La déclaration de Santé Canada sur le statut de la naloxone est un changement judicieux dans le paradigme des politiques sur les drogues

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L’administration de naloxone, un composé chimique qui arrête efficacement les effets de la surdose d’opioïdes, de façon temporaire, est recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé pour utilisation en cas de surdose d’opioïdes. Au Canada, à l’heure actuelle, la naloxone est offerte uniquement sous forme injectable et il faut une ordonnance pour s’en procurer; elle ne peut être administrée qu’à la personne nommée sur l’ordonnance. Afin d’élargir l’accessibilité de la naloxone pour répondre au nombre croissant de surdoses d’opioïdes, au Canada, et après un examen des données relatives à la santé et à l’innocuité, Santé Canada a proposé un changement à la liste des médicaments vendus sur ordonnance, de façon à autoriser l’utilisation sans ordonnance de la naloxone dans le cas précis d’urgences liées à la surdose d’opioïdes hors du milieu hospitalier. Une consultation publique sur cette proposition a été ouverte et, si le changement du statut demeure appuyé par les données recueillies lors de la consultation, le changement sera finalisé.

Ce développement peut sans contredit être considéré comme un virage dans le paradigme des politiques sur les drogues. Reconnaissant qu’une personne n’est possiblement pas prête, pas encore capable ou pas encore disposée à cesser de consommer des drogues, cette proposition de changement au statut de vente sur ordonnance a un potentiel évident de modifier le contexte des risques de la consommation de drogues et de réduire le méfait considérable de surdose qui s’associe à l’utilisation d’opioïdes. Le potentiel d’application de l’utilisation élargie de la naloxone est clairement démontré dans les données du Project Rock, notre récente étude auprès de 125 jeunes d’Ottawa qui utilisent et s’injectent des drogues. En plus d’expériences personnelles d’incidents de surdoses non mortelles, la majorité des femmes (53 %) et des hommes (71 %) qui ont participé avaient déjà vu une personne avoir une surdose. Si ces jeunes pouvaient être outillés de l’« Epipen » contre les surdoses et d’une formation pour l’utiliser, les méfaits évités seraient exponentiels.

Une reformulation approfondie des politiques canadiennes en matière de drogues afin d’appuyer une couverture élargie de l’administration de naloxone n’est toutefois qu’une étape, quoique cruciale, pour répondre à l’incidence croissante de la surdose associée à des opioïdes. Comme antagoniste aux opioïdes, la naloxone a un effet temporaire qui arrête les symptômes de surdose; il est essentiel que la personne en rétablissement reçoive d’autres soins d’urgence, pour sa santé optimale. La survie à une surdose est souvent intimement liée à un accès très rapide à l’aide médicale d’urgence. La réticence ou l’hésitation des témoins de surdoses à faire appel à de l’aide médicale urgente, bien documentée dans d’autres études, est attribuée principalement à la crainte d’être l’objet de poursuites criminelles. Dans notre étude, la majorité des jeunes ont affirmé que le 911 (services de premiers répondants) n’avait pas été contacté lors de leur plus récente surdose.

Comme l’a soutenu la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, les lois sur l’immunité aux bons samaritains adoptées par plus de 30 législatures des États-Unis, conférant une protection contre les poursuites pour utilisation et possession de drogues si la preuve a été obtenue parce qu’une personne a fait appel au 911, ont le potentiel d’avoir un effet marqué en incitant un plus grand nombre de témoins à demander l’aide des premiers répondants. Au Canada, le dépôt récent du Projet de loi du bon samaritain de la surdose, à la Chambre des Communes, par le député libéral Ron McKinnon, proposant des mesures législatives pour contrer la peur associée au signalement d’une surdose de drogues en accordant aux personnes qui font appel au 911 une amnistie les assurant de ne pas être accusées de possession de drogues, est un autre changement considérable des politiques sur les drogues qui modifiera le contexte des risques associés à la consommation de drogues.

Exemplifiées au Canada par la « crise du fentanyl », les conséquences fatales de la surdose d’opioïdes à l’échelon individuel révèlent l’urgente nécessité de ces deux éléments de réforme des politiques et des programmes associés, aux échelons provincial et fédéral, afin de réduire de façon plus marquée les méfaits associés à la consommation de drogues en général ainsi que le nombre de cas de surdoses mortelles en particulier.

Nous devons déployer tous les efforts possibles afin que ces initiatives reçoivent notre appui maximal. Santé Canada invite les gens à lui transmettre des commentaires concernant sa proposition de réviser l’inscription de la naloxone sur la Liste des drogues sur ordonnance afin d’autoriser l’utilisation sans ordonnance de la naloxone. Veuillez faire entendre votre voix en prenant connaissance de l’avis du Ministère et en lui adressant vos commentaires à drug_prescription_status-statut_d’ordonnance_des_drogues@hc-sc.gc.ca. Vous avez jusqu’au 19 mars 2016 pour appuyer ce changement!

La Dre Lynne Leonard est directrice de l’Équipe de recherche sur la prévention du VIH et de l’hépatite C (VHC) à l’Université d’Ottawa où elle est titulaire d’un poste universitaire au Département d’épidémiologie, de santé publique et de médecine sociale. La Dre Leonard est titulaire d’une chaire en recherche appliquée sur le VIH de l’OHTN et siège par ailleurs au conseil d’administration de CATIE.

 

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