Parlons de la prise en charge des affections cutanées inflammatoires chez les personnes vivant avec le VIH

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Malgré les progrès considérables réalisés dans le traitement et la prise en charge du VIH/sida, de nombreuses personnes vivant avec le VIH souffrent de problèmes cutanés, soit en tant que troubles indépendants, soit en conséquence de l’infection par le VIH. La recherche montre que plus de 90 % des personnes vivant avec le VIH qui ont participé à une récente étude menée dans un hôpital britannique présentaient des affections cutanées. Quels sont donc les problèmes cutanés les plus courants associés au VIH? Comment le traitement de ces troubles cutanés peut-il maintenir et améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH?

Eczéma

Les personnes vivant avec le VIH sont plus susceptibles de développer de l’eczéma que le reste de la population. L’eczéma peut se manifester de différentes manières, mais se présente généralement sous forme d’éruptions qui causent des démangeaisons sur les bras, les jambes, la poitrine, le dos et le visage; les plaques peuvent être rouges ou violettes selon la couleur de peau de la personne.

La prise en charge de l’eczéma léger chez les personnes vivant avec le VIH consiste à éviter les facteurs aggravants, à hydrater la peau et à appliquer des traitements topiques sur ordonnance. Les médicaments topiques sur ordonnance peuvent inclure des corticostéroïdes, des inhibiteurs de la calcineurine, des inhibiteurs de la phosphodiestérase-4 et des inhibiteurs de la Janus kinase. La prise en charge de l’eczéma modéré à sévère constitue un défi particulier, car plusieurs des traitements oraux ou injectables modulent le système immunitaire dans tout le corps, plutôt que seulement dans la région de l’eczéma.

Malheureusement, les données sur l’utilisation de traitements oraux ou injectables contre l’eczéma chez les personnes séropositives sont limitées, car celles-ci ont été exclues des essais cliniques. Cependant, des données issues de petites séries de cas et de rapports de cas ont montré une amélioration significative des symptômes sans effets indésirables, infections ou altérations du nombre de CD4 ou de la charge virale. Des études de recherche supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le rôle des traitements oraux ou injectables dans le traitement de l’eczéma chez les personnes séropositives.

Le psoriasis

Le psoriasis est une affection cutanée courante causée par une inflammation localisée de la peau, qui peut également provoquer des démangeaisons et apparaître sous forme de plaques rouges, voire brun foncé ou violettes, généralement recouvertes de squames blanches. Le psoriasis apparaît généralement sur les coudes, les genoux, le bas du dos et le cuir chevelu. Des études menées auprès de plus de 102 000 patient·e·s ont montré que le VIH est un facteur de risque indépendant pour le développement du psoriasis. De plus, par rapport à la population générale, le psoriasis associé au VIH peut être plus sévère et plus résistant au traitement.

Les lignes directrices de la National Psoriasis Foundation indiquent que des traitements topiques peuvent être utilisés en première intention pour le psoriasis modéré à sévère associé au VIH, notamment les corticostéroïdes topiques, le tazarotène, le goudron minéral, les analogues de la vitamine D3 et les inhibiteurs de la phosphodiestérase-4. Chez les personnes qui présentent une forme modérée à sévère, la National Psoriasis Foundation recommande la photothérapie et les rétinoïdes oraux. Une étude réalisée en 2019 a également recommandé l’aprémilast par voie orale en complément de ces traitements pour le psoriasis modéré à sévère associé au VIH. Chez les personnes dont la maladie est résistante aux traitements, on peut utiliser des agents oraux ou injectables, avec prudence, vu les préoccupations liées à une suppression excessive du système immunitaire. Comme pour l’eczéma, des études supplémentaires sont nécessaires en ce qui concerne l’innocuité et l’efficacité des nouveaux traitements contre le psoriasis, tels que les produits biologiques, en raison de l’exclusion antérieure des patient·e·s séropositif·ve·s des essais cliniques.

La dermatite séborrhéique

La dermatite séborrhéique est une affection dermatologique chronique qui touche environ 6,3 % des personnes vivant avec le VIH, contre 3,7 % des personnes qui n’ont pas le VIH. En 1985, avant l’avènement de traitements antirétroviraux, sa prévalence était beaucoup plus élevée (45 %) chez les personnes vivant avec le VIH. Cette dermatite se caractérise par des plaques rouges et des pellicules qui apparaissent généralement sur le cuir chevelu et le visage. Par rapport aux personnes séronégatives, la dermatite séborrhéique chez les personnes vivant avec le VIH a tendance à s’étendre aux aisselles et à l’aine, et est souvent plus épaisse et plus grasse.

