Difficultés liées aux tests de dépistage des ITS pendant la pandémie de COVID-19

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La Nouvelle-Écosse n’a pas été épargnée par la syphilis. En 2012, la province a connu une hausse marquée du nombre de cas, qui avait presque doublé par rapport à l’année précédente. Une autre éclosion a été constatée début 2020 : le nombre de cas avait augmenté de 60 % entre 2018 et 2019. Cette dernière éclosion était différente à deux égards : elle concernait principalement les femmes et ne se limitait pas à la seule région de Halifax.

« Il ne s’agit pas vraiment de prétendre qu’une région de la province est particulièrement épargnée, ce qui contraste encore avec l’épidémie de 2013, qui s’est surtout déclarée dans la ville », a déclaré le Dr Gaynor Watson-Creed, médecin hygiéniste adjoint de la Nouvelle-Écosse.

Par conséquent, les leçons tirées de l’éclosion de 2012 n’ont pas pu être appliquées à la présente éclosion. Les responsables des organismes de santé publique et de santé sexuelle comme le Halifax Sexual Health Centre (HSHC) ont commencé à réfléchir à des solutions : formulaire de demande d’analyses de sang prérempli, resserrement des liens entre les autorités de santé publique et les centres de dépistage locaux, demande de financement supplémentaire.

Mais ensuite, il y a eu la COVID-19.

Les gens ne se rendent pas forcément compte des rapports étroits qui existent entre le dépistage des infections transmissibles sexuellement (ITS) et la nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19). Les incidences vont au-delà de la distanciation physique, de l’accès limité aux cliniques et de la restriction des services offerts. Le dépistage des ITS et la pandémie de COVID-19 mobilisent les mêmes ressources en soins de santé : capacités des laboratoires, écouvillons et spécialistes des maladies infectieuses.

Réaffectation des écouvillons, annulation des rendez-vous

En Nouvelle-Écosse, les services de santé sexuelle ont été parmi les premiers à être soumis à des mesures de restriction. Tous les écouvillons destinés au dépistage des infections virales, et servant normalement aux tests de dépistage de l’herpès, ont été réaffectés au laboratoire provincial aux fins du dépistage de la COVID-19. La clinique des ITS de l’hôpital général Victoria de Halifax, le seul centre de dépistage des ITS sans rendez-vous de la Nouvelle-Écosse, a fermé ses portes. Les cabinets médicaux, y compris le HSHC, ont limité leurs services aux visites essentielles et ont commencé à fournir de nombreux services par téléphone. Les laboratoires n’ont plus accepté que les échantillons essentiels. Enfin, tous les écouvillons ont été renvoyés au laboratoire provincial. Par conséquent, on ne pouvait effectuer qu’un nombre limité de prélèvements anaux, plus aucun écouvillonnage de la gorge n’était possible, et les personnes habituellement testées par écouvillonnage vaginal devaient dorénavant fournir des échantillons d’urine.

La plus grande inquiétude, tant pour les médecins que pour les patients, est que certains soient laissés pour compte. Comme nous annulons et reportons les rendez-vous, nous n’avons aucune garantie que les patients prendront d’autres rendez-vous une fois les restrictions levées. De nombreuses personnes attendent de se présenter au HSHC pour d’autres raisons, comme un test de Pap ou le renouvellement d’une ordonnance de contraceptif, pour demander un test de dépistage des ITS. Les patients ne savent pas toujours reconnaître leurs facteurs de risque et quand leur activité sexuelle doit donner lieu à un test de dépistage des ITS, même pendant une pandémie.

Et maintenant?

Les défenseurs de la santé sexuelle au Canada tirent la sonnette d’alarme. La pandémie de COVID-19 rend l’accès au dépistage et au traitement des ITS plus difficile, mais elle ne met pas fin aux activités sexuelles. Et pendant ce temps, nous ne traitons pas les personnes qui ne passent pas de tests de dépistage, et qui peuvent être porteuses d’une infection non diagnostiquée. Nous sommes confrontés à la possibilité très réelle que le Canada connaisse une vague d’éclosions d’ITS une fois l’épidémie de COVID-19 jugulée.

Que peut-on faire? Ce n’est pas le moment de relâcher les efforts en matière de sensibilisation aux ITS. Les organismes de promotion de la santé sexuelle ont besoin d’un soutien continu. L’aube des tests de dépistage du VIH à domicile se profile à l’horizon, mais le VIH n’est qu’une ITS parmi de nombreuses autres. Les commissions scolaires devront reconnaître l’importance de l’éducation sexuelle. Il n’y a pas de raisons de sauter ces cours alors que tous les autres cours sont dispensés en ligne. Les autorités de la santé publique ne pourront plus mettre la santé sexuelle en veilleuse et laisser les organismes communautaires et à but non lucratif faire face seuls à une crise de santé publique.

 

Kirk Furlotte (il/lui) est le directeur du Centre de recherche communautaire pour la région de l’Atlantique. Il est titulaire de diplômes de premier et de deuxième cycles en promotion de la santé de l’Université Dalhousie. Il travaille dans le domaine de la recherche et de la sensibilisation en matière de santé des personnes queer et trans depuis 2010.

Abbey Ferguson (elle/la) est coordonnatrice du programme de promotion de la santé et administratrice de cabinet médical au Halifax Sexual Health Centre depuis 2016. Elle est diplômée avec spécialisation en études féminines de l’Université Mount Saint Vincent. Elle est également une doula certifiée spécialisée en avortement. Pendant son temps libre, elle participe à des compétitions de roller-catch de niveau international. Lorsqu’elle enseigne l’éducation sexuelle aux jeunes, la question à laquelle elle aime le plus répondre est : « Comment sentir le col de l’utérus? ».

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