Repenser la prévention du VIH chez les jeunes hommes noirs aimant le même genre

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Actuellement, les efforts de prévention du VIH continuent de négliger les hommes noirs aimant le même genre (AMG)[1]. Par contre, une réflexion pertinente et des changements dans la prestation des services pourraient changer cela.

Que nous en prenions conscience par nos propres expériences, les témoignages de notre entourage ou la littérature existante, nous connaissons les façons dont le racisme anti-Noirs — conjugué à l’homophobie et à l’hétérosexisme — limite l’accès des hommes noirs AMG aux outils et aux ressources qui favorisent et soutiennent notre santé sexuelle optimale. Les données de surveillance canadiennes reflètent également cette réalité, car les hommes noirs AMG sont représentés de façon disproportionnée dans les nouveaux diagnostics de VIH. (en anglais seulement)

Malgré ces constats, les principaux acteurs du secteur VIH de l’Ontario ont adopté un discours qui reflète l’atteinte éventuelle de la phase finale de nos efforts pour éliminer le VIH. (en anglais seulement) De plus, des chercheurs de la santé publique et des militants VIH ont fixé la cible ambitieuse d’éradiquer l’épidémie de VIH au Canada d’ici 2025 dans un texte publié par la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR).

Si nous savons que le VIH touche encore de façon disproportionnée les hommes noirs AMG (ainsi que d’autres communautés noires et autochtones), la question suivante s’impose : au profit de qui atteignons-nous la phase finale de la lutte au VIH ou la fin de l’épidémie? (en anglais seulement)

Avant de pouvoir faire de telles déclarations ou de se lancer à l’atteinte de ces objectifs ambitieux, nous devons commencer par mieux comprendre et satisfaire les besoins des hommes noirs AMG en matière de prévention du VIH.

En tant que jeune homme noir AMG cherchant à rectifier l’état actuel des actions de prévention du VIH dans les communautés noires AMG, j’ai consulté des membres de notre communauté, et ce, afin que leurs opinions soient entendues et d’indiquer quels changements sont nécessaires pour assurer la pertinence et l’utilité des efforts visant la prévention du VIH chez les jeunes hommes noirs AMG.

En invitant de jeunes hommes noirs AMG à participer à des groupes de discussion à Toronto et à Ottawa, cette initiative émanant de la communauté a permis de formuler les recommandations suivantes. Celles-ci s’adressent aux prestataires de services et aux organismes lorsqu’ils élaborent des stratégies et des programmes de prévention du VIH de façon à respecter la plénitude de qui nous sommes vraiment.

1. Aborder la question du racisme institutionnel et de son rôle dans la prestation des services

Les organismes de lutte contre le sida et les autres intervenants auprès des jeunes hommes noirs AMG doivent intentionnellement contrer le racisme systémique et revoir la mainmise structurelle qui est ancrée à tous les échelons. Faute de remède, cette emprise mine notre bien-être et accroît ainsi la vulnérabilité des jeunes hommes noirs AMG au VIH.

Même si de nombreux organismes et prestataires de services possèdent le langage nécessaire pour discourir sur le racisme anti-Noirs et sur l’importance de l’équité et de l’inclusion, grand nombre d’entre eux n’intègrent pas véritablement ces concepts dans leur travail ni leurs façons de fonctionner. Nous observons souvent l’adoption de ce langage, alors que la blancheur continue d’être construite et intégrée comme la culture et la norme dominantes de l’organisme. Les milieux de ce genre sont hostiles, intimidants ou offensants pour les jeunes hommes noirs AMG et pour les personnes qui n’ont pas un comportement de Blanc. Des changements organisationnels sont nécessaires à tous les niveaux pour reconnaître et lever ces obstacles intégrés dans la culture de tant d’organismes chargés de nous fournir des services.