La prise en charge de la dermatite séborrhéique associée au VIH ressemble à celle appliquée dans la population générale. Elle comprend des traitements antifongiques topiques, tels que des shampooings, parfois des exfoliants topiques doux pour éliminer les squames épaisses, et d’autres traitements anti-inflammatoires topiques sur ordonnance, tels que des stéroïdes et des produits non stéroïdiens, afin d’atténuer l’inflammation. L’amorce d’un traitement antirétroviral sans tarder est cruciale, car le traitement contre le VIH, en plus de supprimer le virus, permet d’améliorer la dermatite séborrhéique.

L’éruption papuleuse prurigineuse

L’éruption papuleuse prurigineuse liée au VIH est une manifestation dermatologique distincte qui s’associe à des infections par le VIH avancées. Elle se caractérise par de petites bosses fermes et prurigineuses (appelées papules ou pustules), remplies de pus, le long des bras et des jambes. L’éruption papuleuse prurigineuse survient fréquemment chez les personnes qui présentent un faible taux de CD4 (moins de 200 cellules/mm3). L’Organisation mondiale de la Santé recommande d’utiliser la thérapie antirétrovirale comme traitement principal de l’éruption papuleuse prurigineuse, en association avec un traitement antihistaminique et un corticostéroïde topique afin de soulager les démangeaisons.

Les démangeaisons

Les démangeaisons sont un symptôme courant de nombreuses affections dermatologiques, mais elles peuvent également survenir sans celles-ci. Des études antérieures auprès d’un échantillon de 200 patient·e·s vivant avec le VIH aux États-Unis ont révélé que des démangeaisons chroniques, définies comme durant plus de six semaines, touchaient 45 % des patient·e·s et avaient un impact marqué sur leur qualité de vie. Plusieurs causes peuvent expliquer les démangeaisons chez les personnes vivant avec le VIH, notamment des infections et des infestations cutanées, des affections inflammatoires de la peau, des réactions à des médicaments et des troubles rénaux ou hépatiques. Les démangeaisons sont parfois idiopathiques, c’est-à-dire sans cause connue. Les traitements contre les démangeaisons visent à résoudre la cause sous-jacente; les options recommandées peuvent inclure l’amorce d’un traitement antirétroviral pour contrôler le VIH et l’utilisation d’antihistaminiques ou de traitements topiques, tels que des stéroïdes ou des produits non stéroïdiens.

En conclusion

Compte tenu de l’impact des problèmes cutanés sur la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, il est essentiel que les professionnel·le·s de la santé connaissent ces complications. Les spécialistes du VIH, les dermatologues, les médecins de famille et les infirmier·ère·s praticien·ne·s peuvent tou·te·s dépister ces problèmes cutanés courants chez leurs patient·e·s. Les personnes vivant avec le VIH sont encouragées à informer leur médecin de tout problème cutané.

 

Daniel Rayner est étudiant en médecine à l’Université Western. Il est titulaire d’une maîtrise en méthodologie de la recherche sur la santé de l’Université McMaster.

Le Dr Eric McMullen est résident en dermatologie à l’Université de Toronto. Il est diplômé en médecine de l’Université McMaster.

Le Dr Philip Doiron est titulaire d’un diplôme en pharmacie de l’Université Dalhousie. Il a obtenu son diplôme de médecine à l’Université McMaster, puis a effectué une résidence en dermatologie à l’Université de Toronto et un stage postdoctoral en dermatologie pour le VIH et en maladies cutanées génitales masculines au Chelsea and Westminster Hospital de Londres, au Royaume-Uni. Il est titulaire d’une maîtrise en enseignement des sciences de la santé de l’Université McMaster. Il travaille actuellement comme professeur adjoint et médecin clinicien enseignant au Women’s College Hospital et au Réseau universitaire de santé.

 

Nous tenons à remercier les résident·e·s en dermatologie et dermatologues ontarien·ne·s suivant·e·s, pour leur aide à la rédaction et à la révision de cet article de blogue : Dr Robert Bobotsis, Dre Shakira Brathwaite, Dre Panteha Eshtiaghi et Dr Fabian Rodriguez-Bolanos.

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