Manifestations extrahépatiques : répercussions de l’hépatite C hors du foie

Dahn Jeong, Daryl Luster
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L’hépatite C est une infection par le virus de l’hépatite C (VHC) principalement connue pour ses effets sur le foie, mais qui a aussi des répercussions très néfastes sur d’autres parties de l’organisme. Ces effets du VHC en dehors du foie sont appelés « manifestations extrahépatiques » (MEH). Le présent billet de blogue décrit les interactions complexes entre l’hépatite C et ses manifestations extrahépatiques en expliquant brièvement la nature des MEH les plus courantes. Vous y trouverez également des expériences vécues montrant que la détection et la prise en charge de ces manifestations sont une composante importante des soins complets, qui peuvent améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VHC.

Les dimensions cachées de l’hépatite C

Aux premiers stades de l’infection chronique par le VHC, la plupart des cas sont asymptomatiques. Les premiers signes cliniques de l’infection sont souvent des symptômes touchant d’autres organes que le foie. Il s’agit d’affections diverses touchant différents organes et systèmes, ce qui met en évidence la nature généralisée de l’infection. Au cours de l’évolution de l’infection chronique par le VHC, de nombreux·ses patient·e·s rapportent au moins une manifestation extrahépatique.

Les personnes atteintes d’une infection chronique par le VHC signalent parfois les manifestations suivantes :

  • troubles neurologiques;
  • affections cardiaques et vasculaires;
  • diabète de type 2;
  • complications rénales;
  • fatigue et dépression;
  • troubles d’origine immunitaire;
  • affections touchant les articulations, les muscles et les os.

Nos connaissances sur les mécanismes complexes et multidimensionnels qui sous-tendent ces affections demeurent incomplètes, mais nous savons que ces affections ont de profondes répercussions sur la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec le VHC. Heureusement, de nombreuses manifestations extrahépatiques peuvent être prévenues ou atténuées à l’aide d’antiviraux à action directe (AAD), sous forme de comprimés très efficaces permettant de guérir l’infection par le VHC en 8 ou 12 semaines.

« L’hépatite C m’a laissé avec une polyneuropathie fulgurante. J’ai l’impression d’avoir un coup de soleil d’intensité légère à grave au dos, au torse, aux bras, aux jambes, aux épaules et même au cou. » 

– Personne ayant un savoir expérientiel du VHC et des MEH 

Système nerveux

De nombreuses manifestations extrahépatiques peuvent toucher le système nerveux et être associées à des affections neurologiques telles que des accidents vasculaires cérébraux (AVC), un dysfonctionnement cérébral, l’inflammation de la moelle épinière et une atteinte cognitive. Par ailleurs, d’après certaines études, l’infection par le VHC a été associée à un risque accru de maladie de Parkinson. Dans certains cas, la sensation de brûlure ressentie aux mains, aux bras, aux jambes et aux pieds résultait de lésions aux nerfs hors du cerveau et de la moelle épinière. D’après une étude réalisée en 2021, ces lésions se sont atténuées grâce au traitement de l’infection par le VHC par des antiviraux à action directe.

Appareil cardiovasculaire

L’infection chronique par le VHC affecte considérablement la santé du cœur et des vaisseaux sanguins, globalement appelée santé cardiovasculaire. Le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs, tels que les crises cardiaques, est plus élevé chez les personnes vivant avec le VHC que chez celles qui n’en sont pas infectées, et ce, indépendamment de la santé de leur foie ou d’autres facteurs de risque cardiovasculaire. Heureusement, les données probantes actuelles semblent indiquer que la guérison de l’infection par le VHC réduit la fréquence de maladies cardiovasculaires telles que la coronaropathie ou l’insuffisance cardiaque, et la mortalité liée à ces maladies.

Diabète de type 2 et complications rénales

Certaines données probantes montrent que les personnes atteintes d’une infection chronique par le VHC présentent un risque accru de diabète de type 2, et que ce risque augmente en cas de fibrose du foie, dont le stade ultime est appelé cirrhose. Le diabète de type 2 est l’une des MEH les plus souvent associées à l’infection par le VHC. Toutefois, de nombreuses études montrent que le traitement antiviral à action directe est associé à une meilleure régulation de la glycémie, que ce soit chez les personnes diabétiques ou non diabétiques. Ces données probantes portent à croire que le traitement de l’infection par le VHC occuperait une place importante dans la prévention du diabète chez les personnes vivant avec le VHC.

