Tenir les gouvernements responsables : les progrès du Canada en matière d’élimination de l’hépatite virale

• 

En mai 2021, Action hépatites Canada (AHC) a publié son Rapport 2021 sur les progrès vers l’élimination de l’hépatite virale au Canada. Cinq ans plus tôt, en mai 2016, le Canada signait la première Stratégie mondiale contre l’hépatite virale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) visant à éliminer la menace publique que pose l’hépatite virale d’ici 2030. Comme il existe un traitement pour guérir l’hépatite C (VHC) et un vaccin contre l’hépatite B (VHB), cet objectif semblait très réaliste et son échéancier, raisonnable. Mais cinq ans plus tard, nous avons d’importantes questions sur les avancées réelles du Canada alors que le temps presse.

Pourquoi un rapport de progrès?

Le gouvernement du Canada a toujours affirmé clairement que, comme les soins de santé sont de compétence provinciale/territoriale, ce sont les provinces et les territoires qui doivent rendre compte à leurs citoyens sur l’atteinte de la cible de l’OMS, et non le gouvernement fédéral. Puisque le mandat d’AHC est de s’assurer que le gouvernement rend des comptes aux communautés concernant son engagement de 2030, ce rapport de progrès est un outil que nos nombreux membres et alliés peuvent utiliser pour tenir les gouvernements provinciaux et fédéral responsables.

Ce rapport est aussi une occasion de fournir des cibles de traitement annuelles aux provinces et territoires, ainsi que des recommandations de politiques pour atteindre ces cibles annuelles.

Dans l’optique de l’équité en santé

À titre de coalition d’organismes communautaires, AHC adopte une approche de justice sociale et d’équité en santé pour aborder l’hépatite virale. L’hépatite virale touche des populations qui sont historiquement marginalisées par les soins de santé traditionnels, ce qui crée des obstacles additionnels à l’obtention de services de prévention, de dépistage et de traitement équitables. Notre rapport de progrès présente les cinq populations prioritaires et la cohorte d’âge qui sont disproportionnellement touchées par l’hépatite C selon le Modèle directeur qui guide les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada. Ces populations sont les suivantes :

Personnes qui utilisent des drogues

 

Peuples autochtones

 

Personnes incarcérées

 

Gais, bisexuels et hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes

 

Immigrants et nouveaux arrivants

 

Adultes nés entre 1945 et 1975

 

Si nous n’abordons pas les iniquités dans l’accès aux soins de santé des personnes vivant en région rurale ou éloignée du Canada, des personnes qui utilisent des drogues ou incarcérées, et sans approche des soins de santé axée sur la réconciliation.

Six mesures pour évaluer nos progrès

Dans la conception du rapport de progrès, AHC a choisi ces six mesures en fonction de la disponibilité des données, ainsi que de la centralité de la cible par rapport aux objectifs d’élimination généraux :

Planification

Y a-t-il un plan ou une stratégie d’élimination en place?

Dépistage de l’hépatite C

Le dépistage réflexe de l’ARN du VHC est-il mis en œuvre?

Arrimage entre le dépistage et le traitement de l’hépatite C

Est-il possible de commencer un traitement le jour même du diagnostic?

Traitement de l’hépatite C

Dénombrement des prescriptions du traitement du VHC par année

Prévention de l’hépatite C

Haute disponibilité en tous lieux et en nombre suffisant d’aiguilles et de seringues distribuées aux personnes qui s’injectent des drogues

Prévention de l’hépatite B

La vaccination des nourrissons est-elle mise en œuvre? 

État actuel

En utilisant ces mesures, nous avons découvert que sept des dix provinces sont en voie d’atteindre les objectifs d’élimination de l’hépatite virale du Canada. Toutefois, nous n’avions pas suffisamment de données pour déterminer la situation dans les trois territoires.

(Illustration disponible en anglais uniquement)

Current Status table. Nous avons découvert que sept des dix provinces sont en voie d’atteindre les objectifs d’élimination de l’hépatite virale du Canada. Toutefois, nous n’avions pas suffisamment de données pour déterminer la situation dans les trois territoires.

