Trois choses importantes à savoir sur l’hépatite C et le VIH chez les personnes qui s’injectent des drogues

• 

Selon des estimations récentes, les personnes qui s’injectent des drogues au Canada continuent de présenter des taux élevés d’hépatite C et de VIH, et ce, de manière disproportionnée. Elles sont également moins susceptibles de passer des tests de dépistage, d’être orientées vers des soins ou de recevoir un traitement. Si l’on veut prévenir la transmission de l’hépatite C et du VIH et améliorer les résultats de santé pour les personnes qui s’injectent des drogues, il est important de mieux saisir l’incidence des variations de l’approvisionnement en drogues et des tendances dans ce domaine sur la vulnérabilité à ces infections, et les moyens d’améliorer les services de soutien.

Pour savoir où ces moyens supplémentaires sont le plus nécessaires, les trois éléments clés suivants nous aideront à comprendre les épidémies d’hépatite C et de VIH chez les personnes qui s’injectent des drogues.

L’hépatite C et le VIH touchent de manière disproportionnée les personnes qui s’injectent des drogues au Canada.

L’injection de drogues est le facteur de risque le plus courant en ce qui concerne les nouvelles infections par le virus de l’hépatite C au Canada. On estime en effet que 45 % des personnes qui s’injectent des drogues ont déjà contracté l’hépatite C et qu’une personne sur quatre dans cette population était atteinte d’une infection active par l’hépatite C en 2019.

Une étude pancanadienne a permis d’établir qu’environ 1 personne qui s’injecte des drogues sur 10 vit avec le VIH (2017-2019). En outre, 19,8 % des 1520 nouvelles infections par le VIH estimées au Canada en 2020 concernaient des personnes qui s’injectent des drogues. S’il est vrai que les données pancanadiennes sont instructives, elles ne fournissent pas une image précise de la réalité dans les différentes régions du pays. Le taux d’infection par le VIH chez les personnes qui utilisent des drogues injectables est beaucoup plus élevé dans certaines provinces, où l’épidémie touche principalement les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Par exemple, on estime qu’en 2020, 63 % des nouvelles infections en Saskatchewan et 60 % des nouvelles infections au Manitoba concernaient des personnes qui s’injectent des drogues. Malheureusement, on ne dispose pas de données pancanadiennes ventilées par région en ce qui concerne l’hépatite C et les personnes qui s’injectent des drogues.

La cascade de soins fait apparaître à quelle étape les personnes qui s’injectent des drogues sont laissées pour compte.

La « cascade de soins » est un concept qui illustre la trajectoire des personnes touchées, en partant du diagnostic de l’hépatite C ou de l’infection par le VIH jusqu’à la prise en charge et au bon déroulement du traitement. La cascade est légèrement différente selon qu’il s’agit de l’hépatite C ou du VIH. Toutefois, dans les deux cas, les données dont nous disposons montrent que les personnes qui utilisent des drogues sont laissées pour compte sur le plan du diagnostic, de la prise en charge et du traitement.

Hépatite C

Les données pancanadiennes relatives à l’hépatite C sont limitées, mais une étude menée auprès de personnes qui s’injectent des drogues a permis de constater que seuls 50 % des participant·e·s atteint·e·s d’une infection active par le virus de l’hépatite C connaissaient leur état sérologique et que seuls 49 % de ces personnes avaient été orientées vers des soins. Parmi ces dernières, 11 % seulement avaient déjà suivi un traitement et 4 % seulement en suivaient encore un. Ces données mettent en évidence de très grandes lacunes dans la prise en charge des personnes qui s’injectent des drogues, du dépistage jusqu’à l’accès au traitement curatif de l’hépatite C.

VIH

Selon les dernières estimations, 90 % des personnes vivant avec le VIH au Canada ont reçu un diagnostic, 87 % des personnes ayant reçu un diagnostic suivent un traitement, et 95 % des personnes qui suivent un traitement ont une charge virale inhibée. À titre de comparaison, parmi les personnes vivant avec le VIH et qui s’injectent des drogues, on estime que 83 % seulement ont reçu un diagnostic, que 88 % de ces personnes suivent un traitement, et que 63 % seulement de ces dernières ont une charge virale inhibée. Autrement dit, les personnes qui s’injectent des drogues sont moins susceptibles de connaître leur état sérologique et beaucoup moins susceptibles d’avoir une charge virale inhibée que l’ensemble des personnes vivant avec le VIH au Canada.

Il est important de comprendre l’évolution des tendances et des schémas d’usage de drogues. 

Nous savons que des facteurs multiples et divers peuvent favoriser la vulnérabilité à l’hépatite C et au VIH des personnes qui s’injectent des drogues. Des facteurs structurels tels que la criminalisation de l’usage de drogues augmentent les risques de stigmatisation, de discrimination, d’incarcération et d’autres formes de marginalisation. Ces facteurs peuvent s’entrecroiser et accentuer le risque d’hépatite C et d’infection par le VIH, et constituer des obstacles à la prise en charge.

