Réaffectée : une infirmière en hépatologie aux premières lignes de la COVID-19

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Je travaille comme infirmière dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver (DTES) depuis près de 20 ans – d’abord pour l’Université de la Colombie-Britannique et aujourd’hui pour l’Autorité sanitaire Vancouver Coastal, basée au Centre de santé communautaire Pender.

Ma spécialité est le soutien clinique en hépatite C (VHC) et j’ai été largement impliquée dans la recherche sur le VHC tout au long de l’évolution des traitements. Cependant, mes activités quotidiennes ont maintenant changé. La nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19) a frappé Vancouver et, du jour au lendemain, les cliniques de première ligne ont dû passer à la vitesse supérieure. Nous faisons maintenant tout ce que nous pouvons pour la prévention et le dépistage de la COVID-19, de même que pour protéger la communauté. Mais il faut maintenir les soins pour l’hépatite C chez les personnes en traitement et celles qui sont prêtes à amorcer un traitement.

Des sites de dépistage apparaissent ici et là dans le DTES

Un site de dépistage de la COVID-19 a été créé dans le DTES et j’y travaille à présent quatre jours par semaine. L’équipe quotidienne est composée de trois infirmières, d’un administrateur et d’un gardien de sécurité. On y effectue le dépistage, l’évaluation et l’éducation. Les résultats des tests de suivi sont livrés en 24 heures.

Ce site de dépistage à accès simplifié a ouvert ses portes début avril et offre des services tous les jours de 9 h à 16 h, sept jours sur sept. Auparavant, le programme STOP VIH/sida coordonnait l’orientation des patients vers des services de dépistage; et les informations sur les patients étaient envoyées aux autorités de santé publique de la Colombie-Britannique. Des tests de confirmation étaient ensuite programmés et assortis d’une prise en charge appropriée.

Dès que le dépistage a été décentralisé, on a créé le site de dépistage du DTES – avec une grande attention portée au contrôle des infections et à l’infrastructure – afin d’offrir des tests aux personnes symptomatiques et à celles qui ont pu être exposées, sans égard aux symptômes. On effectue à présent le dépistage de la COVID-19 dans plusieurs cliniques du centre-ville et au site de dépistage désigné. De plus, STOP VIH/sida envoie une camionnette de dépistage dans divers secteurs du DTES, sept jours sur sept.

Travail de triage à l’avant de la clinique

Le vendredi, lorsque je ne suis pas au site de dépistage de la COVID-19, je suis affectée à l’équipe de triage à l’entrée du Centre de santé communautaire Pender. Je travaille avec un médecin spécialiste des maladies infectieuses et divers professionnels de la santé de la clinique. Les infirmières expérimentées en hépatologie sont un élément essentiel de l’équipe de soins, car nous savons quels patients prévoient, amorcent ou suivent un traitement de l’hépatite C. L’infirmière sait qui a besoin d’analyses de laboratoire, d’accompagnement à un rendez-vous pour une échographie, ou d’une consultation médicale. Plus l’infirmière est familiarisée avec le motif de la visite, moins il y a de retards et de désagréments.

Pendant la pandémie de COVID-19, les préoccupations relatives au contrôle de l’infection permettent de désigner un seul médecin par jour pour voir des patients en personne si nécessaire. Seulement trois chaises sont autorisées dans la salle d’attente, mais de nombreux patients attendent sur le trottoir pour récupérer leurs ordonnances, parler de leurs préoccupations ou recevoir leurs piluliers de médicaments contre l’hépatite C. La clinique continue de fournir des soins ambulatoires et pour les plaies ainsi que des services de prise de sang et de vaccination, car ils sont tous jugés essentiels au maintien d’une bonne santé. Les ordonnances de médicaments, de traitement par agonistes opioïdes et d’approvisionnement sûr couvrent maintenant une plus longue durée. Le personnel de santé respecte les restrictions des zones vertes, jaunes et rouges, dans la clinique, de même que le sens indiqué pour les déplacements afin d’éviter les contacts autant que possible.

