Prise en charge de l’hépatite C chez les enfants : comment ça se passe?

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Saviez-vous que l’hépatite C est une infection du foie qui peut se guérir en huit ou 12 semaines grâce à des traitements ayant une efficacité frôlant les 100 %? Appelés antiviraux à action directe, ces traitements ont d’abord été conçus pour les personnes de 18 ans et plus, mais des options de traitements pour les personnes de 18 ans et moins ont également été développées au cours des dernières années. Il s’agit notamment d’un traitement approuvé au Canada pour les enfants âgé∙e∙s de 3 ans et plus, changeant ainsi la donne dans le milieu pédiatrique.

Romane Close, spécialiste, Création de ressources et mobilisation des connaissances chez CATIE, a pu s’entretenir avec le Dr Fernando Alvarez, chercheur et pédiatre hépatologue au CHU Saint-Justine de Montréal, afin de mieux comprendre la réalité de la prise en charge des enfants atteint·e·s d’hépatite C et d’explorer en quoi ces derniers développements constituent une amélioration pour les plus jeunes.  

Quels sont les groupes d’enfants à risque d’avoir l’hépatite C?

Chez les jeunes de 0 à 18 ans, nous observons trois groupes à risque d’avoir une infection chronique par le virus de l’hépatite C.

Le premier groupe correspond aux enfants né∙e∙s d’une mère* atteinte d’hépatite C. En effet, le virus peut se transmettre entre la mère et l’enfant durant la grossesse et l’accouchement. C’est la principale voie de transmission de l’hépatite C chez les enfants et le risque de transmission est d’environ 5 %.

Le deuxième groupe correspond aux enfants émigré·e·s de pays où il y a une haute prévalence d’hépatite C. Dans leurs pays d’origine, la transmission de l’hépatite C a principalement lieu lors de pratiques médicales et dentaires non sécuritaires, mais là encore la transmission peut se faire durant la grossesse et l’accouchement.

Le dernier groupe correspond aux adolescent∙e∙s qui utilisent des drogues. L’hépatite C peut être transmise en cas de partage de matériel pour s’injecter, fumer ou sniffer des drogues.

*Le Dr Alvarez se sert du terme « mère », par contre nous reconnaissons chez CATIE que ceci s’applique à tout parent qui accouche, peu importe sa façon de s’identifier quant au genre.

Comment évolue l’infection de l’hépatite C chez les enfants?

Environ un quart des enfants qui ont contracté l’hépatite C durant la grossesse ou l’accouchement vont dans les deux, voire trois, premières années de leur vie se débarrasser du virus sans traitement. Ainsi, durant les trois premières années de vie, des suivis sont établis pour effectuer des tests de dépistage, afin de savoir si l’enfant a encore l’hépatite C ou l’a éliminée par lui-même sans traitement.  

Pour les enfants et les adolescent·e·s avec un diagnostic d’hépatite C chronique, les complications liées à cette infection sont rares. Par exemple, jusqu’à l’âge de 18 ans, il est très peu fréquent qu’une fibrose, c’est-à-dire des cicatrices au foie, apparaisse et il est encore plus rare de voir apparaître une cirrhose, qui est une complication grave du foie.

Le CHU Sainte-Justine, est le seul centre de transplantation pédiatrique au Québec depuis 1986. Ils y ont effectué une seule transplantation du foie chez un·e enfant atteint·e d’hépatite C. Dans ce cas précis, des problèmes de santé coexistant avec l’hépatite C ont conduit à la nécessité de réaliser une transplantation.

Quels tests de dépistage utilisez-vous pour les enfants né∙e∙s d’une mère qui a l’hépatite C?

Pour confirmer un diagnostic d’hépatite C, il faut en général faire deux tests de dépistage. Un test de détection des anticorps dirigés contre le virus de l’hépatite C est d’abord effectué afin de déterminer si une personne a déjà été exposée au virus. Si le résultat de ce test est positif, un test de confirmation est réalisé pour détecter la présence du virus de l’hépatite C dans le sang.

Afin de déterminer si un·e enfant né∙e d’une mère avec l’hépatite C a contracté le virus, nous procédons directement au test de confirmation. En effet, le test de détection des anticorps n’est pas utile jusqu’à ce que l’enfant ait 18 mois, car les anticorps détectés seraient ceux transmis par la mère à travers le placenta, et ceci ne nous aiderait donc pas dans le diagnostic.

Comment prenez-vous en charge les diagnostics d’hépatite C chez les enfants et les adolescent·e·s?

