À quoi sert le barebacking?

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Par Gabriel Girard

Apparu aux Etats-Unis il y a 20 ans, le barebacking a fait beaucoup parler de lui. Au départ, le terme a été utilisé par des hommes gais séropositifs pour évoquer leur choix d’avoir des pratiques sexuelles sans condom. Mais très vite, le barebacking devient l’enjeu de débats virulents sur la responsabilité et les prises de risque dans la communauté gaie. Mais parler de barebacking a-t-il encore un sens à l’heure du traitement comme prévention?

Lost in translation

« Bareback » signifie littéralement « cul nu » et désigne habituellement le fait de monter à cheval sans selle, dans le rodéo. En anglais, il s’agit donc d’un terme associé à un univers viril et (pour beaucoup) très homo-érotique! En français, la signification est moins claire. D’autres synonymes sont d’ailleurs utilisés : « no capote », « pas de condom », par exemple. En France, où les concepts venus des Etats-Unis sont toujours très « tendances », le barebacking s’est rapidement imposé dans le vocabulaire courant des hommes gais.

Mais sa signification est restée sujette à multiples interprétations! Pour certains, barebacking équivaut à une volonté consciente de transmettre le VIH, alors que pour d’autres, c’est un terme banal pour parler de sexe sans condom. Dans tous les cas, le terme reste largement associé à un jugement moral sur les pratiques à risque. D’ailleurs, en contexte francophone, rares sont les hommes qui revendiquent d’être des barebackers!

Repenser la prise de risque?

Longtemps associé à la prise de risque volontaire, à quoi sert encore le barebacking en 2016? Aujourd’hui, à l’heure de la PrEP ou de la charge virale indétectable, les pratiques sans condom ne correspondent plus nécessairement à une prise de risque. Certains militants suggèrent même que nous entrons dans une période « post-bareback »1. Pourtant, le barebacking reste très populaire, notamment à travers la pornographie! Comment comprendre ce paradoxe apparent? Peut-être parce que l’absence de condom n’est plus réductible à une sexualité insouciante du risque… mais implique à l’inverse pour beaucoup de gais la quête d’un équilibre acceptable entre épanouissement sexuel et gestion de sa santé. Dans ce contexte, le barebacking reste attractif, car il est associé à un imaginaire sulfureux et transgressif. Mais les hommes qui s’y réfèrent n’ont généralement aucun désir de transmettre (ou de contracter) le VIH. En cela, les diverses significations du barebacking épousent les évolutions historiques de la prévention!

Gabriel Girard est un homme gai et séronégatif. Il est sociologue, en post-doctorat à l’Université Concordia, à Montréal. Gabriel s’intéresse aux politiques du risque, et en particulier aux questions liées à la santé LGBT et à la prévention du VIH. Il a également une longue expérience militante, dans le milieu communautaire. Il vit à Montréal et anime un site sur tous ces sujets : www.gabriel-girard.net

[1] http://www.thewarning.info/spip.php?article371

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