Découvrir les lacunes dans les services liés aux hépatites B et C offerts aux immigrant·e·s et aux nouveaux·elles arrivant·e·s : Un nouveau rapport d’Action Hépatites Canada

• 

Les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s représentent près d’un quart de la population canadienne et contribuent énormément à la vitalité sociale, culturelle et économique de notre pays. Pour que le Canada respecte son engagement à l’égard du bien-être des nouveaux·elles arrivant·e·s et de la force de nos diverses communautés, il est essentiel de faire de l’accès équitable aux soins de santé une priorité. Cela permet non seulement de préserver la santé et la dignité individuelles des nouveaux·elles arrivant·e·s, mais aussi de favoriser la résilience et la prospérité de notre société dans son ensemble.

Pour garantir des soins de santé équitables, il faut reconnaître que les immigrant·e·s peuvent avoir des besoins différents en raison de barrières culturelles et linguistiques ou d’autres déterminants sociaux de la santé. Ces personnes peuvent également être plus exposées à certaines maladies, du fait qu’elles sont plus répandues dans leur pays d’origine. Par exemple, les hépatites B et C sont plus courantes dans certaines régions du monde et peuvent avoir de graves conséquences sur la santé si les personnes ne reçoivent pas de traitement. Les traitements contre les hépatites B et C améliorent grandement l’état de santé des personnes, en réduisant le risque de maladie et de cancer du foie, tout en réduisant le fardeau financier sur le système de santé canadien.

Offrir aux nouveaux·elles arrivant·e·s des services de dépistage précoce et de traitement de l’hépatite virale présente des bienfaits évidents et est crucial pour atteindre l’objectif du Canada d’éliminer l’hépatite virale en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. C’est pourquoi Action Hépatites Canada (AHC) dirige son attention sur les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s dans le deuxième volet de sa série de rapports visant à militer pour le recours à des approches fondées sur les droits de la personne en vue d’éliminer l’hépatite virale chez les populations prioritaires.

Santé des immigrant·e·s et santé publique

Le plus récent rapport, intitulé La santé de l’immigration c’est la santé publique : Possibilités d’amélioration de la prévention, du diagnostic et de la prise en charge de l’hépatite B et de l’hépatite C chez les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada a été publié le 9 mai 2024. Il a été élaboré par un groupe de travail composé de membres d’AHC, qui se sont réunis pour aborder la question de l’hépatite virale sous l’angle de l’équité en matière de santé, en mettant l’accent sur le savoir expérientiel. Bien que nous reconnaissions le rôle important de l’éducation au niveau communautaire, ainsi que des agences de santé publique des provinces et territoires, le rapport porte principalement sur les politiques du gouvernement fédéral et les points d’intervention possibles dans le cadre des processus d’immigration et d’intégration.

Le rapport fournit des renseignements sur l’élimination de l’hépatite virale chez les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s, ainsi qu’un aperçu de la situation actuelle de l’hépatite virale au sein de cette population prioritaire, de leur droit aux soins et des obstacles auxquels ils et elles sont confronté·e·s et des possibilités à leur portée au Canada. Le rapport se termine par sept recommandations importantes adressées au gouvernement du Canada.

La santé de l’immigration c’est la santé publique : Possibilités d’amélioration de la prévention, du diagnostic et de la prise en charge de l’hépatite B et de l’hépatite C chez les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada

Pourquoi se concentrer sur les immigrant·e·s et les nouveaux·elle·s arrivant·e·s?

Les personnes arrivant de l’étranger représentent la quasi-totalité de la croissance de la main-d’œuvre canadienne, ce qui permet de surmonter les obstacles posés par le vieillissement de la population nationale et la baisse des taux de natalité. Les objectifs en matière d’immigration prévoient actuellement l’arrivée d’un demi-million de nouveaux·elles résident·e·s permanent·e·s par an en 2025 et 2026. Dans ce contexte, il est important de maintenir une infrastructure adaptée à la croissance liée à l’immigration, notamment au sein de notre système de santé. Pour ce faire, il faut tenir compte des différences entre les besoins de santé des migrant·e·s et ceux des personnes nées au Canada, et notamment de la manière de traiter des maladies telles que l’hépatite virale.

