Nos communautés commencent à imaginer le déploiement de la PrEP à action prolongée

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Vous avez peut-être entendu parler du projet de recherche L’avenir de la PrEP est maintenant, qui vise à comprendre les besoins et les préférences des personnes bispirituelles, des personnes non binaires et des hommes gais, trans et queers (2SGBTQ) en matière de délivrance de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) à action prolongée. Bien que la PrEP par voie orale soit très efficace pour prévenir le VIH, elle est encore peu prescrite à de nombreuses communautés en quête d’équité.

L’avenir de la PrEP est maintenant vise à instaurer un dialogue avec les populations prioritaires afin de connaître leur expérience actuelle d’accès à la PrEP et de parler de l’ajout d’une option injectable à action prolongée aux stratégies de prévention utilisées par leur communauté. Cette consultation permettra de formuler des recommandations pour mieux offrir la PrEP aux personnes qui ont été négligées par le déploiement de la PrEP par voie orale.

Des équipes de recherche canadiennes ont suivi avec intérêt l’approbation du CAB-LA (cabotégravir à action prolongée) aux États-Unis fin 2021. Au Canada, ce médicament à injecter tous les deux mois a déjà été approuvé comme traitement contre le VIH, et les essais à titre de PrEP sont en cours. Ce n’est qu’une question de temps avant que nous puissions l’intégrer à notre arsenal de prévention du VIH.

Avant d’entreprendre des activités de recherche comme des groupes de discussion et des enquêtes, l’équipe du projet a organisé une petite série de webinaires pour amorcer la conversation.

La deuxième partie de la série, présentée par CATIE et le Centre de recherche communautaire, porte sur les améliorations à l’accès que désirent certaines communautés. Le DDarrell Tan de l’hôpital St. Michael’s, Harlan Pruden de Chee Mamuk du B.C. Centre for Disease Control, Jordan Bond-Gorr de l’Alliance pour la santé sexuelle des hommes gais et Gabriel Enxuga de Lambda Health se sont joints à nous pour l’occasion. Ce groupe a généreusement accepté de représenter certaines des communautés qui ont de la difficulté à obtenir la PrEP : les personnes bispirituelles et autochtones, les personnes trans et non binaires et les personnes qui utilisent des substances.

Un miroir du système

Ce n’est un secret pour personne, notre système de santé est défaillant. Ce webinaire a pu mettre en évidence quantité d’obstacles structurels qui empêchent les gens d’obtenir la PrEP et des soins de santé en général. Le problème réside principalement dans le manque de vulgarisation faite auprès de ces communautés. Par exemple, pour les communautés trans, il n’est pas clair que la PrEP les concerne et est adaptée à leur corps, car personne ne s’adresse directement à elles.

Les professionnel·le·s de la santé doivent mieux connaître leurs patient·e·s et leur donner toutes les informations nécessaires à la prise de décisions autonomes pour leur santé. Par exemple, les hommes qui pratiquent le Party and play (PnP) ou qui utilisent des substances pour prolonger ou améliorer leurs activités sexuelles doivent affronter les mythes et la stigmatisation s’ils veulent obtenir des soins d’un·e professionnel·le compétent·e qui comprend que l’utilisation de substances diffère d’une personne à l’autre.

Les populations autochtones ont trop longtemps été écartées de la conversation, une grave erreur commise au lancement de la PrEP par voie orale. Le médicament a été ajouté aux régimes publics provinciaux d’assurance-médicaments entre 2016 et 2021, alors que les membres des Premières Nations auraient pu y avoir accès gratuitement dès 2013. L’information ne leur a pas été diffusée, et la PrEP n’a pas été utilisée pendant trop longtemps. Aujourd’hui encore, la PrEP injectable (CAB-LA) fait partie des médicaments couverts pour les Premières Nations, sans prérequis ou prescription d’un médecin nécessaire, mais l’information ne circule pas… ce qui nous indique que les Premières Nations n’ont pas été consultées ni impliquées dans le processus. Comme l’a si bien dit Harlan, « le système est raciste », et j’ajouterais même « colonialiste, homophobe et transphobe ». Bref, notre système de santé, et plus particulièrement l’offre de services aux communautés 2SGBTQ, n’est pas équitable.

Pour une approche intersectionnelle

Harlan, Jordan, Gabriel et Darrell m’ont montré qu’une approche intersectionnelle est indispensable pour favoriser l’adoption de la PrEP. Pour ce faire, il faut d’abord reconnaître que nos systèmes sont faits de manière à privilégier certains groupes très précis. Il faut également comprendre et prendre en compte les expériences marquantes, dans certains cas traumatisantes, et les dynamiques actuelles des communautés noires, autochtones et trans avec le système de santé. Cela demande d’apprendre à quoi ressemblent des soins de santé qui favorisent l’affirmation de la personne. Ce n’est que lorsque nous commencerons à améliorer les rapports entre le milieu médical et nos communautés que nous pourrons apporter de réels changements à l’accès aux soins.

La réconciliation passe par la collaboration

Autre point important à retenir du webinaire : la nécessité d’impliquer les communautés dans les phases de consultation et de déploiement de la prestation des services. À voir les taux d’utilisation de la PrEP par voie orale, il est évident que sa mise en place est un échec. Le médicament est bien disponible, mais les chiffres ne suivent pas.

À quoi ressemblerait une offre plus équitable? L’information serait relayée par les membres de la communauté concernée, des pairs de confiance transmettraient leurs connaissances et de l’information. Il faudrait également favoriser une collaboration plus horizontale et se réconcilier avec les communautés exclues de la conversation, en leur laissant la place qui leur revient.

Pour la suite des choses

En tant que personne noire vivant une réalité trans, j’ai longtemps cru que la PrEP ne s’adressait pas à moi. Il reste encore des ponts à construire entre la communauté noire et la communauté queer. Même si je sais qu’il y a encore beaucoup à faire pour préparer les communautés 2SGBTQ à un meilleur déploiement de la PrEP, je me réjouis déjà de voir les options s’ajouter. L’injection aux deux mois est à nos portes, mais d’autres possibilités sont en cours de développement, comme les implants, les perfusions intraveineuses et les comprimés à plus longue durée d’action. Tant et aussi longtemps que nous continuerons à consulter les communautés et à diffuser les connaissances avant de délivrer les nouvelles formes de PrEP, l’ajout de nouvelles interventions sera extrêmement efficace.

 

Mik Vattiata habite à Toronto, où il travaille comme coordinateur de projet au Centre de recherche communautaire. Mik a de l’expérience en counseling par les pairs pour les personnes queers et en militantisme, et son travail est façonné par une perspective antioppressive. Dernièrement, Mik consacre son énergie à instaurer un dialogue et un espace favorisant les soins de santé qui permettent l’affirmation des personnes trans, surtout celles qui sont racisées. Dans ses temps libres, Mik aime passer du temps avec la personne avec qui il vit et leur chat roux dodu.

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