Le choix et non la contrainte : un appel en faveur des soins volontaires

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Malgré ce que beaucoup pourraient penser à la suite de l’actualité récente sur l’élargissement de son application en Colombie-Britannique, le traitement involontaire pour l’usage de substance est déjà pratiqué en C.-B. Cette approche désigne un traitement psychiatrique administré à des personnes sans leur consentement, généralement utilisé pour celles ayant des problèmes de santé mentale et/ou d’usage de substances. Ce traitement peut être administré en vertu de nombreuses lois en C.-B., notamment la Loi sur la santé mentale de la C.-B. Sur l’ensemble des personnes détenues et traitées involontairement en vertu de cette dernière, 1 sur 5 ont reçu un diagnostic primaire de trouble de l’usage de substances, ce qui en fait la troisième raison la plus courante de traitement involontaire en C.-B. Vu les discussions concernant l’élargissement de cette approche en C.-B. et dans d’autres régions du Canada, il est essentiel de se pencher sur les violations des droits de la personne dans le système du traitement involontaire actuel, le manque de données probantes étayant son efficacité ainsi que sur les méfaits potentiels et les préoccupations éthiques qui découlent de son application.

Les violations des droits de la personne dans le système du traitement involontaire actuel

Notre système de traitement involontaire actuel est déjà une source de préoccupations en matière de violation des droits de la personne. Par exemple :

  • Un rapport de 2017 de la Community Legal Assistance Society a mis au jour des violations généralisées des droits de la personne. Ils comprennent l’ingérence du personnel des centres de détention dans le droit des personnes à demander le réexamen de leur détention (par exemple, en offrant des incitatifs, en proférant des menaces, en exerçant une pression et en entravant l’accès aux audiences de révision).
  • En 2019, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a déclaré que « la Loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique contient des critères très larges pour le placement d’office et, une fois détenue, une personne peut être traitée de force sans son consentement libre et éclairé, y compris la médication forcée et la thérapie électroconvulsive ». Cette pratique va à l’encontre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (Articles 14 et 25).
  • Un rapport de 2019 signé par l’ombudsman de la C.-B. a dévoilé que des pratiques comme le traitement psychiatrique forcé et l’utilisation de mesures disciplinaires, comme la mise à l’isolement et les mesures de contention constituaient un « pouvoir extraordinaire peu supervisé ou n’ayant guère de comptes à rendre ». Ce rapport comportait 24 recommandations de changement pour protéger les droits des patient∙e∙s involontaires en vertu de la Loi sur la santé mentale. Un autre examen daté de 2022 a quant à lui révélé que seulement un tiers des recommandations avaient été mises en place et que le non-respect de la loi était encore monnaie courante.
  • Un rapport de 2021 de la représentante des enfants et des jeunes de la C.-B. a fait état d’une augmentation alarmante de la détention et du traitement involontaire des enfants et des jeunes. Parmi les nombreux résultats préoccupants, le rapport qualifie l’utilisation non réglementée des mesures de contention et la mise à l’isolement d’« inacceptables ».

Manque de données probantes permettant d’étayer l’efficacité

Les données probantes ne soutiennent pas l’allégation selon laquelle la détention et le traitement involontaire constituent des méthodes efficaces ou qui améliorent les résultats sur le long terme. En fait, la recherche indique plutôt que l’efficacité du traitement involontaire est « limitée et non concluante ». De plus, les personnes ayant une expérience passée ou présente de l’usage de substances « n’approuvent pas les soins involontaires dans les conditions inadaptées actuelles du système de santé ». L’innocuité et l’efficacité du traitement involontaire pour l’usage de substances sont davantage remises en question, lorsqu’on prend en compte certaines études qui ont démontré un risque accru de décès par surdose et d’intoxications à la suite du congé

