Du plaidoyer à la célébration : une journée d’hommage aux travailleur·euse·s du sexe

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L’icône de l’anarcha-féminisme Emma Goldman n’a jamais dit « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas de votre révolution » – c’est bien connu. Pourtant, cette déformation de ses paroles persiste. Peut-être parce que l’affirmation trouve écho auprès de plusieurs d’entre nous qui travaillons pour la justice sociale. L’idée était assurément présente à l’esprit du Global Network of Sex Work Projects au moment de lancer en 2019 la Sex Worker Pride [Fierté des travailleur·euse·s du sexe] – une journée mondiale annuelle pour les droits des travailleur·euse·s du sexe.

En mettant l’accent sur la célébration, cette journée – le 14 septembre – se distingue des autres qui soulignent les droits du travail, l’accès à la justice et la violence faite aux travailleur·euse·s du sexe. Elle rend hommage à leurs réalisations, à leur autodétermination, à leur intrépidité et à leurs contributions importantes à la société.

En dépit d’une forte stigmatisation, les travailleur·euse·s du sexe rejettent de plus en plus la honte. En 2020, dans le cadre d’une enquête réalisée par l’ancienne coalition TOMQ auprès de travailleurs du sexe s’identifiant comme hommes à Ottawa et à Québec, 78 % des répondants ont déclaré avoir vécu de la stigmatisation ou avoir été humiliés en tant que travailleurs du sexe. De plus, 82 % ont indiqué que la stigmatisation liée au travail du sexe avait nui à leur santé mentale. Néanmoins, la plupart des répondants avaient qualifié leur santé mentale de moyenne à très bonne.

Je crois que si notre santé mentale est plutôt bonne c’est en partie grâce à nos pairs. En effet, la majorité des répondants a affirmé se sentir plus à l’aise de demander du soutien à d’autres travailleurs du sexe qu’à des ami·e·s, des partenaires, des thérapeutes ou des intervenant·e·s de proximité. C’est pour cette raison que Maggie’s Toronto, l’un des plus anciens organismes de soutien et de défense des droits par et pour des travailleur·euse·s du sexe au Canada, s’efforce de créer des espaces sécurisants où les travailleur·euse·s du sexe peuvent se réunir et interagir avec d’autres personnes du secteur.

L’un de ces lieux était notre bureau du centre-ville. Malheureusement, il est parti en fumée le soir du 8 septembre 2023. L’enquête sur ce grave incendie se poursuit. Sous le choc de cette tragédie, le personnel et le conseil d’administration ont pris la décision qui s’imposait : suspendre les programmes de l’organisme et se mobiliser pour répondre à cette situation nouvelle et urgente.

Cependant, nous tenions tou·te·s à voir se concrétiser l’événement du 14 septembre 2023. Ainsi, à l’occasion de la Fierté des travailleur·euse·s du sexe, nous avons tenu comme prévu notre évènement Exxxtravaganza. Artistes burlesques, danseur·euse·s érotiques, DJ, mini-bal, prix de présence et plus encore – cette célébration nous a offert un joyeux répit des facteurs de stress du travail du sexe. Au lieu de se laisser ébranler par l’incendie, notre communauté s’est mobilisée pour boire, danser, faire la fête, et aussi pour pleurer, guérir, se rallier et amasser des fonds. L’évènement a été la plus pure expression de ce qu’il cherchait à commémorer. Devant l’adversité, nous sommes resté·e·s fier·ère·s – quand nous n’étions pas en train de danser, bien sûr!

 

Cette année, pour la Fierté des travailleur·euse·s du sexe, nous invitons les gens à faire un don au fonds de secours de Maggie’s, pour que l’organisme puisse continuer à fournir des soutiens globaux et des soins d’affirmation de la vie aux (ex-)travailleur·euse·s du sexe du Grand Toronto. Pour en savoir plus sur le travail et l’historique de Maggie’s et sur nos projets pour la Fierté des travailleur·euse·s du sexe de cette année, et pour accéder à des ressources à l’intention des travailleur·euse·s du sexe au Canada, visitez www.maggiesto.org ou suivez-nous sur Instagram à @maggiestoronto.

 

Michael Burtch est responsable du Programme VIH et réduction des méfaits de Maggie’s Toronto, l’un des premiers organismes de travailleur·euse·s du sexe au monde à avoir reçu un financement public. Fondé en 1986, Maggie’s s’appuie sur la conviction que le travail du sexe est un travail véritable, légitime et important.

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