Un autre facteur de risque concerne l’évolution de l’approvisionnement non réglementé de drogues, qui peut se répercuter sur les tendances d’usage et accroître les probabilités d’infection par l’hépatite C et le VIH chez les personnes qui s’injectent des drogues. Comprendre l’évolution de ces tendances en matière d’usage et d’approvisionnement de drogues peut aider à déterminer les domaines d’intervention possibles.

Tout d’abord, il semble que le nombre de personnes qui s’injectent des drogues au Canada soit à la hausse, ce qui signifie que la population vulnérable à l’hépatite C et au VIH est plus nombreuse. Selon les résultats d’une étude pancanadienne, la pratique de l’injection de certaines drogues, notamment le fentanyl, la méthamphétamine, la cocaïne et l’hydromorphone, a connu une forte augmentation entre 2003 et 2019. Toutes ces drogues sont généralement injectées à une fréquence élevée, ce qui multiplie les occasions de partage de matériel et accroît le risque de transmission de l’hépatite C et du VIH.

S’il est vrai que la pratique du partage des aiguilles et des seringues a diminué au fil du temps, ce qui est peut-être lié à une meilleure connaissance des risques, la même étude a fait apparaître que le partage d’autres fournitures destinées à l’injection est de plus en plus fréquent. En effet, il semble que le partage des fournitures nécessaires à l’injection telles que les Stéricups, les filtres et l’eau ait significativement augmenté, ce qui est problématique car cette pratique implique également un risque de transmission de l’hépatite C et du VIH.

Toutes ces tendances font ressortir la nécessité de s’attaquer aux facteurs qui rendent les personnes qui s’injectent des drogues plus vulnérables à l’hépatite C et au VIH. Elles révèlent également la nécessité de mieux sensibiliser ces personnes aux risques de transmission liés au partage du matériel d’injection et de faciliter l’accès à tout le matériel permettant de réduire les méfaits des drogues.

Quelles sont les prochaines étapes?

Il est évident que les personnes qui s’injectent des drogues sont touchées de manière disproportionnée par l’hépatite C et le VIH, mais les données permettent également d’appréhender les mesures de soutien dont celles-ci ont besoin pour prévenir la transmission et améliorer les résultats de santé liés à l’hépatite C et au VIH. Les données indiquent qu’il est nécessaire d’accroître les services de réduction des méfaits et la sensibilisation afin de prévenir les nouvelles infections. Par exemple, de nombreux programmes novateurs s’efforcent de répondre selon une approche holistique aux besoins en matière de santé des personnes qui utilisent des drogues. Les disparités dans la séquence des soins mettent en relief la nécessité de rendre plus accessibles les tests de dépistage de l’hépatite C et du VIH, afin de faciliter le diagnostic et l’arrimage aux soins. Il s’agit également de faciliter l’accès au traitement de l’hépatite C et de favoriser la guérison, ainsi que l’arrimage aux soins à long terme des personnes vivant avec le VIH, notamment en les aidant à prendre régulièrement leurs médicaments anti-VIH pour inhiber leur charge virale.

Compte tenu des disparités régionales observées dans l’ensemble du pays, il est également important d’être conscient de ce qui se passe dans nos propres communautés afin d’orienter les interventions à l’échelon local. Il est essentiel de faire participer les personnes qui utilisent des drogues à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des services afin d’adapter les programmes aux besoins des communautés, d’atteindre les membres concernés et d’instaurer la confiance au sein des communautés.

Les données font également apparaître la nécessité urgente de s’attaquer aux facteurs qui accentuent le risque d’hépatite C et de VIH et qui entravent l’accès aux soins pour les personnes qui s’injectent des drogues. Les décès liés à l’approvisionnement en drogues dangereuses dans les communautés canadiennes ne cessent de se multiplier. La simple survie des personnes est devenue la priorité absolue des activités de réduction des méfaits. Les prestataires de services ont besoin d’être épaulés par des changements de politiques qui améliorent la vie des personnes qui utilisent des drogues (p. ex. la décriminalisation, des logements abordables) et un financement élargi des programmes de réduction des méfaits, afin de pouvoir poursuivre leur action vitale tout en continuant à mettre l’accent sur la prévention, le dépistage et le traitement de l’hépatite C et du VIH. 

 

Camille Arkell est gestionnaire, VIH et réduction des méfaits chez CATIE. Titulaire d’une maîtrise en santé publique axée sur la promotion de la santé, elle œuvre dans le domaine de la réduction des méfaits, de la sensibilisation et de la recherche en matière de VIH depuis 2010.

Partagez

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Laissez un commentaire