Au Canada, les tests rapides pour le diagnostic de la syphilis et du VIH pourraient changer la donne

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La syphilis, une infection transmissible sexuellement, est en hausse au Canada : de nombreuses régions connaissent des épidémies. En 2019, la médecin-hygiéniste en chef de l’Alberta a déclaré une épidémie après avoir observé la plus forte hausse des cas depuis 1948!

L’infection est facilement diagnostiquée par des analyses de sang et la plupart des cas sont guéris par une seule injection de pénicilline. Si elle n’est pas traitée, la syphilis peut provoquer de sérieux problèmes au cerveau, au système nerveux et au cœur, et peut également se transmettre au bébé pendant la grossesse.

De nombreux cas de syphilis sont apparus chez des personnes vivant avec le VIH. Par ailleurs, avoir la syphilis peut accroître le risque de contracter le VIH. Le résultat d’un test sanguin standard pour la syphilis est généralement reçu en 10 à 14 jours, ce qui signifie que les personnes infectées par la syphilis doivent revenir pour recevoir leur résultat et un traitement.

En Alberta, des cas ont été constatés chez des personnes de tous horizons, mais ils touchent surtout des personnes dont la situation sociale rend difficile de se présenter pour un suivi après un test sanguin pour la syphilis et le VIH.

Les tests rapides (« au point de service ») offrent une chance de poser un diagnostic et de donner un traitement de la syphilis en une seule visite. Bien que l’utilisation de tests rapides pour le VIH soit approuvée au Canada, aucun test rapide n’est actuellement offert pour la syphilis.

En quoi consiste l’étude albertaine?

L’étude sur les tests au point de service pour la syphilis et le VIH en Alberta a débuté en juillet 2020 et devrait se terminer au début de 2022.

L’étude évalue l’utilisation de deux tests rapides qui détectent à la fois la syphilis et le VIH. Elle comparera les résultats des tests rapides effectués à partir d’une goutte de sang prélevée au doigt à ceux effectués à partir de sang prélevé dans un tube pour l’analyse en laboratoire.

Les tests, fabriqués par les sociétés canadiennes bioLytical et MedMira, livrent un résultat préliminaire en moins de cinq minutes!

Au 2 novembre 2021, le nombre de participant·e·s à l’étude s’élevait à 1 071; on prévoit de recruter un total de 1 500 participant·e·s à risque pour la syphilis et le VIH. Tous les tests sont effectués par du personnel infirmier ou des infirmier·ière·s praticien·ne·s qui sont formé·e·s pour donner le counseling et faciliter le traitement immédiat de la syphilis, si nécessaire. Les tests sont effectués dans un établissement correctionnel provincial, dans un centre de santé d’une communauté des Premières Nations et dans les services d’urgence de deux hôpitaux, tous en Alberta.

Les résultats préliminaires de l’étude montrent que les deux tests sont très performants en comparaison avec les tests de laboratoire standard pour la syphilis et le VIH. Nous avons également été en mesure de fournir un traitement immédiat de la syphilis à près d’un quart des participant·e·s, ce qui contribue à réduire le nombre de personnes perdues de vue. Dans le cadre de ce processus, nous avons réussi à assurer l’arrimage au traitement pour les personnes vivant avec le VIH.

Comment l’étude a-t-elle été financée?

Le principal commanditaire de l’étude est REACH Nexus du Centre MAP pour les solutions de santé urbaine, qui est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), avec des contributions de la Fondation canadienne de recherche sur le sida, d’Affaires autochtones Canada, de Santé Alberta et des Services de santé de l’Alberta.

Que va-t-il se passer ensuite?

Une fois terminé le recrutement de l’étude, début 2022, nous prévoyons que bioLytical et MedMira utiliseront les données pour appuyer leurs demandes d’approbation concernant l’utilisation de leurs trousses de test respectives au Canada, comme envisagé dans l’accord avec REACH Nexus. Pendant que ce processus de demande sera en cours, nous espérons demander à Santé Canada, par le biais du Programme d’accès spécial, l’autorisation de continuer à utiliser ces trousses pour le dépistage de la syphilis et du VIH au point de service, de pair avec la prestation de traitements et l’arrimage aux soins en Alberta. À court terme, les tests continueront d’être effectués par des infirmier·ère·s ou infirmier·ère·s praticien·ne·s formé·e·s.

Les organismes communautaires pourront-ils utiliser ces tests à l’avenir? L’autodépistage sera-t-il une option?

Compte tenu de la disponibilité actuelle de l’autodépistage du VIH au Canada, de l’accès à ces tests par le biais du programme de recherche J’agis, lancé en juin 2021, et des efforts récents pour permettre aux organismes communautaires d’effectuer ces tests, cette question devra être étudiée.

L’un des défis en lien avec le dépistage rapide de la syphilis est qu’un résultat positif ne permet pas de faire la distinction entre une infection nouvelle et une infection ancienne (précédemment traitée ou à un stade avancé et non traitée). Pour établir si une syphilis est ancienne ou récente, il faut prendre en compte un certain nombre d’autres facteurs, notamment la présence de symptômes de syphilis (par exemple, des lésions sur les parties génitales ou une éruption cutanée), les antécédents de traitement de la syphilis et les résultats antérieurs et actuels des tests de laboratoire standard.

Les tests de laboratoire standard consistent en trois analyses différentes, tandis que le test rapide ne fournit que le résultat d’un seul test. Un test rapide positif devrait donc être considéré comme un positif préliminaire jusqu’à ce qu’il soit comparé au résultat des tests standard et aux antécédents de la personne. Par conséquent, il est plus difficile d’interpréter un résultat positif de test rapide et de comprendre comment y réagir. De plus, l’un des plus grands avantages des tests au point de service est la capacité de proposer un traitement au moment du test, mais à l’heure actuelle ceci n’est possible que par l’intermédiaire d’un prestataire de soins.

 

Ameeta Singh, BMBS (R.-U.), MSc., est médecin spécialiste des maladies infectieuses et des ITS à Edmonton, en Alberta. Elle est la responsable médicale de cette étude, Point-of-Care Tests for Syphilis and HIV (PoSH). 

Jennifer Gratrix, IA, M. Sc., infirmière épidémiologiste, est la directrice des services centralisés en ITS pour les Services de santé de l’Alberta.

 

 

 

 

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