Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada : Une approche basée sur les populations prioritaires et l’équité en matière de santé – Première partie

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Introduction du Dr Jordan Feld, University Health Network

Près de 250 000 Canadiens vivent avec l’hépatite C (VHC), et pourtant 45 % de ces cas ne sont pas diagnostiqués et demeurent à risque de complications liées à des lésions hépatiques à long terme telles que le cancer du foie. L’hépatite C cause plus d’années de vie perdues que toute autre maladie infectieuse au Canada. Heureusement, grâce à l’arrivée de traitements dotés d’un bon profil d’innocuité qui amènent la guérison chez plus de 95 % des personnes, associés à des méthodes diagnostiques simples et des stratégies efficaces de prévention, nous disposons désormais des outils requis pour éliminer l’hépatite C.

En 2016, le Canada a appuyé la Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale adoptée par l’Organisation mondiale de la Santé, qui a pour objectif d’éliminer l’hépatite virale, dont l’hépatite C, comme menace majeure pour la santé publique d’ici 2030. Mais pourquoi ne parle-t-on pas d’éradication? Parce qu’il n’existe aucun vaccin immunisant contre l’hépatite C et que même s’il en existait un, il n’est peut-être pas possible de complètement éradiquer cette maladie. En revanche, l’élimination de la maladie en tant que menace pour la santé publique est possible si nous arrivons à diminuer la prévalence de l’hépatite C jusqu’à ce qu’elle atteigne de très bas niveaux. Cela dit, pour y arriver, il faut mettre en place une approche coordonnée des agences de santé publique fondée sur des mesures concrètes en matière de prévention, de dépistage et de traitement, ainsi qu’une surveillance continue des taux d’infection.

C’est dans cette optique que le Réseau canadien sur l’hépatite C (CanHepC), un réseau d’éminents chercheurs et experts en hépatite C, a produit le Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada, afin de définir les mesures à prendre comme réponse de santé publique en vue d’éliminer l’hépatite C au Canada. Le Modèle directeur offre une panoplie de recommandations liées à des objectifs spécifiques à atteindre dans des délais prescrits, des suggestions d’activités et des bonnes pratiques factuelles dans les domaines de la prévention, du dépistage et du diagnostic, et des soins et du traitement, afin d’éliminer la maladie d’ici 2030. Il vise à guider les décideurs, les planificateurs de programmes et les fournisseurs de services des provinces et des territoires dans l’élaboration de leurs propres plans d’action contre l’hépatite C.

Le Modèle directeur se concentre sur des populations prioritaires et sur l’équité en matière de santé dans sa démarche et ses objectifs, et formule des recommandations pertinentes pour cinq populations principales : les personnes qui s’injectent/utilisent des drogues, les peuples autochtones, les immigrants et les personnes nouvellement venues de pays où l’hépatite C est répandue, les personnes ayant fait l’expérience du milieu carcéral et les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Le terme populations prioritaires a été délibérément choisi pour désigner les populations et communautés canadiennes touchées par un fardeau disproportionné d’hépatite C et qui sont confrontées à des obstacles dans l’accès aux services traditionnels de prise en charge de l’hépatite C et à d’autres services sociaux et de santé. Ce sont donc ces populations qui ont le plus à gagner d’une approche de lutte contre l’hépatite C fondée sur les principes d’équité en matière de santé. L’approche des populations prioritaires préconisée dans le Modèle directeur sera un facteur essentiel dans l’aboutissement des efforts visant l’élimination de l’hépatite C au Canada.

Voici ce qu’avaient à dire certains des principaux chefs de file ayant participé à la rédaction et à l’élaboration de ces recommandations visant les populations prioritaires au sujet du Modèle directeur.