Autres conclusions intéressantes 

  1. À l’exception de la Saskatchewan, les provinces qui atteignent leur cible annuelle de traitement de l’hépatite C ont mis en œuvre le dépistage réflexe de l’ARN du VHC, une pratique qui consiste à analyser automatiquement les échantillons positifs aux anticorps du VHC pour détecter le matériel génétique (ARN) en laboratoire. Cela signifie que l’infection à l’hépatite C chronique peut être confirmée en une seule étape, plutôt que d’exiger de nombreux rendez-vous avant que les patients obtiennent leur diagnostic. Nous n’aurions probablement pas compris l’importance du dépistage réflexe de l’ARN dans l’atteinte des objectifs d’élimination si nous n’avions pas comparé le nombre de traitements prescrits et les politiques de dépistage de chacune des provinces.
  1. Les variations du nombre de prescriptions de traitement de l’hépatite C par année ne sont pas uniformes d’une province à l’autre et semblent être en corrélation avec les changements de politiques des gouvernements individuels concernant les restrictions de remboursement des médicaments antiviraux à action directe. La variation du nombre de prescriptions, illustrée dans le diagramme ci-dessous (en anglais seulement), est distincte pour chaque province, ce qui souligne les répercussions des choix politiques locaux. (La ligne noire représente le nombre de prescriptions de 2016 à 2020. La ligne bleue indique la cible de traitement annuelle de chaque province.)
  1. On remarque que chaque province a vécu une baisse de son nombre de prescriptions de traitement contre l’hépatite C en 2020, probablement en raison des restrictions liées à la COVID-19 et du changement de priorités dans les soins de santé. Comme de nombreuses provinces avaient déjà observé un déclin avant 2020, des efforts concertés seront nécessaires pour reprendre le chemin de l’élimination du VHC lorsque les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 seront levées.

(Illustration disponible en anglais uniquement) 

Prescribing counts table. On remarque que chaque province a vécu une baisse de son nombre de prescriptions de traitement contre l’hépatite C en 2020, probablement en raison des restrictions liées à la COVID-19 et du changement de priorités dans les soins de santé.

Lacunes dans les données 

  1. Bien qu’il y ait des résultats de recherche sur l’hépatite C de partout au Canada de renommée internationale, le suivi de la prévalence du VHC à l’échelle des provinces et des territoires représente toujours un défi. Ainsi, il a été difficile de déterminer la cible annuelle de départ pour le traitement de l’hépatite C de chaque province et territoire, puisque peu d’estimations de la prévalence ont été récemment publiées.

Les estimations de la prévalence du VHC et du VHB devraient être mises à jour rapidement dans l’ensemble des provinces et territoires. Les données les plus récentes accessibles au public pour la plupart des provinces et territoires datent de 2007.

  1. Dans notre rapport, les données sur le nombre de prescriptions de traitement de l’hépatite C sont fondées sur les données de pharmacies sélectionnées, qui sont ensuite modélisées pour représenter la distribution dans l’ensemble de la province. En raison des limites de ce type de données, ces dernières surestiment ou sous-estiment légèrement le nombre de patients dans les différentes provinces. Également, il n’y avait pas de données disponibles pour les territoires. Comme la majorité des traitements de l’hépatite C sont remboursés par les régimes d’assurance-médicaments publics au Canada, nous devrions pouvoir obtenir ces données auprès des ministères qui supervisent ces régimes d’assurance-médicaments financés par les contribuables, plutôt que d’avoir à se fier à des données modélisées qui doivent être interprétées avec prudence.

En effet, des données fiables seront essentielles pour mesurer nos progrès. Comment saurons-nous si vous avons éliminé l’hépatite virale en 2030 sans données exactes pour le prouver?

Bien que ce rapport soit le premier en son genre au Canada, il n’est certainement pas le dernier. Nos collègues qui travaillent sur le terrain nous ont déjà parlé de l’importance des données de suivi et de tenir les gouvernements responsables — et de la pertinence de ce rapport de progrès dans la poursuite de ces objectifs.

En savoir plus 

Téléchargez le rapport pour en savoir plus sur les progrès de votre région, et les recommandations qui pourraient vous être utiles.

Vous avez certaines questions ou menez des recherches qui peuvent contribuer à orienter notre prochain rapport qui sera publié dans deux ans? Veuillez nous écrire par courriel à actionhepatitiscanada@gmail.com.

 

Jennifer van Gennip est la coordonnatrice d’Action hépatites Canada. Elle vit à Barrie, en Ontario, et se spécialise en communication liée à la défense des intérêts des organismes à but non lucratif.

 

Partagez

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Laissez un commentaire