Sites satellites — Réduction des méfaits offerte à partir du domicile de consommateurs de drogues

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Le terme « sites satellites » désigne des centres de réduction des méfaits informels qui fonctionnent à partir du domicile de personnes qui utilisent des drogues. En activité depuis plus de 20 ans à Toronto, ces sites offrent un accès à du matériel de consommation de drogues en dehors des contextes plus formels que sont les centres de santé et les sites fixes notamment. Quoi que de nombreux sites satellites offrent bien plus — typiquement la distribution de naloxone, des formations pour intervenir en situation de surdoses et la récupération de seringues. Les programmes satellites ont vu le jour à partir du constat que les personnes qui utilisent des drogues accomplissaient déjà ce travail dans leurs communautés, intervenant informellement afin de répondre aux besoins en réduction des méfaits et en réaction à un éventail d’autres besoins liés à la santé.

Comme ce fut le cas pour de nombreuses initiatives de réduction des méfaits (distribution de la naloxone, programmes t de seringues et sites d’injection supervisée), des personnes utilisant des drogues ont créé ces modèles en réaction à un manquement des établissements de santé et pour pallier les embûches auxquelles elles se heurtaient pour avoir accès aux services existants. En leur offrant un soutien, une reconnaissance que ce travail est important et en prévoyant une rémunération pour celui-ci, ces programmes satellites visent à soutenir ces réseaux d’entraide informels.

Depuis plus de 10 ans, le Centre de santé communautaire de Parkdale Queen West et le Centre de santé communautaire de South Riverdale gèrent tous deux un programme de réduction des méfaits appelé « Satellite Sites ». Nous avons récemment créé un guide de programme conçu à la lumière de notre expérience à faire fonctionner ces sites.

Pourquoi des sites satellites?

Nous avons besoin de programmes qui nous permettent de surmonter les obstacles structurels auxquels les gens font face pour avoir accès à des services. De nombreuses personnes n’ont pas accès aux services de réduction des méfaits dans les centres de santé ou d’autres contextes traditionnels ou choisissent ne pas y avoir recours en raison de la stigmatisation, du manque de confidentialité ou de préoccupations se rapportant à la criminalisation. Les sites satellites offrent un moyen de surmonter certains des obstacles structurels qui empêchent les gens d’obtenir les services dont ils besoin. 

Nous avons besoin d’augmenter les activités de prévention des surdoses en milieu résidentiel. En Ontario, au moment de leur décès, 76 pour cent des personnes qui ont succombé à une surdose d’opioïdes entre juillet 2017 et juin 2018 étaient dans une habitation privée. Dans un milieu résidentiel, les gens sont plus susceptibles de consommer seul. De plus, les initiatives de prévention des surdoses font défaut dans les établissements privés. Les sites satellites offrent un moyen de combler cette lacune. 

Nous devons accroître les interventions de riposte destinées aux communautés de consommateurs de drogues les plus touchées par la guerre de la drogue et la crise des surdoses, ainsi que les initiatives qu’elles mènent. Les femmes de tous milieux et les personnes racialisées — notamment les membres des communautés noires et autochtones — sont ciblées de façon disproportionnée par la criminalisation et les interventions des forces de l’ordre et ont moins de chances de pouvoir accéder aux services de réduction des méfaits traditionnels. Logés au cœur de la communauté, les sites satellites représentent des points d’accès discrets de services en réduction des méfaits prévus pour les personnes marginalisées et criminalisées qui autrement n’ont pas accès, de manière sécuritaire, aux services de réduction des méfaits traditionnels. 

Les programmes satellites sont façonnables et assimilables à des communautés et contextes moins bien desservis. Les programmes satellites offrent un modèle qui s’adapterait facilement aux contextes ruraux et éloignés et à d’autres milieux non urbains. Ils peuvent également être adaptés aux besoins et aux contextes de communautés particulières qui sont mal desservies en matière de services de santé et de réduction des méfaits (p. ex., les hommes gais et queer qui utilisent des drogues dans les contextes de chemsex). 

Une approche efficace consiste à intégrer les programmes de prévention du VIH et de l’hépatite C aux programmes de réponse aux surdoses. La prévention du VIH et de l’hépatite C n’est souvent pas la priorité des membres de la communauté qui doivent se concentrer à la subsistance et la survie, ou qui font face à la dévastation continue provoquée par la crise des surdoses. Les intervenants des sites satellites sont formés pour offrir des renseignements sur le VIH et l’hépatite C qui se rapportent spécifiquement à la réalité des personnes qui utilisent des drogues et à leurs pratiques de consommation. L’intégration de ces priorités est plus efficace et permet d’établir des programmes qui répondent aux besoins et aux préoccupations spécifiques des personnes qui utilisent des drogues.

Nous devrions pouvoir diffuser l’information sans tarder. Transmettre rapidement de l’information sur des lots de drogues contaminées en circulation dans une zone particulière, par exemple, peut être critique et vital. Les intervenants des sites satellites sont particulièrement bien placés pour communiquer avec les personnes difficiles à joindre par les moyens habituels. Les sites satellites sont également un excellent moyen de glaner de l’information sur ce qui se passe dans la communauté (p. ex., les tendances de la consommation de drogues) et de s’en servir pour orienter la prestation des services.

