AIDS 2018 : Le bon et le mauvais
De la science clinique à l’épidémiologie, en passant par les droits humains et la défense des droits, voici quelques nouvelles saillantes, bonnes et mauvaises, rapportées à AIDS 2018.
Bonne nouvelle : Les données probantes montrant qu’indétectable égale intransmissible (I=I) s’accumulent
Une nouvelle étude a ajouté du poids aux données probantes indiquant qu’une personne vivant avec le VIH qui suit un traitement et qui maintient une charge virale indétectable ne transmet pas le virus à ses partenaires sexuels. Même si les études précédentes avaient déjà démontré qu’« indétectable égale intransmissible », ou I=I, il restait quelques questions concernant la certitude statistique des données probantes se rapportant aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
Les responsables de l’étude PARTNER ont mené une deuxième phase centrée exclusivement sur des couples d’hommes. Après environ 17 000 épisodes de sexe anal sans condom, les chercheurs ont constaté zéro cas de transmission du VIH entre les hommes séropositifs et leur partenaire. Dans les mots de la chercheuse principale, la Dre Alison Rodger, « Le temps des excuses est fini. Il est très clair que le risque d’infection est zéro ».
Pour sa part, la ministre canadienne de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a annoncé son soutien à la campagne I=I aux délégués de la conférence : « Le message I =I doit être entendu et partagé. Je veux mettre les autres ministres de la Santé au défi de partager ce message dans leur pays respectif ».
Mauvaise nouvelle : Une souche plus virulente du VIH a émergé en Saskatchewan
La Saskatchewan compte la plus haute incidence de nouvelles infections par le VIH au Canada, laquelle est plus de deux fois la moyenne nationale. Les professionnels de la santé de la province ont également signalé que l’infection au VIH progressait à un rythme inhabituellement rapide chez de nombreux patients.
Des chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique ont analysé les séquences génétiques du VIH parmi les Saskatchewanais et découvert qu’une souche mutée du virus qui circulait dans la province s’était adaptée à la réponse immunitaire naturelle de l’organisme.
Dans les résultats présentés à AIDS 2018, les chercheurs ont suggéré que cette mutation explique la progression rapide vers le sida que connaissent certaines personnes séropositives en Saskatchewan, ce qui souligne la nécessité d’un diagnostic et d’une mise sous traitement plus rapides.
Bonne nouvelle : le Canada approche des cibles 90-90-90
Un peu avant AIDS 2018, le Canada a publié de nouvelles estimations sur l’épidémie du VIH au pays. Parmi celles-ci se trouvait la bonne nouvelle de notre progrès vers l’atteinte des cibles mondiales 90-90-90 visant l’élimination du VIH comme menace pour la santé publique d’ici 2030. Les cibles visées pour 2020 sont les suivantes : diagnostiquer 90 % des personnes vivant avec le VIH; mettre sous traitement 90 % des personnes diagnostiquées; s’assurer que 90 % des personnes sous traitement atteignent la suppression virale.
Selon les plus récentes estimations de l’Agence de la santé publique du Canada, 86 % des Canadiens ayant le VIH seraient au courant de leur statut VIH, 81 % des Canadiens diagnostiqués séropositifs suivraient un traitement antirétroviral et 91 % des personnes sous traitement auraient une charge virale indétectable.
Mauvaise nouvelle : Les tribunaux s’obstinent à ne pas comprendre la science du VIH
À AIDS 2018, les sommités mondiales de la recherche sur le VIH ont publié un énoncé de consensus d’experts déclarant que les données scientifiques probantes sur la transmission du VIH ne soutiennent pas les lois qui criminalisent actuellement les personnes vivant avec le VIH pour le non-dévoilement, surtout dans les cas où la possibilité de transmission est nulle.
Selon les auteurs, « Les lois spécifiques centrées sur la criminalisation du VIH, et le mauvais usage d’autres lois malgré l’existence de données probantes réfutant la probabilité de la transmission du VIH, reflètent la perpétuation de l’ignorance, de la peur irrationnelle et de la stigmatisation ». Malgré ce consensus scientifique, au moins 68 pays criminalisent encore le non-dévoilement du VIH ou l’exposition au VIH, y compris le Canada.
Bonne nouvelle : Le traitement du VIH pourrait devenir plus simple
De nos jours, la plupart des personnes faisant l’objet d’un diagnostic de VIH se voient offrir un régime de traitement associant trois médicaments. Dans certains cas, on peut prendre un régime complet dans un seul comprimé, une seule fois par jour. Comme les personnes séropositives doivent prendre le traitement pour le reste de leur vie, les chercheurs essaient de trouver des moyens de réduire la quantité de médicaments utilisés, notamment en remplaçant la trithérapie de certaines personnes séropositives par une bithérapie.
La nouveauté présentée à AIDS 2018 se rapporte à un essai clinique explorant l’usage d’un régime de deux médicaments chez des personnes qui commencent un traitement contre le VIH pour la première fois. L’étude a trouvé que le régime associant seulement le dolutégravir et 3TC était aussi efficace pour supprimer le VIH qu’une combinaison triple associant le dolutégravir, FTC et le ténofovir. Si un tel régime était approuvé par les autorités de réglementation, ces résultats pourraient ouvrir la possibilité de la bithérapie pour certaines personnes vivant avec le VIH.
Sean Hosein est cofondateur de CATIE, ainsi que son rédacteur scientifique et médical.