Comment communiquez-vous l’information sur le risque pour le VIH?

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« Quel est le risque de transmission du VIH lors d’une relation anale sans condom si je suis le partenaire réceptif? » « À quel point le risque de transmission est-il faible si ma charge virale est indétectable? » « Quel est le risque si mon partenaire était en phase d’infection aiguë au moment de notre relation sexuelle? »

Il n’est pas facile de répondre à des questions sur le risque pour le VIH. Les récents progrès de notre compréhension de la transmission et de la prévention du VIH ne facilitent d’ailleurs pas les choses!

« Risque élevé » et « faible risque »

L’approche la plus répandue pour communiquer de l’information sur le risque pour le VIH consiste à utiliser des mots comme « élevé » et « faible » pour désigner des catégories de risque.

Une ressource fréquemment utilisée et qui applique cette approche est celle offerte par la Société canadienne du sida, intitulée La transmission du VIH : guide d’évaluation du risque. Ce guide, publié initialement en 1998, a été révisé plusieurs fois depuis; la plus récente édition a été publiée en 2005. Bien qu’il demeure utile pour répondre à certaines questions sur la transmission du VIH, le modèle du risque adopté dans cette ressource n’a pas intégré certaines des plus récentes informations sur le VIH, comme la charge virale, la prophylaxie post-exposition (PPE) et la prophylaxie pré-exposition (PrEP).*

Dans certaines régions du Canada, des experts utilisent la même approche pour communiquer des informations sur le risque en lien avec certains de ces nouveaux éléments. Par exemple, le Consensus d’experts : charge virale et risque de transmission du VIH développé par un comité convoqué par l’Institut national de santé publique du Québec et publié en 2014. Ce rapport présente des informations pertinentes aux communications sur le risque de transmission du VIH en présence d’une charge virale indétectable dans le sang.

Des organismes communautaires canadiens utilisent également l’approche des catégories de risque pour développer des ressources pour les clients, comme le site Web « Know your risk » de la Health Initiative for Men et l’application pour téléphone mobile intitulée « Sexposer » qu’ont développée le Portail VIH/sida du Québec et Sida bénévoles Montréal.

Des interprétations différentes du risque

L’approche fondée sur les catégories de risque est sans contredit la plus courante; mais est-ce la plus efficace? Les catégories de risque rejoignent-elles les individus, lorsqu’ils font des choix en matière de prévention lors de leurs relations sexuelles, et favorise-t-elle des décisions plus éclairées? La recherche n’a pas répondu à ces questions, et il est important que les intervenants du domaine du VIH y réfléchissent.

Une limite considérable de l’utilisation de mots pour décrire le degré de risque est l’interprétation subjective que l’on peut en faire : « risque élevé » peut signifier une chose pour l’individu A et quelque chose de complètement différent pour l’individu B. Ceci n’est pas nécessairement propice à ce que l¹ensemble des clients partage une compréhension commune du risque pour le VIH. Il peut en résulter également un écart entre le sens qu’un intervenant souhaite véhiculer et l’interprétation que fait un client.

Les compréhensions subjectives sont influencées par un large éventail de facteurs, comme la relation de chaque personne avec le VIH et avec le risque en général. Pour des personnes peu enclines à prendre des risques et celles qui ont une anxiété liée au VIH, tout niveau de risque peut sembler « élevé », peu importe à quel point vous leur diriez qu’il est « faible ». Pour certaines personnes, « élevé » peut signifier que le risque de transmission du VIH est de 100 %, même si nous savons que ce n’est jamais le cas. D’autres peuvent avoir eu à plusieurs reprises des activités à « risque élevé » et n’avoir jamais contracté le VIH, ce qui peut abaisser leur estimation de ce que signifie le qualificatif « élevé ». Ces exemples ne sont que quelques-unes des interprétations possibles entourant la notion de risque pour le VIH.