Malheureusement, nous ne faisons plus de sérologies ni de tests d’anticorps ou de génotypage en hépatite C, car tous les laboratoires provinciaux de la Colombie-Britannique doivent donner la priorité aux cas de COVID-19. Les tests reliés à l’hépatite C reprendront dès que la pandémie sera mieux maîtrisée. Heureusement, B.C. Pharmacare a assoupli l’exigence de démontrer qu’on a effectué les tests de génotypage et d’ARN comme préalable au traitement. Peut-être cette pratique sera-t-elle maintenue une fois que la pandémie de COVID-19 aura cessé.

Une approche souple améliore l’expérience des patients

Le triage du vendredi s’effectue à l’entrée de la clinique, où l’on demande aux patients s’ils toussent, ont de la fièvre ou sont essoufflés. Nous avons récemment commencé à prendre la température de chaque personne avant son entrée dans la clinique. Nous recevons maintenant des thermomètres temporaux, qui sont moins invasifs et donnent un résultat rapidement. Le positionnement à l’avant de la clinique et l’intervention d’équipe améliorent l’expérience des patients à plusieurs égards. Comme nous devons faire preuve de souplesse dans notre approche, des infirmières, médecins et travailleurs sociaux voient parfois des patients en consultation sur le trottoir. Cela dépend vraiment de ce qui met les patients et le personnel à l’aise.

Comme nous avons remarqué une demande accrue de nourriture, nous offrons quotidiennement davantage de collations, de boissons, de fruits et de soupes à nos patients dans nos paniers. Nous poursuivons la distribution de matériel de réduction des méfaits, par contre les personnes ne sont plus autorisées à rentrer à l’intérieur de la clinique pour accéder au service de programmes d’aiguilles et de seringues. Au lieu de cela, nous distribuons le matériel d’une fenêtre qui donne sur la rue. C’est à regret que nous ne diffusons plus de films pour les patients dans la salle d’attente et que nous avons pris la mesure de ne plus autoriser les personnes à nous rendre visite ou à passer du temps dans nos locaux si elles ne sont pas là pour obtenir des services de notre part.

Des changements pour respecter la distanciation physique

La clinique Pender a pris de nombreuses précautions afin de protéger ses professionnels de la santé, son personnel et ses patients. Les réceptionnistes ont été déplacés de manière à garder la distance physique voulue. De nombreux conseillers et médecins travaillent de la maison et font des consultations téléphoniques. La clinique est à présent dotée d’un plan structuré pour les déplacements dans les couloirs; certaines salles sont réservées à l’isolement, d’autres au dépistage de la COVID-19, et certaines zones sont interdites. Les réunions du personnel se font par vidéoconférence tous les matins avant l’ouverture, plutôt que dans l’aire commune. Ces réunions sont nécessaires pour informer le personnel des directives et procédures provinciales qui changent quotidiennement, au fur et à mesure que nous en apprenons davantage sur le virus.

À la fin d’une journée de travail en tant qu’infirmière de triage, on mesure le succès par le fait d’avoir répondu aux besoins des patients en temps voulu et avec une attitude positive. Les patients devraient repartir satisfaits de leur visite, et non frustrés parce que les nouvelles méthodes de dépistage ont causé des retards ou des malentendus. Il s’agit d’un équilibre délicat entre le respect du temps des patients et des médecins, la fourniture d’aliments et d’eau fraîche, le respect des directives de contrôle des infections et le souci de préserver la confidentialité des patients – peu importe que les soins soient dispensés à l’intérieur de la clinique ou sur le trottoir.

 

Lesley Gallagher travaille comme infirmière clinicienne en hépatite C dans une clinique en milieu urbain à Vancouver, relevant de l’Autorité sanitaire Vancouver Coastal, de même qu’à Saskatoon pour le Saskatchewan Infectious Disease Care Network (SIDCN). Elle est vice-présidente et directrice de l’éducation de l’Association canadienne des infirmières d’hépatologie (CAHN).

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