Les prix dictent-ils les politiques relatives aux médicaments contre l’hépatite C?

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Plus tôt cette année, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Québec et l’Ontario ont annoncé un assouplissement des critères d’admissibilité à une couverture publique pour les médicaments anti-hépatite C qui sont en train de changer la vie des personnes atteintes, y compris Epclusa, Zepatier, daclatasvir et asunaprévir. Pour la première fois, ces médicaments seront accessibles aux personnes ayant des scores de fibrose plus bas (plus le score de fibrose est élevé, plus il y a de cicatrices dans le foie causées par la maladie, c’est-à-dire la cirrhose.)[i]

 

Qu’est-ce qui a provoqué ce changement de politique relative à l’accès au traitement?

L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) réclame depuis longtemps que tous les patients atteints d’hépatite (VHC) soient traités.[1][i] Les régimes d’assurance médicaments canadiens essaient de s’aligner avec l’ACMTS par le biais du Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM).[ii] Toutefois, par leur politique « traiter les plus malades en premier », ils limitent l’accès au traitement du VHC aux personnes ayant un score de fibrose de F2 ou pire afin de réduire les coûts.

Cette politique est restée inchangée jusqu’à ce que l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP) ait conclu récemment des négociations sur le prix des médicaments anti-VHC. La réduction des prix a poussé la Colombie-Britannique et l’Ontario à annoncer la modification de leurs critères d’admissibilité. En 2017, les personnes présentant des lésions hépatiques moins avancées (score de fibrose inférieur à F2) et des comorbidités auront accès aux médicaments anti-VHC. À partir de 2018-2019, les médicaments seront accessibles à toutes les personnes atteintes du VHC.[iii] D’autres provinces sont en train de suivre l’exemple. L’accès élargi pourrait marquer un pas important vers l’élimination de l’hépatite C au Canada.

Où est le problème, alors?

Ce qui est inquiétant est le fait que les critères d’admissibilité ont été assouplis comme conséquence directe de l’implication de l’APP, alors que l’ACMTS réclamait depuis longtemps que le traitement commence dès le stade F0. Or il a fallu que l’APP négocie la réduction des prix afin que les critères d’accès soient modifiés. La question se pose alors : « Est-ce que les prix sont maintenant le critère de facto qui contrôle l’élaboration et la modification des politiques? ».

CTAC soutiendrait que ce sont certainement les prix qui dictent les politiques en ce moment. L’APP semble être l’arbitre ultime en ce qui concerne les changements de politiques.

L’assouplissement des critères d’admissibilité pour la couverture publique est un pas dans la bonne direction. Ce changement de politique a un potentiel énorme d’améliorer les résultats pour la santé et d’accroître le nombre de personnes sous traitement. Toutefois, le fait que ce changement ait eu lieu en raison de la réduction des prix, et non en réponse aux efforts des décideurs éclairés et de la communauté, fait craindre que l’accès aux traitements curatifs dépende de la rentabilité, et non des bienfaits pour les humains.

Pour en savoir plus sur les mises à jour récentes sur l’accès aux médicaments contre l’hépatite C au Canada, visitez la page Web http://www.catie.ca/fr/nouvelles/mises-jour-recentes-acces-aux-medicaments-contre-hepatite-c-canada.

 

 

Amanda Fletcher est responsable des politiques pour le Conseil canadien de surveillance et d’accès aux traitements (CTAC), et travaille dans le domaine des politiques de la santé depuis dix ans.

 

[i] “What Your Fibrosis Score Means for Your Hepatitis C Diagnosis” Healthline. Healthline Media; consulté en ligne

What Is Harm Reduction?” Harm Reduction International. International Harm Reduction Association; consulté en ligne.

[1] L’ACMTS est un organisme indépendant sans but lucratif dont le mandat est de fournir aux décideurs du système de santé canadien des preuves objectives leur permettant de prendre des décisions éclairées concernant l’usage optimal des technologies de la santé  (médicaments, tests diagnostiques, etc.).

[i] CADTH THERAPEUTIC REVIEW: “Drugs for Chronic Hepatitis C Infection: Recommendations Report”. CADTH. Vol. 3(1)June 2016; consulté en ligne

[ii] Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM) de l’ACMTS. Agence canadienne des médicaments et technologies de la santé; consulté en ligne.

[iii] Gilead Sciences, Inc. Ontario Becomes First Province to List EPCLUSA on Public Drug Plan to Treat All Six Genotypes of Chronic Hepatitis C Infection. 2017. Consulté en ligne, 4 avril 2017.

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