Travail du sexe des hommes et des personnes trans : décriminaliser et défaire les préjugés
Je me vois souvent contraint de commencer mes billets sur le travail du sexe en parlant du Grand Prix de F1 de Montréal.
Chaque année, dans la foulée du Grand Prix – et particulièrement l’année dernière, en juin – les médias se font un plaisir, sinon un devoir, de prendre d’assaut ce qu’ils perçoivent comme une violente augmentation de l’exploitation sexuelle et de la traite des femmes dans le cadre de ces évènements sportifs. Cette médiatisation s’inscrit dans une approche abolitionniste aux effets néfastes, ceux-ci incluant une surveillance accrue, des arrestations plus fréquentes et des risques de déportation plus élevés pour les travailleuse(-eur)s du sexe.
S’opposant au point de vue des abolitionnistes qui ne peuvent comprendre le travail du sexe qu’en termes d’exploitation et de violence, RÉZO a longtemps défendu le travail du sexe non seulement comme un choix valide, mais surtout comme un droit humain. RÉZO est un organisme montréalais de promotion de la santé globale chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Le programme Travailleurs du sexe (TDS) de l’organisme offre des services de première ligne aux travailleurs du sexe cis et trans, ainsi qu’aux travailleuses du sexe trans, dans le cadre de leur centre de soir et en travail de rue. Ce faisant, l’équipe reconnaît le pouvoir et l’autonomie des personnes qui pratiquent le travail du sexe, tout en affirmant que les victimes d’exploitation doivent recevoir tout le soutien qu’elles nécessitent – je me dois de réaffirmer que l’exploitation sexuelle et le travail du sexe sont deux sujets profondément différents.
Pour concrétiser cette vision, dans le cadre de la Journée internationale pour mettre fin à la violence envers les travailleuse(-eur)s du sexe du 17 décembre, RÉZO lançait une campagne de sensibilisation. Six affiches ont été produites et diffusées, mettant en lumière les réalités des travailleurs du sexe cis et trans et des travailleuses du sexe trans. Cette population marginalisée est souvent rendue invisible dans un discours médiatique où les récits des travailleuses du sexe cisgenres sont priorisés. La campagne en question a été élaborée de concert avec les participant.es du programme TDS de RÉZO, et ce, grâce au soutien de l’initiative nationale « Résiste à la stigmatisation », où la stigmatisation est définie comme une force sociale qui réduit et exclut les personnes les plus marginalisées. L’équipe d’intervention tenait à ce que les affiches reflètent les propos des premières personnes concernées, tout en leur permettant de garder une mesure d’anonymat. Se dévoiler comme travailleuse(-eur) du sexe demeure un acte radical, considérant notamment l’importante stigmatisation qui les force souvent à cacher la source de leur revenu ou même les violences qu’ils et elles subissent.
Cette stigmatisation découle de plusieurs facteurs, des pressions moralisatrices de notre société en passant par le contexte légal qui positionne les travailleuse(-eur)s du sexe comme victimes perpétuelles. À ce sujet, d’ailleurs, en plus de souligner l’invisibilité des travailleurs du sexe cis et trans et des travailleuses du sexe trans. , la campagne appelle à la décriminalisation totale du travail du sexe. Dans le contexte actuel, la loi C-36 sur la « protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation » criminalise l’achat de services sexuels, la publicité de services sexuels ainsi que toute communication à fins de prostitution. La capacité des travailleuse(-eur)s du sexe à travailler avec des collègues et à embaucher des personnes de soutien, comme des chauffeuse(eur)s, est aussi sévèrement limitée. Nombre de groupes de défense des droits dénoncent ces mesures, soulignant qu’elles ne font qu’isoler les travailleuse(-eur)s du sexe davantage, et les contraignent à prendre plus de risques dans le cadre de leur travail. D’un autre point de vue, la loi C-36 porte aussi une atteinte directe aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Bref, la réalité indéniable, c’est que vouloir protéger les personnes qui pratiquent le travail du sexe en criminalisant leurs clients, leurs outils de travail et leur pouvoir de négociation, c’est une orientation dangereuse et une erreur chèrement payée.
Une réforme du contexte légal entourant le travail du sexe s’impose. Elle devra absolument inclure un processus consultatif avec les premières personnes concernées. RÉZO espère que cette campagne contribuera à ce que ce processus représente les intérêts de toutes les personnes qui pratiquent le travail du sexe. À l’avenir, donc, tentons de rétablir quelques faits : criminaliser une population ne la protège jamais, et les efforts des abolitionnistes seront toujours une plus grande source de violence que le Grand Prix.
Jonathan Bacon est travailleur de rue au programme Travailleurs du sexe de RÉZO depuis deux ans, en soutien de première ligne auprès des travailleuse(-eur)s du sexe cis et trans. Il est aussi membre du comité directeur du projet Résiste à la stigmatisation, et milite activement pour les droits des travailleuse(-eur)s du sexe, des personnes utilisatrices de drogues et des personnes trans.
Tres bon article ! Je trouve moi aussi que la violence envers les travailleur du sexe est intolerable déjà qu’il / elle ont un travaille difficile
Merci pour votre soutien pour la communauté des travailleur du sexe gay et LGBT 🙂
merci Joe pour ce que tu es
Ren