Des suivis annuels sont réalisés chez les enfants atteint·e·s d’hépatite C, lors desquels des tests de laboratoire et des échographies abdominales sont réalisés pour détecter un début de complication liée à l’infection. Même si les risques sont très rares, ils ne sont pas à négliger, surtout chez les enfants. Si des anomalies sont détectées durant ces suivis annuels, la fréquence des suivis est alors augmentée aux 3 à 6 mois avec des examens plus approfondis.

Maintenant qu’il y a un traitement disponible pour les enfants de 3 ans et plus, et qu’il existe plus d’options de traitement pour les enfants de 12 ans et plus, cela facilite énormément la prestation de soins médicaux et nous allons nous en servir.

Le traitement pour les enfants de 3 ans et plus se présente sous forme de granules en sachets et se prend généralement pendant huit semaines. Il s’agit de l’association de deux médicaments, le glécaprévir et le pibrentasvir (Maviret)**. 

Les traitements pour les enfants de 12 ans et plus se présentent sous forme de comprimés et se prennent généralement pendant huit ou 12 semaines. Parmi les options thérapeutiques, on trouve le glécaprévir et le pibrentasvir (Maviret), le velpatasvir et le sofosbuvir (Epclusa), et le lédipasvir et le sofosbuvir (Harvoni)

** Remarque de CATIE : À la date de la publication de ce billet, la formulation de glécaprévir et de pibrentasvir (Maviret) en sachets de granules pour les enfants de trois ans et plus n’est pas disponible par l’intermédiaire des programmes publics de médicaments proposés au Canada. Pour les personnes ne bénéficiant d’aucune couverture, veuillez vérifier si la compagnie pharmaceutique propose un programme d’accès à ce traitement.

Quels sont les avantages de traiter l’hépatite C chez les enfants et les adolescent·e·s?

Le fait de traiter tôt un∙e enfant et de les faire guérir de leur infection à l’hépatite C va grandement améliorer sa qualité de vie ainsi que celle de sa famille. Cela fait en sorte de ne plus avoir une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, pensant qu’il peut y avoir à tout moment l’apparition de complications liées à l’infection par le virus de l’hépatite C. En plus, la disparition du virus dans le sang par la guérison écarte les risques potentiels de transmission ultérieure.

Quel conseil donneriez-vous à des professionnel·le·s de la santé et autres prestataires de services travaillant avec des personnes à risque de contracter l’hépatite C?

Il existe au Canada tout un mouvement qui cherche à éliminer l’hépatite C en tant que menace pour la santé publique et grâce à la disponibilité des traitements efficaces actuels; nous pouvons désormais rêver que cela se réalise. Le problème pour nous, pédiatres hépatologues, est que les patient·e·s que l’on suit ne représentent qu’une petite proportion des enfants et adolescent·e·s qui ont une hépatite C chronique. Les tests de dépistage de l’hépatite C sont réalisés dans les soins de première ligne, nous sommes donc dépendant∙e∙s des prestataires de soin de santé de première ligne lorsqu’il s’agit de sensibiliser les gens à cette maladie. Il faudrait que le dépistage de l’hépatite C soit offert plus souvent aux groupes à risques de contracter le virus, y compris les enfants né∙e∙s d’une mère atteinte d’hépatite C, les adolescent∙e∙s qui utilisent des drogues, de même que les enfants et les adolescent·e·s qui ont émigré de pays où l’infection est endémique.

Nous sommes prêt∙e∙s à voir et à traiter tous les enfants et adolescent·e·s atteint·e·s d’hépatite C, par contre il est nécessaire d’accroître la sensibilisation auprès de nos collègues de première ligne quant à cette possibilité et surtout que les tests de dépistage soient effectués. Ainsi, nous allons réussir à éliminer l’hépatite C en tant que menace pour la santé publique!

 

Le Dr Alvarez est diplômé en médecine de l’Université de Buenos Aires (Argentine) et a effectué sa résidence en pédiatrie à l’Hôpital pour enfants de Buenos Aires. Deux formations postdoctorales se sont ajoutées à son cursus académique : Hôpital Bicêtre, Université de Paris (France) et Département de biologie cellulaire, Université de New York (États-Unis). Il a obtenu des certifications en pédiatrie (Buenos Aires) et en hépatologie pédiatrique (Société de pédiatrie de l’Argentine).

Ses champs d’expertise sont l’hépatologie pédiatrique et la transplantation hépatique. Ses recherches portent sur les maladies immunologiques du foie de l’enfant; hépatite auto-immune – modèle animal, cholestases néonatales, hépatites virales chroniques. Le Dr Alvarez est directeur du Programme de transplantation hépatique du CHU Sainte-Justine.

Depuis le début de sa carrière, le Dr Alvarez a obtenu plusieurs marques de distinction, dont le Prix CASL-FCF Sass-Kortsak attribué par la Fondation canadienne du foie en partenariat avec l’Association canadienne pour l’étude du foie.

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