Janet Conners, militante extraordinaire pour les droits des personnes vivant avec le VIH, 1956 – 2022

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Certain·e·s d’entre nous entendent peut être le nom de Janet Conners pour la première fois, mais nous, la communauté du VIH/sida, lui devons énormément pour les contributions remarquables qu’elle a faites de son vivant.

Janet Pritchard est née en 1956 à Vancouver, où elle a passé son enfance avant de déménager à Yellowknife (T.N.-O.) et à Nelson (C.-B.). C’est en effet dans cette dernière localité que le travail de son père, gardien de prison, a mené la famille. En tant que cadette, elle se décrivait comme une militante née : « J’étais la troisième d’une fratrie de six. Se faire entendre c’était donc une question de survie. Hé… moi aussi, j’ai besoin de manger! », déclarait-elle lors d’un entretien avec AIDS Activist History Project.

Son fils, Angus, est le fruit d’un premier bref mariage. Elle était cependant mère célibataire en 1981 lorsqu’elle a rencontré l’amour de sa vie, Randy Conners — un jeune informaticien aux Anciens Combattants. Janet travaillait alors comme technicienne de laboratoire à la clinique des maladies infectieuses du Victoria General Hospital. Il se trouve que Randy, hémophile, recevait également de nombreuses transfusions sanguines à cause de son état de santé.

Au début des années 1980, alors que le VIH se propageait rapidement chez les hommes gais, l’approvisionnement en sang mettait en danger les hémophiles et les transfusé·e·s. Randy a été testé positif et bien que les médecins lui disaient qu’elle ne présentait aucun risque, Janet a également été déclarée positive en 1989 : une année où seules des options de traitement médicamenteux uniques étaient disponibles. Au lieu d’accepter qu’elle n’avait plus que six mois à vivre, Janet et Randy ont contacté le ministre provincial de la Santé de l’époque, George Moody, qui a offert au couple une compensation limitée.

Plutôt que d’accepter de l’argent pour, comme le disait Janet, « mourir en silence », le couple a fait pression sur les autres gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral pour mettre en place un plan de compensation conjoint qui a finalement donné lieu à la constitution de la Commission d’enquête Krever. Cette commission a eu pour conséquence l’indemnisation complète de toutes les victimes de la tragédie du sang contaminé et a donné lieu à la refonte de la Croix-Rouge canadienne en la Société canadienne du sang.

Janet se réjouirait probablement de la nouvelle réglementation permettant aux hommes gais de faire un don de sang qui se base aujourd’hui sur les mêmes critères que tout le monde et non sur la seule orientation sexuelle. Janet a été la première à dire qu’elle avait eu le VIH comme tout le monde, « en ayant des relations sexuelles » et, au cours des années qui ont suivi sa campagne de sensibilisation couronnée de succès, elle a travaillé avec un certain nombre d’organismes, notamment en tant que présidente de la Société canadienne de l’hémophilie (section de la Nouvelle-Écosse), vice-présidente de la AIDS Coalition of Nova Scotia, administratrice du Conseil canadien de surveillance et d’accès aux traitements et membre de la Nova Scotia Commission on AIDS.

Janet a également fait partie du groupe qui a été le fer de lance de l’initiative visant à renouveler la Stratégie nationale sur le sida lors de la campagne de réélection du premier ministre Jean Chrétien en 1997. La promesse de renouveler ce financement fédéral ne faisait alors pas partie de ses engagements. Le premier jour de sa campagne, il a été interpellé au sujet de cet oubli de ses promesses électorales faites à Toronto. Après s’être envolé pour les provinces de l’Atlantique, Janet est allée à sa rencontre pour appuyer cette demande. Peu de temps après, M. Chrétien a annoncé le renouvellement de la Stratégie nationale sur le sida dans sa liste de promesses électorales.

Janet a fermement soutenu les questions présentant un intérêt commun pour toutes les personnes vivant avec le VIH, quelle que soit leur orientation sexuelle, leur race, leur statut socio-économique ou indépendamment de tout autre facteur. Elle se préoccupait particulièrement de l’accès aux essais cliniques sur le VIH et de l’accès équitable au traitement. Elle s’est battue pour les droits des femmes à recevoir des informations sexospécifiques et à recevoir des offres de dépistage basées sur l’auto-évaluation des risques. Elle comprenait les besoins distincts des femmes et des enfants vivant avec le VIH et en parlait publiquement, même si la discrimination et la stigmatisation à l’égard des personnes vivant avec le VIH étaient vectrices d’ostracisme et même de violence.

Reconnaissant son incroyable service aux Canadiens et aux Canadiennes, le gouvernement fédéral lui a décerné la Médaille du service méritoire de la Gouverneure générale. Selon sa sœur, Ruth Pritchard, Janet a été ravie de recevoir trois doctorats honorifiques des Universités Dalhousie, Acadia et Mount St. Vincent; elle se faisait appeler « Dre Conners » en plaisantant. Ruth a ajouté : « J’espère que les gens se souviendront d’elle pour son courage et sa ténacité. Je veux dire, ma sœur avait vraiment du cran! »

Son amie, Donna, a fait un voyage de 11 heures pour être à ses côtés lorsqu’une forme agressive de cancer du poumon qui n’avait pas été diagnostiquée l’a emportée. Donna, qui vit également avec le VIH, a déclaré : « Janet vivra éternellement dans mon cœur, car c’est son soutien, son amour et ses encouragements qui m’ont aidée à venir à bout des jours les plus sombres de ma vie ».

 

Louise Binder est une avocate qui a cofondé le Conseil canadien de surveillance et d’accès aux traitements (CCSAT) en 1996. Elle a plaidé pour améliorer l’accès aux traitements pour le VIH et à des soins de qualité. Louise est actuellement conseillère en politiques de santé pour la Fondation Sauve ta peau. Louise a reçu un doctorat honorifique en droit de son alma mater, la Queen’s Law School, l’Ordre de l’Ontario et deux médailles de la reine Elizabeth II.

Ron Rosenes est un défenseur de la santé communautaire et a été vice-président du CCSAT de 1997 à 2011. Il est l’ancien président du Réseau juridique VIH. Ron a reçu un doctorat honorifique en droit de son alma mater, l’Université Carleton, une médaille de la reine Elizabeth II et est membre de l’Ordre du Canada.

 

 

 

 

 

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