Le dépistage réflexe de l’hépatite C au Canada : de la théorie à la pratique
Le dépistage de l’hépatite C au Canada peut s’avérer compliqué. Jusqu’à tout récemment, le dépistage de l’hépatite C par l’entremise des laboratoires provinciaux à travers le pays consistait en un test de dépistage standard en deux étapes. Cette approche a recours à deux échantillons de sang recueillis lors de deux visites distinctes. Le premier échantillon de sang est utilisé pour le test de dépistage qui détecte les anticorps du virus de l’hépatite C afin de déterminer si une personne a déjà été exposée au virus. Si le résultat de ce test de dépistage est positif, un deuxième échantillon de sang est recueilli pour effectuer un test de confirmation qui détecte la présence du virus de l’hépatite C dans le sang. Ce test confirme si une personne est actuellement atteinte d’une infection à l’hépatite C ou si l’infection a été éliminée.
Une nouvelle approche du dépistage de l’hépatite C pourrait changer la donne. On l’appelle le dépistage réflexe ou le « diagnostic en une seule étape ». Au Canada, cette approche de dépistage est relativement nouvelle et se sert du sang recueilli lors d’une seule visite pour mener les tests de dépistage et de confirmation (au besoin) au laboratoire. Ainsi, une personne n’a pas besoin de faire une deuxième prise de sang si elle obtient un test positif aux anticorps de l’hépatite C et nécessite un test de confirmation.
Pour en apprendre davantage sur leur expérience, CATIE s’est entretenu avec deux prestataires de services de première ligne qui ont accès au dépistage réflexe et à une d’elles qui n’y a pas accès.
Un suivi plus complet et opportun des personnes vivant avec l’hépatite C
Gisela Macphail, M. D., M. S. P., FRCPC, Clinique du foie de la CUPS, Calgary, Alberta
Lorsque nous avons examiné notre cascade de soins à la clinique du foie de la CUPS en 2018, nous avons remarqué que certaines personnes n’étaient même pas au courant qu’elles avaient testé positif à l’hépatite C, car soit elles n’avaient pas eu de visite de suivi, soit le ou la prestataire qui les rencontrait à leur visite suivante n’était pas le ou la même et ne leur communiquait pas leur résultat. Nous avons également noté que plusieurs personnes n’avaient pas eu de test de confirmation pour savoir si elles étaient actuellement atteintes d’une infection au virus de l’hépatite C.
Nous avons ensuite conclu une entente avec le laboratoire provincial pour effectuer le test de dépistage réflexe de l’hépatite C sur des échantillons prélevés à notre clinique. Ce changement a été extraordinaire, car il nous a permis de faire des suivis plus complets et opportuns avec notre clientèle. Ceci est particulièrement important, étant donné qu’environ une personne sur quatre peut éliminer spontanément le virus. De nombreuses personnes vivaient avec le fardeau psychologique de l’hépatite C (par exemple, la stigmatisation, se savoir atteint·e d’une infection chronique qui nécessite un traitement pour guérir) durant des années sans même être atteintes de l’hépatite C chronique.
À la clinique du foie de la CUPS, le dépistage réflexe signifie que les résultats positifs (et négatifs) de test de confirmation effectués par tous·tes les prestataires de la clinique me sont envoyés. Je peux alors effectuer des consultations virtuelles, organiser le traitement avec l’équipe de la clinique du foie et soigner les client·e·s sans qu’ils ou elles aient besoin de me consulter en personne. Cette approche nous a permis de joindre les personnes qui font face à des obstacles pour accéder aux soins.
Simplifier le parcours vers le diagnostic et le traitement
Mia Biondi, Ph. D., IP-SSP, Omega Specialty Nurses, London, Ontario
L’Ontario est maintenant la seule province à ne pas offrir une forme de dépistage réflexe de l’hépatite C. Concrètement, cela signifie que plusieurs étapes sont nécessaires pour effectuer un test de confirmation : le ou la prestataire doit contacter et voir le ou la patient·e et envoyer de nouveaux documents au laboratoire, le ou la patient·e doit se présenter au laboratoire et enfin le ou la prestataire doit communiquer avec le ou la patient·e pour lui donner les résultats du test de confirmation. Autant d’étapes dans ce processus, sont des occasions où un·e patient·e pourrait être perdu·e au suivi. Ces étapes se compliquent encore lorsqu’une personne n’a pas toujours accès à un téléphone, ne peut se rendre au laboratoire en raison des frais de transport ou a d’autres priorités dans la vie.