Solutions possibles

Comment pourrions-nous combler ce fossé et offrir aux clients des conseils plus pertinents? Une solution consiste à être très explicite et à définir les termes que nous utilisons. Si vous dites qu’une certaine activité comporte un « risque élevé », assurez-vous de définir les critères qui ont servi à déterminer qu’elle fait partie de cette catégorie.

Une autre solution possible : utiliser des chiffres – et c’est souvent ce que des clients désirent (voici un résumé des connaissances sur les risques liés à une exposition au VIH). Bien que ces chiffres puissent être utiles, il est important de les mettre en contexte à l’aide d’informations additionnelles afin d’éviter qu’elles soient mal interprétées. Un fournisseur de services me l’a mentionné lors d’une entrevue : « Les chiffres peuvent être un excellent outil pour aider les personnes à concevoir le degré de risque, mais ils peuvent également être très déroutants. … Je les remets toujours dans leur contexte et je m’assure que les personnes comprennent comment ces chiffres ont été calculés et ce qu’ils veulent dire. Grâce à cette façon de faire, de nombreux clients se rendent compte que les chiffres ne constituent pas vraiment la réponse à leur interrogation. »

Une approche sur mesure

Une chose est claire : la communication au sujet du risque doit inclure une exploration de la perception du risque de VIH chez le client. Plutôt que de dire que le risque est « élevé » ou « faible » en se référant à des lignes directrices (une méthode de type descendante), l’un de mes collègues invite ses clients à définir leur propre degré de risque selon leurs activités et comportements sexuels. Avec cette méthode de type ascendante, il n’y a pas de mauvaise réponse. Un client peut n’avoir que du sexe oral et considérer que son risque est élevé, et cela est convenable s’il comprend que d’autres activités comportent un risque beaucoup plus élevé que ce qu’il définit personnellement comme « élevé », et que certaines activités comportent un risque plus faible.

Une telle approche prend en compte la perception du client concernant le risque pour le VIH, tout en offrant une occasion d’explorer les raisons qui l’expliquent et de rectifier toute perception erronée. Les discussions sur le risque pour le VIH peuvent s’en trouver plus pertinentes pour le client et les idées erronées peuvent être moins répandues, si on laisse le client recourir à sa compréhension et à sa perception personnelles du risque.

Bien sûr, cette méthode, tout comme une grande partie du travail de communication sur le risque pour le VIH, présente une limite : il faut une approche personnalisée. Ceci n’est pas toujours possible, car plusieurs interactions avec des clients n’ont pas lieu en personne, ou individuellement, mais plutôt par le biais de campagnes, de sites Web et de publications imprimées. Pour ces types d’interactions, les messages concernant le risque pour le VIH doivent être applicables de façon large, pour un vaste éventail d’individus. Là réside un défi majeur, pour l’efficacité de la communication au sujet du risque pour le VIH.

Dans la suite des efforts à ce chapitre, il sera important d’examiner comment nous pourrions utiliser les nouvelles technologies, comme les sites Web interactifs et les applications pour téléphones mobiles, afin de communiquer le risque pour le VIH selon une approche adaptée sur mesure. Ces approches sur mesure devront explorer les perceptions relatives au risque et d’autres facteurs contextuels susceptibles d’avoir une incidence sur le risque (par exemple, la dynamique d’une relation, les types de partenaires sexuels, la santé mentale et la consommation de drogues).

* En 2014, la Société canadienne du sida a publié un document intitulé « La transmission du VIH : les facteurs qui affectent le risque biologique » offrant des informations complètes sur la charge virale, la PPE, la PrEP et d’autres facteurs biologiques. Cependant, le document n’offre pas de modèle actualisé concernant le risque.

James Wilton travaille depuis plus de cinq ans comme coordonnateur de la prévention du VIH par la science biomédicale chez CATIE; il se concentre sur les implications des nouvelles recherches biomédicales pour la prévention du VIH. Il termine une maîtrise en santé publique avec spécialisation en épidémiologie de l’Université de Toronto et détient un baccalauréat en microbiologie et immunologie de l’Université de la Colombie-Britannique.

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