Éliminer l’hépatite virale, c’est possible : Quatre leçons du Sommet mondial sur l’hépatite
Alors que le nombre de décès liés à de nombreuses maladies transmissibles poursuit son déclin dans le monde, les décès causés par l’hépatite virale dépassent aujourd’hui ceux de toutes les maladies infectieuses, y compris le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose. Les hépatites sont pourtant l’une des rares menaces à la santé mondiale pour lesquelles il existe des solutions faciles. Il existe des vaccins très efficaces contre les hépatites A et B; et des remèdes pour guérir de l’hépatite C. Ayant ces outils à notre disposition, pourquoi n’observons-nous pas d’impact sur l’épidémie?
C’est l’une des questions qu’avaient en tête les 900 participants au Sommet mondial sur l’hépatite, plus tôt ce mois-ci, à São Paulo, Brésil. J’étais aux côtés de représentants de la société civile du Canada, lors de cette réunion de trois jours organisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Alliance mondiale pour l’hépatite et le Gouvernement du Brésil.
Ce n’était que le deuxième sommet du genre – et c’était le premier depuis que 194 pays, dont le Canada, ont signé la Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale de l’OMS. D’une part, nous avons entendu des nouvelles excitantes de pays qui sont sur la bonne voie pour atteindre leurs cibles. D’autre part, nous avons entendu des comptes rendus de pays qui, aux prises avec les coûts exorbitants des médicaments, s’efforcent de rationner l’accès aux traitements. De l’ensemble de ces expériences, j’ai retenu quatre leçons qui peuvent éclairer la réponse canadienne à l’hépatite C.
Nous avons besoin d’un plan et il faut le financer
Lors du sommet, nous avons appris que 82 pays ont adopté des plans pour l’élimination de l’hépatite virale, et qu’un tiers de ceux-ci sont financés. Neuf pays sont en voie d’atteindre les cibles d’élimination dont nous avons tous convenu l’an dernier. Le Canada n’a toujours pas de plan.
L’Égypte a la plus forte prévalence d’hépatite C au monde, mais elle peut aujourd’hui se féliciter d’avoir également le plus grand nombre de personnes guéries au cours des deux récentes années : 1,4 million de personnes traitées et un taux de guérison de 95 %. Les ingrédients du succès de l’Égypte ont inclus un fort leadership politique et la coordination d’un comité composé de multiples dépositaires d’enjeux et établi il y a près d’une décennie. Des organismes de la société civile ont participé à la conception et au déploiement du plan national. L’engagement remarquable de l’Égypte à l’égard de l’élimination de l’hépatite est si fort que le pays a lui-même établi sa cible à 2020, pour y arriver – soit une décennie avant le reste du monde!
Offrir le traitement à toutes les personnes vivant avec l’hépatite C
Selon les lignes directrices de pratique clinique, chaque personne ayant reçu un diagnostic d’hépatite C et prête pour le traitement devrait se le voir offrir au moment du diagnostic. Toutefois, très peu de pays sont en mesure d’appliquer cette recommandation. En partie en raison d’ententes sur les nouveaux traitements, dont les prix sont exorbitants, plusieurs pays sont forcés de « rationner » leur approvisionnement limité en médicaments en priorisant certains patients au détriment d’autres, selon le stade de la maladie du foie, l’âge ou la consommation de drogues. Un certain nombre de régions – y compris plusieurs provinces canadiennes – progressent vers le traitement universel ou la renégociation de leurs schémas de traitement, et l’on s’attend à ce que l’OMS publie une recommandation officielle l’an prochain.
L’Australie fait l’envie du monde; c’est l’un des premiers pays où les politiques sur la santé publique prônent « l’accès pour tous ». Le plan australien prévoit l’accès universel au traitement contre l’hépatite C (sans restrictions basées sur la maladie du foie ou sur la consommation de drogues/d’alcool) ainsi que l’intégration et la mise à l’échelle du traitement contre l’hépatite C dans les milieux de soins primaires, et non seulement dans les cliniques spécialisées. L’Australie a également négocié le paiement à l’avance d’un certain nombre de traitements, au-delà duquel les nouveaux cas seront couverts par l’industrie – ce qui a permis de lever le plafond de l’accès aux traitements.
Impossible de guérir sans être diagnostiqué
L’hépatite C est guérissable, mais près de la moitié des Canadien(ne)s qui vivent avec l’infection ne sont pas diagnostiqués. Une personne qui ne sait pas qu’elle est à risque et qui n’est pas dépistée par son professionnel de la santé peut vivre avec l’hépatite C sans aucun symptôme pendant 20 à 30 ans. Au Canada, d’éminents experts recommandent le dépistage de l’hépatite C pour tous les individus nés entre 1945 et 1975, mais cette recommandation a été contredite par un groupe de travail fédéral préoccupé par les implications en matière de coût.
En comparaison, le Brésil s’est engagé à mettre à l’échelle le dépistage à travers le pays, en joignant les populations prioritaires par le biais des établissements de soins primaires. Le pays s’est donné pour ambitieux objectif de diagnostiquer et de traiter tous les Brésiliens vivant avec l’hépatite C, qu’on estime au nombre de 660 000, au cours des 13 prochaines années. C’est le double du nombre estimé de personnes vivant avec l’hépatite C au Canada!
Pas d’élimination sans réduction des méfaits et sans décriminalisation des drogues
À l’échelle mondiale, les personnes qui consomment des drogues sont de loin le groupe affecté de la manière la plus disproportionnée par l’hépatite C. La Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale identifie la réduction des méfaits comme étant l’un des cinq domaines d’intervention fondamentaux nécessaires pour atteindre l’objectif d’éliminer l’hépatite d’ici 2030. Aborder les obstacles juridiques et institutionnels à l’accès aux services est un aspect essentiel d’une approche complète en réduction des méfaits. Certains pays vont encore plus loin, en se tournant vers la décriminalisation de la consommation de drogues afin de réduire les obstacles à l’accès à la prévention de l’hépatite C et à d’autres services de santé cruciaux.
En 2001, le Portugal a décriminalisé la consommation de toutes les drogues illicites, ce qui a conduit à une forte diminution des nouveaux cas d’hépatite C et de VIH. L’engagement de l’Australie à joindre les personnes qui consomment des drogues se reflète également dans son plan d’action national et dans ses lignes directrices thérapeutiques, qui ne font pas de discrimination fondée sur la consommation de drogues.
L’élimination de l’hépatite virale est possible. Nous avons les données probantes, les outils et les engagements mondiaux pour y arriver. Ce qui manque, c’est une volonté et un leadership politiques. Et comme l’a affirmé le député portugais Ricard Leite dans sa présentation lors du Sommet : « L’engagement politique des gouvernements est une obligation morale et éthique. »
Melisa Dickie est directrice associée, Programmes de santé communautaire, chez CATIE. Elle fait également partie du comité de direction d’Action hépatites Canada.
Melisa DICKIE ne parle que de l’hépatite c alors l’hépatite B ??????
Bonjour Denis, merci de votre commentaire. En fait, il y avait pas mal de contenu sur l’hépatite B lors du Sommet, mais mon billet de blogue était axé sur l’hépatite C, car c’est le mandat de CATIE. Si vous souhaitez en savoir plus sur la stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale en général, vous pouvez consulter cet article excellent qui couvre à la fois les cibles en matière d’hépatite B et C et leurs répercussions pour les fournisseurs de services de première ligne au Canada :
http://www.catie.ca/fr/pdm/printemps-2018/strategie-mondiale-secteur-sante-contre-lhepatite-virale-signifie-t-elle-les-cana