La santé sexuelle sans tabou : leçons tirées du Congrès mondial ITS et VIH 2025

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En juillet dernier, CATIE s’est joint à quelque 1 500 chercheur·euse·s, militant·es et responsables de politiques venant des quatre coins du monde à l’occasion du Congrès mondial 2025 sur les ITS et le VIH, tenu à Montréal, au Québec. Organisé tous les deux ans, cet évènement offre une tribune aux leaders de la recherche en santé sexuelle pour discuter des données les plus récentes et des enjeux les plus pressants en lien avec la prévention, le dépistage et les soins des ITS. Quatre sujets particulièrement pertinents et d’actualité s’en sont dégagés, chacun ayant des implications majeures pour la prévention, le dépistage et le traitement des ITS bactériennes.

La doxy-PPE pour les femmes cisgenres

L’un des thèmes centraux de l’évènement portait sur le manque de recherche concernant l’efficacité de la prophylaxie post-exposition par la doxycycline (ou doxy-PPE) chez les femmes cisgenres, ainsi que sur les limites du seul essai clinique randomisé mené jusqu’à présent. Bien que cet essai n’ait montré aucun effet préventif contre les ITS bactériennes, il est possible que cela soit dû au fait que les participantes n’aient pas pris la doxy-PPE de manière constante, comme prescrit. La bonne nouvelle, c’est qu’un nouvel essai mené aux États-Unis tentera d’améliorer la méthodologie de la précédente étude en prenant mieux en compte les obstacles à l’observance de la doxy-PPE.

Pour en apprendre davantage sur la doxy-PPE, visionnez la vidéo de CATIE réalisée pendant le Congrès mondial.

La résistance aux antimicrobiens

Une part importante des discussions a porté sur la menace mondiale que représente la résistance aux antimicrobiens (RAM) et sur ses conséquences pour la prévention et le traitement des ITS bactériennes. Les avis étaient partagés quant aux effets possibles d’un usage généralisé de la doxy-PPE sur la RAM. Cette divergence de points de vue se reflétait d’ailleurs dans les positions et lignes directrices des organismes médicaux et de santé publique, certains formulant des recommandations prudentes et d’autres déconseillant le recours à la doxy-PPE. Les discussions ont aussi porté sur les effets possibles sur la RAM du dépistage systématique de la chlamydiose (infection à Chlamydia) et de la gonorrhée chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH). Le lien observé entre le dépistage et l’augmentation de l’utilisation d’antibiotiques en pousse certain·e·s à réévaluer cette pratique.

La vidéo de CATIE sur la RAM, réalisée pendant le Congrès mondial, offre plus d’information sur le sujet.

Les vaccins

Les discussions ont également porté sur les progrès réalisés dans le développement de vaccins contre les ITS bactériennes et sur les défis techniques, financiers et logistiques qui y sont associés. Les présentations ont porté sur les vaccins en cours de mise au point contre la syphilis, la gonorrhée et la chlamydiose (infection à Chlamydia), ainsi que sur les enjeux liés à la réglementation et au financement. Les panélistes ont notamment fait remarquer que les premières versions de ces vaccins pouvaient n’être que partiellement efficaces, les rendant moins attrayants pour la population. Les panélistes ont également souligné que les investissements dans le développement de vaccins contre les ITS bactériennes demeurent relativement limités, comparativement à ceux ciblant les ITS virales, comme le VPH.

Visionnez la vidéo de CATIE réalisée pendant le Congrès mondial pour entendre les points de vue d’expert·e·s en vaccination.

S’adapter à un nouveau contexte

Le thème du congrès de cette année, « La santé sexuelle sans tabou », nous rappelle que les crises de santé liées aux ITS à l’échelle mondiale sont alimentées par les inégalités – dans la répartition du fardeau des ITS et dans l’accès à la prévention, au dépistage et au traitement. Ce thème est également un appel à redoubler d’efforts pour s’attaquer à ces enjeux, alors que le gouvernement américain actuel réduit drastiquement le financement international des programmes de santé sexuelle et reproductive.

Les panélistes ont souligné la nécessité d’investir dans la collecte de données régionales et la gouvernance, de simplifier les processus d’approbation des nouveaux médicaments et des nouvelles technologies, et de favoriser l’adoption d’innovations, comme l’intelligence artificielle et de l’autotest. Plusieurs intervenant·e·s ont aussi parlé de l’importance de créer des partenariats entre l’industrie et les communautés, ainsi que d’adapter les messages aux besoins et points de vue des investisseurs et des personnes qui utilisent ces nouvelles technologies.

Pour en savoir plus sur le sujet, visionnez la vidéo de CATIE réalisée pendant le Congrès mondial.

Pourquoi cela nous concerne-t-il au Canada

Il pourrait être tentant de croire que le Canada est à l’abri des tendances mondiales, mais il faut se rappeler une chose : les problèmes d’inégalité qui alimentent les disparités en matière d’ITS à l’échelle mondiale sont à l’œuvre ici aussi, au pays.

Depuis longtemps, les hommes gbHARSAH sont touchés de manière disproportionnée par les ITS bactériennes – une réalité qui reflète la stigmatisation, l’homophobie et les barrières à l’accès aux soins qui perdurent. Or, la hausse récente des taux d’ITS chez les populations hétérosexuelles au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé nous rappelle que les inégalités liées au genre, au revenu et à d’autres déterminants sociaux influent elles aussi grandement sur la santé sexuelle.

Cette inégalité croissante rappelle l’urgence d’agir sur les disparités liées à l’identité sexuelle, tout en tenant compte de l’ensemble des déterminants sociaux, tant à l’échelle mondiale qu’au Canada. Les difficultés, les solutions et les outils abordés lors du Congrès mondial 2025 sur les ITS et le VIH sont donc particulièrement pertinents pour notre travail dans le domaine de la santé sexuelle. En fin de compte, ces leçons nous donnent les moyens de combattre les inégalités de front et de bâtir une réponse en santé sexuelle plus inclusive.

 

Dan Miller est le spécialiste en connaissances sur les soins liés au VIH et les ITS chez CATIE. Titulaire d’une maîtrise en santé publique de la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto, il est un chercheur et communicateur chevronné dans le domaine des services de santé.

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