AIDS 2022 à Montréal : la réponse du Canada face au VIH résistera-t-elle à un examen minutieux?

• 

Dans quelques semaines, le monde sera invité à Montréal à l’occasion de la 24e Conférence internationale sur le sida (AIDS 2022). Au moment où je rédige ces lignes, aucune annonce publique n’a été faite quant à la présence de dignitaires canadien·ne·s.

La dernière fois que s’est tenue cette conférence au Canada en 2006, elle a eu lieu à Toronto. L’absence de notre premier ministre de l’époque, et le bilan épouvantable du précédent gouvernement fédéral concernant les enjeux relatifs aux politiques en matière de VIH, comme la réduction des méfaits, étaient devenus source d’embarras pour le Canada sur la scène internationale.

Depuis, nous avons observé certains indices pointant vers des progrès. En 2016, la ministre de la Santé, Jane Philpott, a annoncé que le Canada s’engageait à atteindre les cibles mondiales voulant que 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur état sérologique, que 90 % des personnes ayant reçu un diagnostic de VIH suivent un traitement et que 90 % des personnes recevant un traitement aient une charge virale indétectable d’ici 2020. Lors du Forum de CATIE en 2017, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a annoncé pour la première fois qu’une personne vivant avec le VIH et qui suit un traitement efficace ne transmet pas le virus sexuellement — message qu’on peut résumer par « indétectable égale intransmissible », ou I=I. Puis, lors de la Journée mondiale du sida en 2018, la ministre de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, a signé la déclaration de consensus I=I de la Prevention Access Campaign, faisant ainsi du Canada le premier pays à déclarer le soutien de son gouvernement. Lors d’AIDS 2018 à Amsterdam, elle a enfilé un t-shirt de I=I sur scène, démontrant ainsi encore plus son soutien et celui de son gouvernement à l’égard de I=I.

Nous avons salué ces paroles et ces déclarations importantes. Malheureusement, les mesures et les réalisations du Canada ne sont pas au rendez-vous. Le Canada n’a pas encore atteint les cibles 90-90-90 qu’il s’était fixées pour 2020 et, au moment d’écrire ces lignes, n’a aucun plan concret pour atteindre son deuxième engagement de 95-95-95 d’ici 2025.

Un nouveau leadership au ministère canadien de la Santé

À l’automne 2021, une nouvelle équipe de direction est arrivée au ministère de la Santé du Canada, avec la nomination de Jean-Yves Duclos au poste de ministre de la Santé et du Dr Harpreet S. Kochhar au poste de président de l’Agence de la santé publique du Canada.

Après que plusieurs organismes de lutte contre le VIH aient demandé à rencontrer le ministre Duclos et le Dr Kochhar, j’ai assisté à une réunion en ligne le 1er juin avec environ 30 membres d’organismes de la société civile travaillant à orchestrer la réponse du Canada face au VIH. Lors de cette réunion, nous avons exprimé plusieurs préoccupations, notamment : la stagnation du financement fédéral pour la lutte contre le VIH depuis plus d’une décennie, face à l’augmentation de la prévalence du VIH et à la montée en flèche de l’inflation; l’ajout de l’hépatite C et d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) à nos mandats sans financement supplémentaire; la racialisation croissante de l’épidémie de VIH au Canada et son impact disproportionné sur les communautés marginalisées; l’engagement envers les cibles mondiales d’élimination sans financement supplémentaire ni plan d’action concret.

De plus, nous avons exprimé notre inquiétude quant au fait que nous commençons à observer les résultats de l’accès restreint aux soins de santé pendant la pandémie de COVID-19, notamment la diminution des tests de dépistage du VIH, de l’hépatite C et des ITS, et l’augmentation du nombre de surdoses. Comme pour d’autres problèmes de santé, nous nous attendons à voir une augmentation du nombre de cas de VIH, d’hépatite C et d’autres ITSS à mesure que des infections non diagnostiquées et non traitées pendant la pandémie sont mises en lumière.

L’enveloppe de financement pour les ITSS n’a pas augmenté depuis 2007. Le financement annuel de 100 millions de dollars recommandé par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes — en 2004 et de nouveau en 2020 — ne s’est jamais concrétisé. Entre-temps, dans un esprit d’intégration, le financement initialement prévu pour le seul VIH a été élargi pour inclure l’hépatite C et toutes les ITSS.

Bilan du Canada sur la scène internationale

Et les yeux du monde se tournent maintenant vers Montréal. En l’absence d’autres engagements de financement et de reconnaissance des contributions et des besoins continus des prestataires de services de première ligne, il est difficile d’être fier·ère de notre bilan ici au Canada.

Nous sommes reconnaissant·e·s aux anciennes ministres Philpott et Petitpas-Taylor pour leurs engagements publics à atteindre les cibles mondiales de lutte contre le VIH et à soutenir la science derrière I=I. Mais la question demeure pour M. le ministre Duclos et M. le président Kochhar : que laisserez-vous derrière vous?

 

Laurie Edmiston est directrice générale de CATIE, la source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite C.

Vous voulez mettre fin au gel du financement de la lutte contre le VIH? Passez à l’action en vous joignant à d’autres personnes et organismes qui plaident en faveur de programmes et services de lutte contre le VIH/sida plus solides et bien financés.

Partagez

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Laissez un commentaire