Il ne nous reste que huit ans
Il n’y a qu’un peu plus d’un mois que j’ai pris les rênes de CATIE en tant que nouveau directeur général, et pourtant le compte à rebours est déjà enclenché. Le Canada a moins de huit ans pour éradiquer deux menaces pour la santé publique : le VIH et l’hépatite C.
En 1990, CATIE a été fondé en tant que centre d’information sur les traitements pour les personnes vivant avec le VIH. Depuis, le mandat de l’organisme s’est élargi et nous sommes maintenant le courtier des connaissances pour les prestataires de services qui travaillent dans les domaines de la prévention, du dépistage, du traitement et des soins en ce qui concerne le VIH et l’hépatite C au Canada.
Pour la plus grande partie de l’existence de CATIE, l’objectif visant à mettre un terme à l’épidémie a toujours semblé hors d’atteinte. Mais quelque chose a changé au cours des dernières années. La science nous a confié les connaissances et les outils, dont certains avec une certitude de 100 %, nous permettant de prévenir le VIH et l’hépatite C avec une plus grande efficacité. Les technologies de dépistage sont plus performantes que jamais, et lorsqu’une personne reçoit rapidement son diagnostic, elle peut entamer un traitement hautement efficace et s’attendre à vivre une longue vie placée sous le signe de la bonne santé. Dans le cas de l’hépatite C, presque toutes les personnes traitées sont guéries et les approches actuelles en matière de réduction des méfaits rendent la prévention bien plus efficace.
Ces avancées ont changé ce qui est réalisable pour les personnes et pour nous en tant que mouvement. Les épidémiologistes indiquent qu’en tirant dès à présent parti de ces outils, la fin des deux menaces pour la santé publique que constituent le VIH et l’hépatite C pourrait devenir réalité d’ici 2030. Le gouvernement du Canada s’est engagé à atteindre des cibles mondiales d’élimination des infections transmissibles sexuellement et par le sang, avec des jalons à atteindre d’ici 2020 et 2025.
La bonne et la mauvaise nouvelle
La bonne nouvelle : le Canada a respecté certains de ses engagements concernant le VIH, et les dernières estimations émanant de l’Agence de la santé publique du Canada indiquent que nous avons atteint ou dépassé nos objectifs pour 2020 en matière de dépistage et de suppression virale. En 2021, sept des 10 provinces étaient en passe d’éliminer l’hépatite C. Aussi, les Canadien·ne·s ont dorénavant accès à des antiviraux à action directe pour ceux et celles qui en ont besoin.
La mauvaise nouvelle : des Canadien·ne·s vivant avec le VIH ne sont toujours pas pris·es en charge après le diagnostic pour une amorce du traitement. Cela requiert plus d’orientation vers les programmes de soins et une plus grande sensibilisation des personnes vivant avec le VIH et leurs partenaires aux bienfaits des traitements. Les personnes noires et autochtones au Canada représentent également une plus grande part des nouvelles infections par le VIH, ce qui soulève des questions quant à la raison pour laquelle notre action de prévention du VIH profite à certaines communautés plus qu’à d’autres.
En ce qui concerne l’hépatite C, certaines provinces entravent encore inutilement l’obtention d’un traitement, comme l’exigence de tests de stade de fibrose, de tests d’identification du génotype ou d’un deuxième test de détection de l’ARN positif pour fournir une couverture. Puisque le dépistage de l’hépatite C n’est pas offert à toutes les personnes présentant un risque, la stigmatisation et les suppositions du prestataire de soins empêchent de nombreuses personnes d’obtenir un diagnostic.
Nous avons les outils nécessaires
Même si le manque d’outils limitait auparavant notre réponse, ce n’est désormais plus le principal défi. Nous sommes maintenant outillés pour éliminer les épidémies du VIH et de l’hépatite C, mais les connaissances et les ressources nous permettant de rendre ces outils accessibles à toutes les communautés nous font défaut. C’est là qu’un courtier en connaissances est plus que jamais nécessaire et c’est la raison pour laquelle je suis heureux de me joindre à CATIE à un moment aussi critique.
Dans mon poste précédent au Centre de recherche communautaire, travailler simplement en vue d’atteindre des objectifs ne me suffisait pas. Je les prenais vraiment au sérieux. Et nous les avons atteints : une collaboration avec des partenaires pour obtenir l’approbation de la prophylaxie pré-exposition au VIH, en passant par l’autotest du VIH et l’obtention de fonds pour apporter une réponse communautaire efficace face au virus de la variole simienne.
Mes collègues et moi-même chez CATIE sommes tout aussi déterminé·e·s à atteindre les cibles du Canada en matière de VIH et d’hépatite C, et nous prenons ces objectifs au sérieux et non comme une simple suggestion. Avec tant de progrès réalisés et avec notre réponse si proche de la ligne d’arrivée, ce n’est pas le moment de penser que ces attentes sont irréalistes.
Au cours des années à venir, j’espère avoir la chance de travailler avec vous, toutes et tous, alors que nous traduisons la recherche en pratique et contribuons à faire de l’élimination une réalité au Canada… pour toutes les populations.
Jody Jollimore est directeur général de CATIE, la source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite C. Il s’est joint à CATIE en 2022 après six ans au Centre de recherche communautaire, où il occupait le poste de directeur général depuis 2017. Découvrez-en plus sur Jody ici.