Routine santé, effet assuré

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Et si un simple changement de routine pouvait sauver des vies? Pour de nombreuses personnes immigrantes au Canada, avoir un accès rapide aux soins de santé n’est pas qu’une question de commodité, c’est une question de survie. Certaines personnes immigrantes sont jusqu’à quatre fois plus susceptibles d’avoir l’hépatite C que la moyenne canadienne, et jusqu’à six fois plus susceptibles d’avoir l’hépatite B. Cependant, leurs facteurs de risque étant généralement différents de ceux des personnes nées au Canada, elles sont souvent peu prises en compte dans les programmes de dépistage au pays.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la campagne Routine santé de CATIE, qui vise à transformer l’approche des prestataires de soins de santé au Canada en matière de dépistage des hépatites virales.

En misant sur des données probantes et un engagement envers l’équité, cette campagne ne se contente pas de transformer les pratiques – elle transforme des vies. Et les apprentissages réalisés en cours de route dépassent largement le cadre de cette initiative.

Le pouvoir des données : quand les chiffres frappent plus fort que les témoignages

Pour motiver les prestataires de soins de santé, rien ne vaut les données. Bien que les témoignages personnels puissent toucher et sensibiliser le grand public, nos recherches préalables à la campagne ont révélé que les prestataires de services sont plus susceptibles de passer à l’action lorsqu’on leur présente des faits épidémiologiques percutants. Lorsqu’on a informé les prestataires que les personnes nouvellement arrivées au Canada peuvent attendre jusqu’à dix ans avant de recevoir un diagnostic d’hépatite C, cela leur a donné un sentiment d’urgence à intégrer le dépistage de routine dans leur pratique.

Ce constat a amené CATIE à donner priorité aux chiffres dans ses messages, en s’appuyant sur des statistiques claires et percutantes pour souligner l’importance du dépistage proactif. En fournissant aux prestataires de soins de santé des données clés – notamment sur la prévalence dans certaines populations –, la campagne leur donne les moyens de prendre des décisions éclairées qui peuvent sauver des vies.

Comment rejoindre les communautés immigrantes sans les stigmatiser

Aborder les inégalités en santé vécues par les groupes marginalisés, notamment ceux exposés à la discrimination, exige une approche sensible et réfléchie. Comment aborder l’incidence disproportionnée des hépatites B et C chez les personnes immigrantes et nouvellement arrivées sans renforcer les stéréotypes nuisibles ni alimenter les discours anti-immigration? La campagne Routine santé de CATIE y parvient en mettant l’accent sur les facteurs systémiques et structurels qui expliquent ces écarts.

Plutôt que de présenter les personnes immigrantes comme un « groupe à risque », la campagne a cherché à expliquer, sur les médias sociaux, que des personnes immigrantes et nouvellement arrivées échappent parfois au dépistage en raison de différences entre les lignes directrices cliniques d’un pays à l’autre. Cette approche permet de détourner la conversation des raisons pour lesquelles elles sont plus touchées, pour se concentrer sur des solutions concrètes afin de leur assurer un accès aux services de dépistage.

Faire d’une pierre deux coups : intégrer l’hépatite B et l’hépatite C

Cette campagne a été financée par le ministère de la Santé de l’Ontario pour augmenter les taux de dépistage de l’hépatite C chez les personnes immigrantes et nouvellement arrivées – un groupe prioritaire ciblé dans La Feuille de route de l’Ontario en matière d’élimination de l’hépatite C. L’hépatite B touche elle aussi de façon disproportionnée les personnes immigrantes et nouvellement arrivées. Comme pour l’hépatite C, cette population est souvent ignorée dans les programmes de dépistage canadiens.

Le fait d’inclure l’hépatite B dans nos messages a non seulement élargi la portée de la campagne, mais a aussi souligné l’importance d’une approche de dépistage globale, plutôt que segmentée par enjeux de santé.

Les résultats sont tombés

Moins de deux mois après son lancement à la fin janvier 2025, les publicités numériques de la campagne avaient déjà franchi le cap des 3,6 millions de vues. Ces publicités ciblent les prestataires de soins de santé en Ontario par divers canaux, dont LinkedIn, des plateformes de diffusion en continu permettant de cibler les audiences selon leur profession, et l’affichage extérieur à proximité des hôpitaux et des cliniques.

Ce ne sont pas que des chiffres. Chaque fois qu’un·e prestataire de soins de santé en Ontario voit la campagne, c’est un pas de plus vers la normalisation de l’offre de services de dépistage pour les personnes immigrantes venant de pays à forte prévalence d’hépatite B ou C. Et cette normalisation contribue à créer un système de santé plus inclusif et mieux adapté aux besoins des personnes nouvellement arrivées.

La campagne Routine santé de CATIE, financée par le ministère de la Santé de l’Ontario et produite par Point Blank Creative, est bien plus qu’un simple appel à l’action. Elle illustre comment les campagnes de santé publique peuvent avoir une incidence réelle en s’appuyant sur les données et la recherche.

 

Fozia Tanveer est gestionnaire de la Programmation multilingue chez CATIE.

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