Jeter les bases du dépistage efficace de la syphilis dans les communautés autochtones

La syphilis est une infection transmissible sexuellement (ITS) que l’on peut prévenir et guérir, mais la seule façon de savoir avec certitude si une personne en est atteinte est de faire un test de dépistage. Alors qu’une épidémie de syphilis sévit au pays et touche certaines régions et communautés plus durement que d’autres, il est indispensable d’assurer l’accès au dépistage et au diagnostic pour mettre un terme à cette menace pour la santé publique au Canada.
Le dépistage rapide de la syphilis
Le test de dépistage rapide de la syphilis est un outil prometteur pour nous aider à atteindre nos objectifs. Mais en quoi consiste-t-il exactement, et pourquoi est-il important? Ce test détecte les anticorps dans un échantillon de sang et fournit des résultats en quelques minutes, ce qui rend le dépistage plus accessible. Plus les possibilités de dépistage sont nombreuses, surtout en dehors des hôpitaux, plus il est facile de passer un test. Lorsqu’une personne connaît son statut, elle peut prendre soin d’elle-même et de sa communauté, ce qui réduit la transmission et contribue à mettre fin à l’épidémie.
Comme le montrent les efforts pour accroître le dépistage du VIH, les avancées technologiques doivent être offertes de la même manière à tout le monde pour être efficaces. Dans la plupart des pays riches en ressources, le dépistage rapide de la syphilis est facilement accessible. Ce n’est pas encore le cas sur le territoire que l’on appelle aujourd’hui le Canada.
L’étude Manaacii Wiithagapin
Un projet d’évaluation des besoins piloté par les Autochtones dans le centre-ville de Winnipeg a permis de mettre en lumière des pratiques susceptibles d’accroître le dépistage de la syphilis et de mieux servir les communautés qui ont subi des préjudices dans le système de santé conventionnel.
Financé par leFeast Centre for STBBI Research, le projet Manaacii Wiithagapin est issu d’un partenariat entre Waniska/Ka Ni Kanichihk, Sunshine House et l’Université du Manitoba. Le projet est dirigé par l’Aînée Gayle Pruden et Ellen Cook, Ph. D.; Melissa Morris et le Dr John Schellenburg sont coresponsables de l’étude. Melissa Morris a reçu une bourse de recherche communautaire avec le soutien du Dr John Schellenburg et, ensemble, l’équipe a intégré à l’étude qualitative des pratiques autochtones sous la forme de cercles de partage.
Trente-trois personnes, à savoir des personnes ayant un savoir expérientiel du VIH et des ITSS, des membres de la communauté et des membres du personnel de Sunshine House, ont été interrogées sur leur connaissance et leur expérience du dépistage rapide et de l’autodépistage des ITSS, ainsi que sur leurs réflexions entourant les soins et le soutien après un résultat positif ou négatif. L’équipe de l’étude a analysé les informations échangées lors des cercles de partage afin de mieux comprendre les besoins des personnes avant, pendant et après le dépistage.
Qu’a découvert l’équipe de recherche?
L’équipe a constaté que le milieu dans lequel se fait le dépistage et l’accès à des services de suivi sont des éléments essentiels pour accroître le dépistage, et que les connaissances sur la syphilis constituent un aspect important du parcours.
Le milieu dans lequel se fait le dépistage
Les communautés qui ont subi par le passé ou subissent encore des préjudices dans les soins de santé conventionnels, comme du racisme ou des procédures médicales forcées, sont moins enclines à utiliser les services de santé dans les milieux cliniques. Les contextes communautaires, tels que les organismes locaux et les évènements dans la communauté, sont considérés comme des lieux plus sûrs pour obtenir des services de dépistage. L’accès à des services culturels, comme la possibilité de parler à un·e Aîné·e avant, pendant ou après le processus, crée un contexte culturel favorable qui encourage la régularité du dépistage.
Accès à des services de suivi
Les personnes participantes ont déclaré qu’elles seraient plus enclines à passer un test de dépistage si elles savaient à l’avance ce qu’il faut faire en cas de résultat positif. Le test semblerait moins intimidant si elles savaient quelles sont les aides disponibles ou comment obtenir un traitement. Témoignage d’un·e participant·e :
Je pense que ça fonctionnerait peut-être pour une personne qui est très familière avec le dépistage, qui sait que si son résultat est positif, elle se rendra chez le médecin le lendemain, elle ira voir son Aîné·e, elle appellera quelqu’un. Personnellement, avant de faire ce test, j’aurais besoin de savoir quels seront mes soutiens.
Connaissance de la syphilis
Les participant·e·s étaient très bien renseigné·e·s sur le VIH, mais moins sur la syphilis. Par exemple, tout le monde avait entendu parler de syphilis, mais pas forcément de son mode de transmission ou du fait qu’il est possible de la guérir. Beaucoup de personnes connaissaient les différents types de tests de dépistage du VIH, comme le test rapide au point de service et l’autotest, mais elles étaient moins au courant des différents types de tests pour la syphilis ou de la façon de les obtenir.
Que peut-on faire pour augmenter le dépistage de la syphilis?
L’équipe de recherche a constaté qu’il était possible d’accroître le dépistage de la syphilis en appliquant les leçons tirées du dépistage du VIH :
- Informer la communauté sur la prévention, le dépistage et le traitement de la syphilis.
- Créer des occasions de formation et de sensibilisation pour les Aîné·e·s, les pairs, les prestataires de soins de santé et les prestataires de services de première ligne afin que leurs connaissances en matière d’ITSS et de réduction des méfaits demeurent à jour.
- Accroître l’accès au soutien culturel dans les milieux communautaires et cliniques.
- Multiplier les lieux et les contextes de dépistage.
- Tirer parti de l’infrastructure et des initiatives de santé publique qui ont contribué à augmenter le dépistage du VIH.
Quelles sont les prochaines étapes?
En arrivant à faire en sorte que les milieux de dépistage soient moins cliniques, les personnes seront plus nombreuses à passer un test pour la syphilis. Les lieux où sont également fournis des services non cliniques, tels que des programmes alimentaires, une aide au logement ou des services de transport, offrent un cadre idéal pour dispenser des soins holistiques. La mise en place d’un modèle de soins de santé dirigé par les Autochtones et fondé sur l’amour, la compréhension et la relationnalité est essentielle pour rendre l’expérience du dépistage plus sécurisante. Ce modèle met l’accent sur les réseaux de soins relationnels et présente une approche des soins qui favorise l’autonomie. Ces efforts ont permis d’accroître le dépistage du VIH, et c’est également possible pour la syphilis.
Pour plus d’information sur le projet Manaacii Wiithagapin, communiquez avec Melissa Morris.
Melissa Morris est bispirituelle/indigiqueer et fière de sa citoyenneté de la Fédération métisse du Manitoba. Ses origines remontent à la colonie de la rivière Rouge, dans le nord du Manitoba et de la Saskatchewan. Grande militante, elle utilise son histoire fondée sur les forces pour lutter contre les inégalités que rencontrent les Autochtones vivant avec une ou des ITSS. Elle est coordonnatrice communautaire au Waniska Centre for Indigenous STBBI Research et exerce ses fonctions par l’intermédiaire de son partenaire Ka Ni Kanichihk. Elle est également gestionnaire du Village Lab. Dans ses temps libres, Melissa est bénévole au centre de santé communautaire Nine Circles, où elle siège au conseil d’administration et au comité consultatif sur le savoir expérientiel.
Sugandhi del Canto est directrice associée, Échange de connaissances sur le VIH et la santé sexuelle chez CATIE.