La prévalence de l’hépatite virale est au moins deux fois plus élevée chez les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s que chez les personnes nées au Canada, représentant 30 % des cas d’hépatite C et jusqu’à 70 % des cas d’hépatite B dans le pays. Les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s sont également moins susceptibles de savoir s’ils ou elles ont l’hépatite C, et il s’écoule jusqu’à 10 ans entre l’arrivée au Canada et le diagnostic, ce qui augmente les risques de cancer du foie et de décès liés à une maladie du foie.

Comme j’étais un réfugié parrainé par le gouvernement, j’ai bénéficié d’une orientation en matière de réinstallation et de services de santé au centre de santé pour réfugiés. Un certain nombre de tests étaient systématiquement proposés à tout le monde, et c’est comme ça que mon hépatite B a été diagnostiquée. Mais de nombreux réfugiés ne se présentent pas dans une clinique comme celle-ci.

– Biniam, arrivé en Alberta en tant que réfugié, travaille aujourd’hui comme conseiller en services de santé à la clinique pour réfugiés.

Comment ce rapport a-t-il été rédigé?

Entre janvier et avril 2024, nous avons interrogé six personnes ayant un savoir expérientiel de l’hépatite B ou C ainsi qu’une expérience de migration au Canada. Nous avons consulté une cohorte diversifiée d’expert·e·s, notamment des clinicien·ne·s, des chercheur·euse·s, des défenseurs des intérêts des communautés, des expert·e·s en droit de l’immigration, l’Agence de la santé publique du Canada, ainsi qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Nous avons également procédé à un examen des études pertinentes existantes afin de compléter les opinions et les expériences des personnes consultées.

Comme il arrive parfois, nous estimons que l’intérêt du rapport réside autant dans son processus d’élaboration que dans le document final lui-même. Ces entretiens et consultations nous ont permis d’engager de nombreux échanges fructueux sur les points de convergence des fonctions des services de santé publique et des services d’immigration du Canada. Nous espérons que ce rapport contribuera à prolonger utilement ces échanges et, en dernière instance, à améliorer les résultats de santé des immigrant·e·s et des nouveaux·elles arrivant·e·s au Canada, à réduire l’incidence des diagnostics tardifs sur le système de santé et à nous rapprocher de nos objectifs d’élimination de l’hépatite virale.

Photo de banque d’images. Les personnes qui y figurent sont des modèles. 

Quelles sont certaines des difficultés actuelles du processus d’immigration?

  1. Il n’existe pas de programmes de dépistage systématique et ciblé du VHB ou du VHC, ou de promotion de la santé auprès des immigrant·e·s avant ou après leur arrivée au Canada.

Répercussions : Malgré le lourd fardeau de l’hépatite virale, les immigrant·e·s et les réfugié·e·s sont moins susceptibles de passer un test de dépistage et de recevoir un traitement, en savent très peu sur l’hépatite, sont confronté·e·s à la stigmatisation et aux craintes liées à l’hépatite et à des coûts élevés pour le dépistage et le traitement. Les obstacles aux soins auxquels ils et elles sont confronté·e·s les exposent à un risque accru de diagnostic tardif et de maladie hépatique avancée due à l’hépatite B ou C. En fait, en raison de ces obstacles, ces personnes sont plus susceptibles d’avoir déjà un cancer du foie au moment où leur hépatite est diagnostiquée, et plus susceptibles de mourir au cours d’une hospitalisation motivée par une maladie du foie que les personnes nées au Canada. 

  1. En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), une demande d’immigration peut être refusée si le ou la demandeur·euse risque de faire peser un « fardeau excessif » sur le système de santé publique du Canada et s’il ou elle est jugé·e inadmissible pour des raisons médicales.

Répercussions : Les coûts liés à l’hépatite virale peuvent être inclus dans les calculs et contribuer au refus d’un·e demandeur·euse. L’évaluation peut également prolonger de plusieurs mois, voire de plusieurs années, le processus d’immigration, avoir un effet dissuasif en soi et exposer les personnes à une stigmatisation fondée sur le capacitisme et la discrimination.

