandémie a exacerbé la crise des surdoses et la crise des logements abordables. Dans certaines régions, les mesures mises en place pour prévenir la COVID-19 ont eu des conséquences inattendues sur les personnes qui utilisent des drogues, notamment l’imprévisibilité et la toxicité accrues de l’approvisionnement en drogues, l’isolement accru et l’augmentation des décès par surdose.

Le travail de réduction des méfaits s’est adapté à ces difficultés et de nombreux programmes de première ligne continuent de faire pression pour la création de services d’inspiration communautaire et accessibles pour assurer que les personnes qui utilisent des drogues aient accès aux renseignements et au matériel dont ils ont besoin pour rester en vie pendant la pandémie. (deux billets en anglais seulement)

Résultats du travail de réduction des méfaits : davantage d’expériences communautaires validées, de ressources produites et partagées, de données recueillies et de discussions au niveau politique, y compris concernant la décriminalisation des drogues et un meilleur accès à un approvisionnement sûr en drogues.

Bien entendu, ces progrès ne sont pas visibles partout et prennent trop de temps. Mais la mise à profit des innovations et des prochaines pratiques générées lors de la pandémie de la COVID-19 pourrait constituer une autre étape cruciale dans la création des futures meilleures pratiques.

 

Shannon Elliot est la spécialiste en connaissances sur l’hépatite C de CATIE. Elle est titulaire d’une maîtrise en santé publique spécialisée en promotion de la santé de l’Université de Toronto et a occupé des postes dans les domaines de la mobilisation des connaissances, de l’élaboration de politiques et de recherche dans les secteurs de l’éducation médicale et de la lutte contre les agressions sexuelles et la violence conjugale.

Melisa Dickie est directrice, Échange de connaissances sur l’hépatite C chez CATIE et est titulaire d’une maîtrise en sciences de la santé de l’Université de Toronto. Melisa a une formation en promotion de la santé et en mobilisation des connaissances dans les domaines de l’équité en matière de santé, de la santé sexuelle, de la réduction des méfaits et de la lutte contre le VIH et l’hépatite C.

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