Le dépistage réflexe ne requiert qu’un seul point de contact avec le ou la patient·e afin de discuter s’il ou elle est actuellement atteint·e ou non d’une infection à l’hépatite C. Les travaux de recherche nous indiquent que la réduction du nombre de rendez-vous ou de tâches à accomplir avant le traitement de l’hépatite C peut grandement favoriser l’adoption du traitement pour certaines populations. De plus, un travail de suivi important ne sera pas réalisable dans la plupart des milieux traditionnels de soins de santé.
Limites et hésitation possibles liées au processus du dépistage réflexe
Lesley Gallagher, inf., Pender Community Health Centre, Vancouver, Colombie-Britannique
Même si la pratique du dépistage réflexe de l’hépatite C accroît l’efficacité de la préparation au traitement et réduit le temps pour obtenir un diagnostic, elle peut comporter des limites qui pourraient ne pas être bien comprises par bon nombre de praticien·ne·s de la santé.
Les anticorps anti-VHC demeurent détectables à vie, indiquant que la personne a été exposée à l’hépatite C. Une personne présentant des anticorps anti-VHC n’est peut-être pas actuellement atteinte d’une infection à l’hépatite C si elle a spontanément éliminé le virus ou a reçu un traitement et a été guérie. Par conséquent, le test de confirmation est nécessaire pour déterminer si cette personne est actuellement atteinte de l’hépatite C.
Selon mon expérience de travail en Colombie-Britannique, seul le premier test de dépistage positif (des anticorps) commandé déclenchera automatiquement le besoin d’effectuer un test de confirmation de la charge virale (par mesure de l’ARN en C.-B.). La plupart des personnes que je soigne ont à leur dossier des tests antérieurs de dépistage positifs des anticorps. Ce qui occasionne quelques problèmes dans un procédé qui est censé être simplifié. Si, par le passé, quelqu’un a déjà obtenu un résultat positif aux anticorps anti-VHC, il n’a pas besoin de refaire ce test.
Un·e prestataire de soins de santé qui ne connaît pas bien les tests en laboratoire pour le diagnostic de l’hépatite C (test de dépistage par rapport au test de confirmation) pourrait simplement se fier sur un test réflexe de l’hépatite C. Si un test ARN de confirmation positif n’est pas reçu après avoir commandé un test (de dépistage) des anticorps, le ou la prestataire ne sera pas porté·e à faire un suivi ou à aiguiller le patient. Il ou elle pourrait présumer que le ou la patient·e n’est pas atteint·e de l’hépatite C. Cependant, si le ou la patient·e a à son dossier un test (de dépistage) antérieur positif aux anticorps, le test ARN de confirmation ne sera pas déclenché. Par conséquent, le statut actuel de l’infection à l’hépatite C de la personne demeure inconnu.
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Pour en avoir parlé aux personnes qui travaillent aux premières lignes, nous sommes en mesure de dresser un portrait plus complet de ce à quoi ressemble le dépistage réflexe dans la réalité : ce qui fonctionne et ce qui peut être amélioré. En définitive, le dépistage réflexe réduit les obstacles pour obtenir un diagnostic d’hépatite C et arrimer les personnes aux soins afin qu’elles puissent être soignées et guéries de l’hépatite C. Cette approche facilite le processus pour les personnes qui passent un test et elle réduit les probabilités qu’une personne n’achève pas un processus de dépistage comportant plusieurs étapes.
Pour en apprendre davantage au sujet du dépistage réflexe de l’hépatite C, consultez un article récent du Blogue de CATIE sur son instauration en Colombie-Britannique, et un aperçu du dépistage réflexe dans Point de mire sur la prévention.
Romane Close est spécialiste en connaissances, Création de ressources sur l’hépatite C chez CATIE