L’hépatite C affecte également la santé des reins en causant des affections telles que les maladies rénales chroniques ou en phase terminale, très probablement en raison de l’inflammation généralisée et des lésions aux vaisseaux sanguins. Comme pour le diabète, plusieurs études ont fait état des bienfaits du traitement de l’hépatite C sur le fonctionnement rénal.

« La fibromyalgie et le syndrome de Raynaud sont des manifestations à vie du VHC. Je vis avec les deux, ce qui me cause une fatigue accablante et un brouillard cérébral. » 
 
– Personne ayant un savoir expérientiel du VHC et des MEH 

Fatigue, dépression et troubles cognitifs

Les données probantes actuelles font état de liens entre l’infection par le VHC et la fatigue chronique, la dépression et les troubles cognitifs. Les personnes atteintes d’une infection chronique par le VHC rapportent souvent un léger trouble cognitif, en particulier en ce qui concerne l’attention et la mémoire, ou parlent parfois de « brouillard cérébral ». Toutes ces affections ont des répercussions profondes sur le fonctionnement social et physique des personnes et affectent considérablement leur qualité de vie. De nouvelles études laissent entendre que la guérison de l’infection par le VHC à l’aide d’antiviraux à action directe contribuerait à l’amélioration de certaines de ces affections, en particulier en ce qui a trait au maintien de la fonction cognitive et à l’atténuation des troubles de l’humeur.

Troubles immunitaires

La cryoglobulinémie est une affection causée par un dysfonctionnement du système immunitaire, souvent concomitante à l’infection chronique par le VHC. Les cryoglobulinémies de type 2 et 3 sont appelées cryoglobulinémies mixtes. Elles sont définies par la présence de cryoglobulines, c’est-à-dire des protéines immunitaires anormales pouvant attaquer les cellules des tissus corporels. L’infection chronique par le VHC est la cause la plus fréquente de cryoglobulinémies. Les manifestations cliniques des cryoglobulinémies sont la fatigue, le purpura palpable (éruptions cutanées rouges ou mauves), l’arthralgie (douleur articulaire), l’arthrite et les lésions aux reins et aux nerfs hors du cerveau et de la moelle épinière. Dans des cas rares mais graves, l’inflammation des artères et des veines du cerveau ou de la moelle épinière peut provoquer des AVC, de l’épilepsie ou une atteinte cognitive.

Autres manifestations extrahépatiques

Certains troubles cutanés ont également été associés à l’infection par le VHC. Toutefois, le traitement par des AAD semble les résoudre ou les atténuer.

Les manifestations extrahépatiques (MEH) peuvent également affecter les poumons. Certain·e·s auteur·e·s ont avancé que l’infection par le VHC pourrait entraîner, bien que rarement, une fibrose pulmonaire, c’est-à-dire du tissu cicatriciel dans les poumons, ce qui entrave la fonction respiratoire de certaines personnes atteintes d’asthme ou d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC).

« J’ai une polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique. Il a fallu beaucoup de temps avant que ma maladie soit diagnostiquée, et celle-ci m’a causé de graves lésions nerveuses. J’ai aussi de nombreux autres troubles neurologiques et des troubles auto-immuns. Je trouve ça désolant pour nous tous. Quand je pense que j’ai vécu avec l’hépatite C pendant plus de 40 ans… mais j’ai pu en guérir, Dieu merci! » 

– Personne ayant un savoir expérientiel du VHC et des MEH 

Expériences vécues et difficultés du diagnostic

Daryl Luster est un expert dans le domaine de la mobilisation communautaire et du mentorat par les pairs intervenants, un partisan de longue date de la sensibilisation aux manifestations extrahépatiques de l’hépatite C, et il a lui-même une expérience directe de cette infection. Il affirme que de nombreuses personnes porteuses d’une infection chronique par le VHC, y compris lui-même, ont présenté diverses manifestations extrahépatiques. D’autres pairs intervenants ont déclaré que leur qualité de vie était affectée par les MEH, mais beaucoup d’entre eux trouvent difficile l’accès à une démarche diagnostique.

Bien que le diagnostic des MEH puisse être complexe, certaines initiatives ont été entreprises pour proposer des lignes directrices en matière de diagnostic, comme celles proposées par Ferri et d’autres grand·e·s spécialistes. Dans son rapport, l’organisme ISG-EHCV (International Study Group of Extrahepatic Manifestations Related to Hepatitis C Virus Infection) conseille d’appliquer les lignes directrices en matière de diagnostic pour l’orientation et le suivi des patient·e·s sous traitement de l’infection par le VHC.

