Le silence n’est pas neutre – Surplace des dirigeant·e·s du Canada quant à la réforme de la criminalisation du VIH : les communautés en paient le prix

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Il y a près de dix ans, le Canada a reconnu pour la première fois que la criminalisation des personnes vivant avec le VIH est préjudiciable, dépassée et ancrée dans la stigmatisation plutôt que dans la science. En 2015, l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement fédéral a nourri l’espoir. Il y avait un élan. Une promesse de moderniser la loi, de mettre fin à l’ère où les personnes vivant avec le VIH étaient poursuivies à cause de la peur et non des faits.

Je le sais, car j’étais présent. En tant que membre de la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH, j’ai passé des années dans des réunions, des appels Zoom, des consultations et des tables rondes. Nous avons travaillé avec des ministres de la Justice et des responsables de la santé publique – présenté des preuves, rédigé des recommandations. On nous disait que le changement était imminent.

Mais le changement n’est pas arrivé.

Après 12 ans d’un gouvernement qui prétendait au progrès, nous entrons maintenant dans un nouveau cycle de leadership recyclé. Nouveaux visages, vieilles promesses. Le plus récent signal a été clair : en novembre 2025, on nous a dit que la réforme du droit fédéral « n’avance pas pour le moment ». Aucune explication. Pas de plan. Pas d’urgence.

Puis, le silence.

Même le Congrès 2025 de l’ACRV (CAHR, à Halifax), plus grand rassemblement de recherche sur le VIH au Canada, n’offrait pas de séance sur le thème de la criminalisation. Aucune nouvelle. Aucun appel à l’action. Aucune stratégie pour réengager les ministres nouvellement nommé·e·s. Une problématique cruciale relevant des droits de la personne a tout simplement… disparu de l’ordre du jour.

Ce n’est pas du progrès. C’est de l’abandon.

En tant que personne qui a subi les conséquences des lois obsolètes du Canada – j’ai été poursuivi en vertu de lois que les expert·e·s, les tribunaux et les scientifiques reconnaissent tou·te·s comme étant enracinées dans la stigmatisation –, je sais que le silence n’est pas neutre. Ce silence est une violence au ralenti. Il fait du tort jour après jour aux personnes vivant avec le VIH.

Depuis des années, j’ai été publiquement un porte-parole de cette cause, non pas parce que j’en avais envie, mais parce qu’il fallait le faire. J’ai raconté mon histoire à Ottawa, dans les provinces et à l’étranger. Je suis monté sur les scènes du Congrès de l’ACRV, de la Conférence internationale sur le sida et de l’Académie nationale de formation HIV is Not a Crime. Aux quatre coins du pays, j’ai vu des gens se lever pour faire entendre leur voix.

Maintenant, je regarde le gouvernement qui reste silencieux.

Il fut un temps où le Canada était un leader. À présent, il est à la traîne.

Disons-le haut et fort : la criminalisation du VIH n’est pas une question juridique, c’est une question de justice sociale, de justice raciale, de santé publique et de droits de la personne.

La science est claire. Les tribunaux reconnaissent I=I. La communauté a fait sa part. La Coalition a joué son rôle.

Il est temps que le gouvernement fédéral fasse de même.

À la nouvelle ministre de la Santé et au nouveau ministre de la Justice : réactivez le dossier. Rencontrez la Coalition. Suivez la science que vous affirmez soutenir. Mettez fin à la criminalisation des personnes vivant avec le VIH.

Il n’y a plus d’excuse possible.

Le problème n’est pas que le Canada ne peut agir. C’est qu’il choisit l’inaction.

Et jusqu’à ce que cela change, nous continuerons à faire pression. Car le silence n’est pas une option – ni pour nous, ni pour la justice, ni pour les personnes qui ne sont pas en mesure de s’exprimer.

 

Chad E. Clarke est un militant à l’échelle pancanadienne et un survivant de la criminalisation du VIH qui a témoigné de son vécu aux quatre coins du Canada et dans le monde. Il a fait des présentations au Congrès canadien de recherche sur le VIH, à la Conférence internationale sur le sida et à l’Académie nationale de formation « HIV is Not a Crime ». Chad travaille aux côtés de la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH afin d’obtenir des changements juridiques valables. Il est engagé à mettre fin à la stigmatisation et à garantir la justice pour les personnes vivant avec le VIH.

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