Le seul fait d’énumérer l’antiracisme comme un élément de sa culture et de ses valeurs organisationnelles, sans intégrer réellement ces concepts dans ses pratiques, est insuffisant. Les changements organisationnels s’accomplissent à long terme, constamment et continuellement. D’où l’importance de se poser les questions suivantes lorsqu’on entreprend ce genre de travail :

  • Que faisons-nous pour joindre, recruter et travailler avec des groupes divers de jeunes hommes noirs AMG?
  • Que faisons-vous pour mieux faire entendre la voix des Noirs AMG et maximiser les connaissances culturelles dans notre travail?
  • Que faisons-nous pour vérifier que notre travail est culturellement pertinent et adapté aux hommes noirs AMG?
  • Que faisons-nous pour nous assurer que les clients et les employés noirs AMG se sentent en sécurité au sein de notre organisme?
  • Que faisons-nous pour garantir que le personnel non noir ne fait pas subir de violence latérale aux membres noirs du personnel?
  • Quels soutiens et formations sont en place pour stimuler un enseignement antiraciste et anti oppressif à dispenser à nos collègues ainsi que des discussions et une réflexion à ces sujets?
  • Quelles pratiques de reddition de comptes sont en place pour garantir à ce que le personnel et l’organisme s’engagent à suivre des apprentissages sur l’antiracisme et l’anti-oppression ?
  • Quelles mesures de pérennité ont été mises en place qui garantiront et favoriseront des changements à long terme quant aux valeurs et à la culture identitaires de l’organisme?

2. Améliorer l’accessibilité aux programmes pour les jeunes hommes noirs AMG

Afin que les efforts de prévention du VIH soient plus pertinents et accessibles aux jeunes hommes noirs AMG, les organismes de lutte contre le sida et les prestataires de services doivent nouer des relations et collaborer avec d’autres organismes communautaires qui s’intéressent aux enjeux qui nous touchent. En reconnaissant la diversité dans nos communautés, les collaborations de cette nature offrent un contexte plus efficace qui permet aux efforts de prévention de joindre un plus large éventail de personnes. De plus, nous devons incorporer les programmes et les efforts visant la prévention du VIH dans les programmes communautaires préétablis et les mettre à la disposition des jeunes hommes noirs AMG aux endroits qu’ils fréquentent. En arrimant ces approches aux programmes communautaires préétablis dans le but de joindre les gens là où ils se trouvent et où leurs identités noire et queer sont affirmées, on créera un contexte plus efficace pour le déploiement des efforts visant la prévention du VIH.

3. Tirer profit des médias sociaux et des plateformes en ligne pour créer des espaces sécurisants pour les jeunes hommes noirs AMG.

La nouvelle maladie au coronavirus (COVID-19) a perturbé et transposé la vaste majorité de notre travail vers le domaine numérique. Même si nous sommes contraints de refaçonner notre travail en fonction du contexte actuel, nous devons maintenir la même vitalité et commencer à revoir la façon dont nous pourrons tirer partie de cette transformation numérique dans nos efforts visant à prévenir le VIH. L’heure est venue d’envisager quelle est la meilleure façon de nous servir de ces plateformes virtuelles afin de favoriser le partage de ressources, un milieu de vie rassembleur et des programmes plus étendus. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le fait de rencontrer les jeunes hommes noirs AMG là où nous nous trouvons, même de façon numérique, permet de diffuser de l’information et d’offrir des programmes à plus de monde par l’intermédiaire de nos réseaux sociaux.

Il n’existe certes aucune approche universelle pour travailler avec les jeunes hommes noirs AMG. Il n’empêche que, si nous souhaitons vraiment atteindre la phase finale de la lutte contre le VIH ou l’éradication de l’épidémie dont plusieurs parlent, les recommandations ci-dessus constituent un bon point de départ.

 

David Absalom, MSP, est un homme noir AMG qui se voue à améliorer et à soutenir la santé et le bien-être des hommes noirs AMG. Il a occupé plusieurs postes dans le système de santé dans des organismes de lutte contre le sida, des instituts de recherche et à l’échelle du gouvernement municipal.

 

[1] Proposition de traduction pour “same-gender-loving (SGL)”, terme inventé par le Dr Cleo Manago pour décrire les hommes noirs éprouvant une attraction pour les personnes ayant le même genre et les mêmes comportements sexuels.

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