Méfaits potentiels et préoccupations éthiques

De nombreux méfaits potentiels et préoccupations éthiques sont associés au traitement involontaire pour les troubles de l’usage de substances. Les organismes et les défenseurs des droits de la personne soulignent que la détention et le traitement involontaires ne devraient pas être étendus sans de solides garde-fous juridiques afin de défendre les droits de la personne. La Loi sur la santé mentale de la C.-B. accorde déjà un immense pouvoir permettant de détenir, d’administrer un traitement, de discipliner, d’isoler, ou de recourir à la contrainte physique contre les personnes éprouvant des problèmes de santé mentale et d’usage de substances; en outre, la manière d’user de ce pouvoir est insuffisamment contrôlée et transparente. Par exemple, en vertu de l’article 32 de la Loi sur la santé mentale de la C.-B., les patient∙e∙s involontaires sont soumis∙e∙s à la « direction et aux mesures disciplinaires » du personnel sans clarifier quelles conséquences peut avoir le terme « mesures disciplinaires ». Les personnes ayant une expérience vécue nous ont livré que ces mesures peuvent comprendre la mise à l’isolement, la contrainte physique, ou l’interdiction de se rendre à l’air libre. Sans mesures de protection adéquates, les personnes qui composent avec l’usage de substances pourraient être détenues contre leur gré dans des situations qui ne prennent pas adéquatement en compte leurs besoins uniques, leur autonomie personnelle ou leurs droits.

Une autre préoccupation éthique de taille concernant le traitement involontaire est que celui-ci peut éroder la confiance à l’égard des services de soins de santé et de soutien. Les personnes détenues et traitées contre leur volonté peuvent être traumatisées ou lésées, ce qui entraîne la crainte et l’évitement des services de soins de santé plus tard. Les études ont déjà démontré que les personnes qui reçoivent un traitement obligatoire en matière de santé mentale dans la communauté ne sont pas plus susceptibles d’être orientées vers des services, ou d’obtenir de meilleurs résultats sociaux ou en matière de santé mentale que celles qui y accèdent de leur propre chef.

Un meilleur accès au traitement volontaire et aux autres services et soutiens

Plutôt que d’aborder les causes fondamentales de l’usage de substances, comme la pauvreté, les traumatismes et le manque de logement, le traitement involontaire renforce la criminalisation et la marginalisation des personnes qui utilisent des drogues. L’accent ne devrait pas être mis sur l’élargissement du traitement involontaire, mais plutôt sur l’expansion et l’amélioration des services et des soutiens pour celui-ci. Ces services volontaires devraient être disponibles, accessibles, acceptables et de qualité. Nous avons besoin de services qui donnent la priorité au choix et non à la coercition. En ce qui concerne les problèmes sanitaires liés à l’usage de substances, notons par exemple :

  • L’augmentation de l’accès peu contraignant aux options de traitement volontaire en renforçant la disponibilité des programmes de gestion du sevrage, des traitements par agonistes opioïdes et des services de soutien généraux.
  • L’investissement dans des services de réduction des méfaits, comme les sites de consommation supervisée et les services d’analyse des drogues pour prévenir les surdoses en lien avec les drogues contaminées et l’accès à la naloxone pour prévenir les décès par surdose.
  • Le soutien de programmes dirigés par des pairs et communautaires, notamment en s’assurant que les personnes ayant une expérience passée ou présente soient en première ligne de l’offre de services et de l’élaboration des politiques.
  • L’instauration d’une approche aux soins fondée sur les droits de la personne et l’assurance que la loi, les politiques et la pratique accordent la priorité à l’autonomie, à la dignité et au consentement éclairé.

Au lieu d’élargir l’application du traitement involontaire, nous devons travailler en vue d’approches qui respectent les droits des personnes et leur apportent les soutiens volontaires et complets dont elles ont besoin.

 


Health Justice est un organisme sans but lucratif qui transforme les systèmes qui modèlent le traitement de la santé mentale et de l’usage de substances en C.-B. au moyen de la recherche, de la sensibilisation et de la défense des droits. L’organisme travaille pour changer les lois, les politiques, les dynamiques du pouvoir et les normes qui débouchent sur une augmentation du recours au traitement involontaire de la santé mentale et de l’usage de substances en C.-B. Les personnes ayant une expérience passée ou présente informent et guident le travail de l’organisme pour qui les communautés les plus touchées par le traitement involontaire constituent la raison d’être.

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