Peuples autochtones

Par Carrielynn Lund, Réseau canadien autochtone du sida (CAAN)

Le Modèle directeur présente une réponse qui est sensible à la diversité culturelle et aux identités de genre. La perspective autochtone fait partie intégrante de tout le document, répond à plusieurs des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, et inclut des définitions et explications des termes spécifiques aux peuples autochtones et de leurs contextes. Il laisse suffisamment d’espace pour des approches communautaires et organisationnelles reflétant la culture et les valeurs de différentes populations. On y trouve aussi des éléments incontournables clairement énoncés concernant la réponse. Le renforcement des capacités est bidirectionnel et reconnaît le droit à l’autodétermination des peuples autochtones. Le Modèle directeur reconnaît également que les gens doivent être libres de faire leurs propres choix. S’il est mis en œuvre, le Modèle directeur contribuera grandement à aider les gens à faire des choix éclairés et leur fournira soutien et outils pour appuyer leurs choix, quels qu’ils soient. La stigmatisation était et continue d’être un obstacle majeur au dépistage, au traitement et à l’observance de ce traitement. Bien des efforts ont été déployés pour éliminer la stigmatisation entourant l’hépatite C et pour aider d’autres personnes à éliminer la stigmatisation aux niveaux individuels et de la prestation des programmes et services.

En raison de mon expérience personnelle avec le VHC et de ma vaste expérience avec la conception, la prestation et l’évaluation de programmes liés à la santé, j’appuie sans réserve cette stratégie. Depuis le début, j’ai participé activement à la création de cette stratégie et, si les recommandations sont adoptées, elles aideront grandement le Canada à atteindre ses objectifs d’élimination de l’hépatite C! Cela dit, ce ne sera possible que si la réponse autochtone est appuyée et dirigée par les peuples autochtones. La participation continue de personnes ayant un vécu avec l’infection dans la mise en œuvre et l’évaluation du Modèle directeur est un facteur crucial dans le succès de cette initiative.

Les immigrants et les personnes nouvellement venues de pays où le VHC est répandu

Par Fozia Tanveer, CATIE

Les immigrants et les personnes nouvellement arrivées au Canada représentent une population prioritaire importante et souvent méconnue dans l’épidémie de l’hépatite C au Canada. Parmi les personnes affectées par l’hépatite C au Canada, une sur trois est née à l’étranger, dans la plupart des cas dans un pays où les taux d’hépatite C sont élevés. Dans certains groupes d’immigrants, la prévalence de l’hépatite C est plus élevée que dans la population générale canadienne et le virus est surtout transmis par le biais d’interventions médicales, dentaires et chirurgicales.

Comme je travaille avec des immigrants et des nouveaux arrivants en Ontario, je me réjouis du fait que le Modèle directeur a ajouté ce groupe parmi les populations prioritaires et a formulé des directives sous forme d’objectifs spécifiques et mesurables et de mesures qui permettront d’arriver à éliminer l’hépatite C d’ici 2030.

Le Modèle directeur souligne l’importance d’inclure les immigrants et les nouveaux arrivants dans les stratégies provinciales et territoriales de lutte contre le VHC. Certains fournisseurs de soins de santé pourraient ne pas savoir dans quels pays l’hépatite C est prévalente; il est donc très important d’indiquer au personnel infirmier, aux médecins de famille et aux autres travailleurs de première ligne qui est à risque et comment offrir des services appropriés sur les plans linguistique et culturel. Les bons outils existent, il nous suffit de nous assurer que les fournisseurs de service les connaissent.

Le Modèle directeur recommande que les renseignements sur le VHC, l’aiguillage vers les ressources appropriées et les tests de dépistage volontaires fassent partie de l’examen de santé standard de tout nouvel arrivant. Pour que les tests de dépistage et les traitements soient plus accessibles, ils doivent être intégrés dans des modèles multidisciplinaires et communautaires de soins primaires.

Tous les fournisseurs de soins de santé qui traitent des personnes provenant de pays où l’infection par le VHC est répandue devraient parler de prévention et de dépistage du VHC avec leurs clients. Le Modèle directeur appelle explicitement une meilleure éducation des praticiens en soins de santé par la formulation de recommandations pratiques concernant les politiques et la prestation de services de manière à rendre possible le dépistage et le traitement précoces de l’hépatite C.


La deuxième partie sera publiée ultérieurement.

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