Le Canada ne dispose pas de telles lignes directrices pour le diagnostic des MEH, en particulier en ce qui concerne l’infection par le VHC. Toutefois, les personnes ayant reçu un diagnostic d’infection par le VHC doivent avoir accès à d’autres évaluations et à un suivi en cas de manifestations extrahépatiques éventuelles, même si elles ont été guéries. Elles doivent surtout être informées du risque de MEH.

Effets du traitement sur les manifestations extrahépatiques

Plusieurs études ont montré une réduction du risque de diverses manifestations extrahépatiques après la guérison de l’hépatite C à l’aide d’AAD. En Colombie-Britannique, nous avons constaté que le traitement par les AAD réduisait considérablement le risque de mortalité liée aux MEH, les réductions allant de 78 à 84 % dans une cohorte de plus de 25 000 personnes ayant reçu un diagnostic d’infection par le VHC.

Ces études illustrent les bienfaits significatifs du traitement de l’infection par le VHC en ce qui a trait à la réduction des affections médicales et de la mortalité liée aux manifestations extrahépatiques. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les AAD peuvent également contribuer à améliorer la qualité de vie. Au-delà de ses bienfaits cliniques, le traitement à base d’AAD a eu des effets positifs sur le bien-être général des personnes qui l’ont suivi, ainsi que d’autres avantages pour le système de santé, par exemple, l’amélioration de l’arrimage aux soins et de l’accès à l’information sur la santé.

Cependant, dans certains cas, les lésions extrahépatiques peuvent persister même après la guérison de l’infection par le VHC, en particulier chez les personnes atteintes d’autres maladies chroniques comme la cirrhose ou le diabète. Plus d’études s’imposent sur le risque de MEH après la réussite du traitement de l’hépatite C, car il semble que plus la durée d’une infection chronique par le VHC est longue, plus le risque de MEH est élevé. Or, nous savons que ces manifestations affectent la qualité de vie et provoquent des douleurs chroniques et des issues cliniques à long terme plus défavorables.

Ces nouvelles données probantes mettent en évidence l’importance de traiter et d’éliminer l’infection par le VHC avant la survenue de lésions extrahépatiques étendues, et surtout avant que ces lésions ne deviennent irréversibles. Même après le traitement, il est essentiel que les patient·e·s et les prestataires de soins de santé connaissent les MEH pour pouvoir les déceler dans le cadre de la surveillance.

Une démarche globale et collaborative

Il est indispensable, tant pour les patient·e·s que pour les prestataires de soins de santé, de reconnaître l’effet des manifestations extrahépatiques. Dans nos efforts de prise en charge collective de cette infection virale, il est essentiel d’adopter une démarche globale qui tienne compte de son incidence sur les différents organes et systèmes. Comprendre et traiter les manifestations extrahépatiques nous permettra non seulement d’améliorer la qualité des soins prodigués aux patient·e·s, mais aussi d’ouvrir la voie à une démarche globale et collaborative de la prise en charge de l’hépatite C et des complications qui lui sont associées.

 

Dahn Jeong est doctorante à l’École de la santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique. Ses recherches doctorales portent sur les avantages du traitement de l’infection par le VHC à l’aide d’antiviraux à action directe, notamment en ce qui concerne ses manifestations extrahépatiques. Dahn est stagiaire doctorante au sein du Réseau Canadien sur l’Hépatite C (CanHepC) et bénéficie également de l’appui financier des Instituts de recherche en santé du Canada.  

Daryl Luster s’appuie sur son expérience de personne ayant vécu avec le VHC pour intervenir comme défenseur et formateur auprès des patient·e·s, des aidant·e·s, des législateur·trice·s, des sociétés pharmaceutiques et des professionnel·le·s de la santé. Il plaide en faveur d’une participation plus importante de la part des bailleurs de fonds, publics ou privés, et dialogue régulièrement avec les patient·e·s. Il a également agi à titre de conférencier, de pair navigateur et de blogueur, et connaît très bien les problèmes auxquels sont confrontées les personnes vivant avec une maladie chronique. L’amélioration de la qualité de vie de tou·te·s les patient·e·s est au cœur de son travail. Il fait partie de plusieurs organismes tels que le Comité consultatif de la recherche sur le VIH/sida et les ITSS des IRSC (CCRVSII), le comité consultatif communautaire de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires des IRSC et le Réseau Canadien sur l’Hépatite C (CanHepC).

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