  1. Le formulaire de demande d’immigration comprend des questions d’ordre médical mêlées à des questions sur le risque pour la sécurité, ce qui donne à penser qu’une réponse affirmative à l’une ou l’autre de ces questions peut entraîner le rejet de la demande.

Répercussions : La composante médicale du processus d’immigration est si étroitement liée à l’admissibilité que les immigrant·e·s ne sont pas incité·e·s à déclarer les ITSS ou d’autres problèmes de santé, ou de se soumettre volontairement à un test de dépistage des infections transmissibles sexuellement ou par le sang. Les coûts sociétaux à long terme liés à un diagnostic ou à une prise en charge tardifs sont considérables.

Photo de banque d’images. Les personnes qui y figurent sont des modèles. 

Les sept recommandations du rapport adressées au gouvernement du Canada

  1. Éliminer les dispositions de la loi sur l’immigration interdisant l’entrée ou le séjour au Canada sur la base d’affections médicales, et privilégier plutôt l’arrimage aux soins.
  2. Dissocier la consultation médicale et le dépistage du processus de demande d’immigration, et les proposer dans le cadre des services d’intégration.
  3. Proposer un dépistage gratuit, général et volontaire des ITSS, notamment du VHB et du VHC, en vue d’un arrimage aux soins et au traitement, et indiquer clairement que tel est l’objectif visé.
  4. Offrir des services d’interprétation gratuits durant toutes les consultations médicales dans le cadre du processus d’immigration ou d’intégration aux personnes qui ne parlent pas couramment la langue dans laquelle le service de santé est fourni.
  5. Instaurer des politiques visant à améliorer les compétences des professionnel·le·s de la santé (notamment celles des médecins désigné·e·s) afin de s’assurer que les migrant·e·s reçoivent des soins culturellement adaptés et non stigmatisants ainsi que des renseignements exacts. 
  6. Modifier la disposition relative à l’admissibilité au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) afin que tou·te·s les migrant·e·s, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, puissent avoir accès aux soins de santé financés du régime public. Cela concerne les soins primaires, les services linguistiques et l’orientation vers des spécialistes pour tou·te·s les migrant·e·s admissibles au PFSI.
  7. Mettre à jour les lignes directrices pancanadiennes relatives à la vaccination contre le VHB afin de recommander la vaccination systématique des bébés à la naissance et la vaccination générale de « rattrapage », financée par le régime public, des adultes non vacciné·e·s, le cas échéant.

Mon hépatite B a été un frein dans mon processus d’immigration. Un problème de santé ne devrait pas suspendre les démarches, mais s’il est important que le gouvernement connaisse mon état de santé, qu’on évite de stigmatiser. D’après l’énoncé de la question dans le formulaire de demande, il est clair que si vous êtes atteint de l’une de ces maladies, votre demande risque d’être rejetée. Soit on fait passer un test de dépistage de ces maladies à tous les immigrants, soit on change le formulaire de demande de manière à ce que les gens n’hésitent pas à divulguer leur état de santé.

– Ravshan

Garantir un accès équitable aux soins de santé est essentiel pour respecter l’engagement du Canada d’éliminer l’hépatite virale en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. Les prestataires de services travaillant avec les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s sont encouragé·e·s à soutenir cet objectif en adoptant et en promouvant le rapport de l’AHC et en mettant en œuvre ses recommandations dans leur travail. En prenant des mesures pour accroître le dépistage et la prévention, ainsi que pour arrimer les personnes au traitement et aux soins de l’hépatite virale, nous pouvons toutes et tous contribuer à bâtir une société plus saine et plus inclusive.

Téléchargez le rapport complet et trouvez des ressources à partager ici.

 

Jennifer van Gennip est directrice générale d’Action Hépatites Canada, une coalition pancanadienne assurant une responsabilité communautaire quant à l’engagement du Canada à éliminer l’hépatite virale en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. Jennifer vit à Barrie, en Ontario, et se spécialise dans les communications militantes des organismes à but non lucratif.

Partagez