Les sites satellites présentent un modèle adaptable qui peut répondre aux crises sanitaires émergentes, telle la nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19). Quand la COVID-19 a frappé, de nombreux services et programmes ont fermé, ce qui a laissé aux communautés des personnes qui utilisent des drogues le fardeau de la responsabilité de répondre à des crises de santé interconnectées. Les sites satellites ont continué de fonctionner en modifiant (dans la mesure du possible) leur modèle de prestation des services, notamment en offrant les services à la porte avec les précautions nécessaires, la livraison du matériel, l’observation à distance de l’injection ou de la consommation de drogues par téléphone ou vidéobavardage.

La pandémie des surdoses sévissant depuis des années, il est impératif de reconnaître et soutenir le travail des consommateurs de drogues qui assument le fardeau de cette crise. Trop souvent, le travail des personnes qui utilisent des drogues, qu’il soit formel ou informel, n’est pas reconnu à sa juste valeur. Les personnes qui utilisent des drogues sont des experts en matière de consommation et de réduction des méfaits, et plus particulièrement dans leur propre domicile et d’autres contextes résidentiels et dans la communauté. En tant qu’organismes communautaires, nous devons reconnaître le rôle central que jouent les personnes qui utilisent des drogues dans la prestation de services essentiels pouvant sauver la vie de leurs amis et voisins. Cette reconnaissance doit inclure une rémunération et un soutien appropriés. Les programmes satellites permettent la prise de mesures initiales propices à l’implication plus significative de ce groupe.

Un guide pour faciliter vos activités sur le terrain

Harm Reduction Satellite Sites: A Guide for Operating Harm Reduction Hubs from the Homes of People Who Use Drugs est une ressource fondée sur notre expérience de la création de ces programmes. Nous avons rassemblé ces enseignements dans l’espoir d’aider les prestataires de services communautaires qui voudraient établir des programmes semblables ou explorer d’autres modèles de prestation de services de santé et de réduction des méfaits ciblant les personnes qui utilisent des drogues, notamment dans les contextes résidentiels et communautaires où le besoin est le plus criant.

Le guide souligne les facteurs à considérer pour établir un programme satellite, y compris l’évaluation des besoins, le recrutement et la promotion. Il expose de manière générale différents modèles de fonctionnement des sites satellites, ainsi que les ressources et les formations nécessaires. Le guide décrit également en détail comment on peut soutenir les personnes qui utilisent des drogues qui gèrent des sites satellites, y compris le soutien en matière des droits des locataires, de criminalisation, de chagrin et de deuil, de sécurité et de protection de la vie privée.

Les programmes satellites sont à la fois des initiatives de santé efficaces pour les personnes qui utilisent des drogues, et un outil d’édification de communautés fortes. Des initiatives comme celle des programmes satellites, visant à édifier un pouvoir communautaire, fournissent un mécanisme vital qui permet aux organismes de réduction des méfaits de solliciter le leadership — et d’intégrer des connaissances — des personnes qui utilisent des drogues. Ce guide tente de puiser dans les vastes connaissances des intervenants des sites satellites et des personnes qui utilisent des drogues qui ont façonné le programme en partageant généreusement leur expérience avec nous.

Veuillez noter que nous travaillons à une version française de cette ressource que nous espérons livrer bientôt. Pour en savoir plus, communiquez avec Liam Michaud.

Il existe aussi un webinaire sur ce sujet créé par l’Alliance for Healthier Communities et l’Ontario Harm Reduction Network. Cliquez ici pour plus de détails.

 

Liam Michaud travaille dans le domaine de la réduction des méfaits à Montréal et à Toronto depuis une quinzaine d’années, offrant du soutien aux détenus, faisant du travail de rue et de la gestion de cas mobile et développant des programmes de proximité dans la rue, les foyers résidentiels et les centres d’hébergement pour les sans-abris. Il a milité avec l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD) et la Toronto Overdose Prevention Society. Liam possède de l’expérience en évaluation des programmes et en recherche communautaire et qualitative. Il est actuellement étudiant de doctorat en études sociojuridiques à l’Université York, où il se concentre sur les politiques relatives à la drogue.

Gillian Kolla est détentrice d’une bourse de recherche postdoctorale du Canadian Institute for Substance Use Research de l’Université de Victoria. Elle mène des recherches communautaires qualitatives et ethnographiques pour examiner les moyens de rendre les services de santé et sociaux plus accessibles aux personnes qui utilisent des drogues. Gillian siège également au comité de coordination de la Toronto Overdose Prevention Society, laquelle a ouvert et géré le premier site de prévention des surdoses en Ontario dans le quartier Moss Park. Lancée par des bénévoles en 2017-2018, cette initiative faisait partie d’une réponse communautaire aux surdoses mortelles.

Rhiannon Thomas travaille en réduction des méfaits à Toronto depuis près de 20 ans dans les centres de jour, les centres d’hébergement et les centres de santé communautaire, s’occupant de la gestion de cas, du soutien aux administrateurs, des programmes d’aiguilles et de seringues et du travail de proximité. Elle est membre fondatrice de la Toronto Harm Reduction Alliance et la coprésidente du Women’s Harm Reduction International Network. À l’heure actuelle, elle coordonne COUNTERfit, un programme de réduction des méfaits établi par le Centre de santé communautaire de South Riverdale.

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