Les gardiens anti-réduction des méfaits du Canada ferment la porte à la stratégie sur l’hépatite

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Nous rentrons tout juste du premier Sommet mondial sur l’hépatite, organisé par l’Alliance mondiale contre les hépatites en partenariat avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Gouvernement de l’Écosse. Le Gouvernement de l’Écosse s’est fait partenaire de cet événement parce que l’Écosse fait preuve de leadership dans la lutte contre l’hépatite C et, à l’opposé du Canada, s’est dotée d’une stratégie nationale de réponse à l’hépatite C.*

 

Le point de mire du Sommet mondial sur l’hépatite portait sur les hépatites virales, spécifiquement les hépatites B et C. Il existe un vaccin contre l’hépatite B; son utilisation est une pratique standard au Canada, chez les nouveau-nés et les enfants d’âge scolaire. Cependant, ce n’est pas le cas dans la majeure partie du monde en développement – et l’hépatite B demeure endémique dans plusieurs régions. Certains pays, notamment la Chine, le Pakistan, l’Inde et les Philippines, sont aux prises également avec des épidémies d’hépatite C.

Au Canada, nous sommes principalement préoccupés par l’hépatite C et par son impact disproportionné sur les populations marginalisées, incluant les personnes qui consomment des drogues, les communautés autochtones, les personnes incarcérées, les immigrants et les nouveaux arrivants de pays où elle est endémique. Plusieurs d’entre nous, du domaine du VIH, ont récemment commencé à déployer des efforts pour intégrer l’hépatite C dans notre mouvement.

Quelques faits éclairs :

  • Dans de nombreux pays, des pratiques inadéquates en matière de contrôle des infections (comme la réutilisation de seringues et d’aiguilles dans les établissements de soins de santé) sont responsables de cas de transmission des hépatites B et C.
  • On estime qu’au moins 16 millions de personnes s’injectent des drogues, dans le monde, et que 10 millions d’entre elles vivent avec l’hépatite C (en comparaison avec 3 millions qui vivent avec le VIH). Des taux de prévalence aussi élevés que 80 % ne sont pas rares parmi les personnes qui s’injectent des drogues, dans certaines régions du monde.
  • Depuis 2007, l’hépatite C est associée à un plus grand nombre de décès que le VIH aux États-Unis.
  • Des preuves démontrent que les programmes de seringues et d’aiguilles (PSA) et le traitement de substitution aux opiacés, en prison, réduisent les comportements à risque en lien avec l’injection de drogues. Les Nations Unies et l’OMS prônent la mise en œuvre de programmes de seringues et d’aiguilles (PSA) en prison. Le Réseau juridique canadien VIH/sida, CATIE, le RCAS et PASAN ont engagé une action en justice pour la mise en œuvre de PSA dans les prisons canadiennes.

Devant l’épidémie d’hépatites, l’OMS a créé le Programme mondial de lutte contre l’hépatite, en décembre 2011. L’Assemblée mondiale de la Santé a demandé à l’OMS d’examiner s’il est possible d’éliminer les hépatites B et C. Par conséquent, l’OMS développe à présent la première stratégie mondiale en matière d’hépatites, en consultation large avec les dépositaires d’enjeux, à l’échelle mondiale. En mai 2016, le document provisoire pour cette stratégie sera présenté à l’Assemblée mondiale de la Santé, pour l’approbation des États membres.

L’OMS a développé un document provisoire pour appuyer le développement et l’évaluation de plans nationaux en matière d’hépatites virales. Il s’agit d’une excellente ressource qui pourrait aider le Canada dans le développement de sa propre stratégie sur les hépatites. Il est à présent possible de faire reculer de façon marquée l’épidémie d’hépatite C, grâce aux récents progrès thérapeutiques et à d’autres interventions clés comme les pratiques d’injection plus sécuritaires, la réduction des méfaits et la mise à l’échelle du dépistage et de l’arrimage aux soins. La prévention et le traitement réduisent les coûts et sauvent des vies!

Comment la ministre canadienne de la Santé répondra-t-elle? Le Dr Gottfried Hirnschall, directeur du département VIH/sida et du Programme mondial de lutte contre l’hépatite, à l’OMS, nous a fait savoir que le Canada n’est pas disposé à signer la première stratégie de l’OMS sur l’hépatite en raison de l’inclusion de l’expression « réduction des méfaits » dans le texte. Lors du Sommet mondial sur les hépatites, la réduction des méfaits n’a été que très peu mentionnée; il s’agit en effet d’une pratique et d’une politique reconnue dans la majeure partie du monde. Au Canada, d’ailleurs, chaque province et la plupart des municipalités, toutes tailles confondues, sont dotées de programmes de seringues et de substitution aux opiacés – et nous avons l’exemple éloquent du site d’injection supervisée de Vancouver, étudié exhaustivement et éclairé par des données probantes, qui est un succès retentissant. Néanmoins, sur la scène mondiale, le Canada est représenté par des gardiens anti-réduction des méfaits. Embarrassant et inadmissible.

Laurie Edmiston est la directrice générale de CATIE, la source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite C.

Melisa Dickie est la directrice associée, Programmes de santé communautaire, de CATIE.

*NOTE : Les personnes qui peuvent assister au Colloque de CATIE, les 15 et 16 octobre, auront le privilège d’entendre parler du plan d’action de l’Écosse en matière d’hépatite C, dans une présentation de la Dre Norah Palmateer.

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