Honte au Canada : Le Groupe d’étude canadien fait fi des conseils d’experts dans ses nouvelles lignes directrices sur le dépistage de l’hépatite C

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Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) a publié lundi ses Lignes directrices sur le dépistage du VHC dans le Journal de l’Association médicale canadienne (résumé disponible en français). À la consternation des experts partout au Canada, y compris des spécialistes de l’hépatite C, des groupes de défense des droits et d’autres intervenants, les nouvelles recommandations sur le dépistage ignorent les conseils d’experts en ce qui concerne le choix des candidats au dépistage de l’hépatite C, ce qui établit un précédent dangereux pour les politiques de santé publique, où les dollars ont préséance sur la santé des Canadiens.

Les lignes directrices recommandent de continuer à tester les personnes présentant des facteurs de risque connus mais n’incluent pas de recommandation concernant le dépistage des personnes nées entre 1945 et 1975, malgré le fait que cette cohorte d’âge porte le fardeau le plus lourd de la maladie.

Quand les prix dictent les politiques

Le Dr Roland Grad, président du groupe d’étude responsable des lignes directrices, évoque le coût élevé du dépistage et du traitement comme l’une des principales raisons pour lesquelles le dépistage n’a pas été recommandé pour cette cohorte d’âge.  « C’est parce qu’il y a des personnes au Canada qui ne savent pas qu’elles ont le virus et, si nous les testions et les traitions, le coût du traitement serait très élevé étant donné les prix extrêmement élevés des médicaments. » 

À la suite de la publication des recommandations, les experts en hépatologie ont réagi vite pour dénoncer les lignes directrices, soulignant que la majeure partie des conseils d’experts donnés durant la révision ont été ignorés. « Il est vraiment déconcertant que le groupe d’étude ait pu examiner les données et conclure que nous ne devrions pas dépister [ce groupe] mais continuer simplement à suivre l’ancien paradigme où seules les personnes à risque élevé sont testées », a écrit le Dr Jordan Feld, hépatologue à l’Institut de recherche de l’Hôpital général de Toronto. « Nous savons que [cette approche] ne marche pas. Elle a échoué dans tous les pays où elle a été tentée et pour chaque maladie pour laquelle elle a été mise en œuvre. » De nombreux médecins se sentent mal à l’aise de discuter des facteurs de risque d’hépatite C, tels que l’usage de drogues, et certaines personnes ne veulent pas en parler à cause de la stigmatisation, ce qui fait rater des occasions de dépistage. Le dépistage par cohorte d’âge permet d’éliminer ces problèmes.

Patricia Bacon, présidente d’Action hépatites Canada (AHC) est d’accord et conteste les priorités du GECSSP : « Pourquoi le GECSSP inclurait-il le coût du traitement dans sa décision sur le dépistage de l’hépatite C? Il est immoral qu’il fasse une recommandation en vertu de laquelle des milliers de Canadiens continueront d’ignorer leur statut viral parce que les traiter coûterait cher ».

Nouvelles lignes directrices qui perpétuent la stigmatisation de l’hépatite C

« Comment se fait-il que le groupe d’étude n’ait pas hésité à recommander le dépistage des personnes qui utilisent des drogues et des nouveaux arrivants au Canada provenant de pays où le VHC est endémique, malgré la stigmatisation subséquente à laquelle ils pourraient faire face », poursuit Mme Bacon, « tout en laissant entendre, de façon condescendante, que les adultes nés entre 1945 et 1975 ne pourraient pas endurer les “méfaits potentiels” et la “détresse mentaleʺ d’un diagnostic d’hépatite C, donc il vaudrait mieux ne pas les traiter? Comment les professionnels responsables des politiques de santé publique peuvent-ils justifier le fait de cacher à quelqu’un son état de santé en prétextant la stigmatisation potentielle et le coût élevé de la guérison? Ce genre de priorisation ne sert qu’à perpétuer la stigmatisation de l’hépatite C, à miner les efforts communautaires pour éduquer la population générale et à trahir la valeur fondamentale canadienne qui est le droit aux soins de santé ».

En mai dernier, le Gouvernement du Canada a appuyé la première Stratégie mondiale sur l’hépatite virale de l’Organisation mondiale de la Santé, laquelle vise à éliminer l’hépatite C en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. L’amélioration des taux de diagnostic jouera un rôle essentiel dans l’atteinte de cette cible, ce qui rend encore plus décevante la publication de ces lignes directrices sur le dépistage.

Action hépatites Canada se joint à ses nombreux alliés qui refusent d’appuyer les lignes directrices du GECSSP sur le dépistage de l’hépatite C

Pendant la majorité de 2016, Action hépatites Canada a participé à l’examen de la littérature qui a fait partie du processus de rédaction de ces lignes directrices, et nous avons soumis à plusieurs reprises des données probantes à l’appui du dépistage par cohorte d’âge dans ce pays, tout comme les chefs de file de l’hépatologie. Comme nos recommandations ont été ignorées, nous avons demandé que notre nom NE soit PAS inclus sur la liste d’examinateurs.

De fait, nous avons envoyé une lettre au groupe d’étude pour lui décrire nos préoccupations et notre déception face à la version finale des lignes directrices. AHC n’appuie pas les lignes directrices telles quelles et se joint ainsi à un nombre croissant de militants et d’experts médicaux.

En l’absence de leadership sur cette question de la part du GECSSP, Action hépatites Canada continue d’encourager toutes les personnes qui sont nées entre 1945 et 1975 à demander à leur médecin de les tester une fois pour l’hépatite C, parce que cette approche est fondée sur des données probantes et finira par sauver des vies.

 

Jennifer van Gennip est coordonnatrice de projet et de communications chez Action Hépatites Canada. Elle vit à Barrie, en Ontario, et se spécialise dans les communications se rapportant à la promotion et à la défense des droits dans le secteur sans but lucratif. 

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