Face à la COVID-19 : trois enjeux pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et leur santé

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L’irruption de l’épidémie de COVID-19 a entraîné des changements majeurs dans nos vies quotidiennes. Le confinement d’une bonne partie de la population mondiale et les restrictions de circulation en sont des illustrations spectaculaires ! Mais quelles sont les implications de cette situation inédite pour la santé des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) ?

Ces dernières semaines, les organismes communautaires dans ce domaine ont diffusé des informations et des conseils pour inciter les HARSAH à limiter les risques d’infection par la COVID-19, mais aussi à prendre soin d’eux-mêmes. Pas simple de faire la promotion de la « distanciation sociale » alors que les sociabilités, les rencontres et la sexualité sont au cœur du mode de vie de nombreux gars ! Pour certains HARSAH, l’adoption des mesures de précaution ne pose pas de problème, mais pour d’autres la situation est source d’anxiété ou de difficultés. Il est indispensable de prendre en compte ces diverses réalités, sans porter de jugement : la morale n’a jamais fait bon ménage avec la santé publique !

Voici trois des enjeux que soulève la situation actuelle pour la santé des HARSAH.

1. Sexualité, santé et distanciation sociale

Les mesures de distanciation sociale sont malheureusement difficilement compatibles avec une activité sexuelle habituelle. Actuellement, les organismes communautaires recommandent de limiter autant que possible les contacts sexuels. Il est difficile de donner des conseils de réduction des risques pour la COVID-19, du fait de sa contagiosité et de ses modes de transmission (salives, contacts humains). La maladie se manifeste de plusieurs manières : certains auront des symptômes plus ou moins forts, d’autres aucun. En l’absence de certitude, on ne peut pas présumer de l’état de santé de son ou de ses partenaires… Il y a bien sûr des exceptions : la masturbation, le sexe virtuel (via webcam ou sexto, par exemple)[1] et la sexualité avec une ou des personnes avec lesquelles on est confiné. En cas de rencontres sexuelles avec d’autres gars, il est recommandé de limiter le nombre de partenaires, et d’éviter le sexe en groupe.

Les applications et sites de rencontres demeurent accessibles et permettent toujours d’entrer en lien avec de potentiels partenaires. Ces moyens de communication sont d’excellentes stratégies pour rencontrer de nouvelles personnes tout en respectant les mesures de distanciation sociale. Même si la tentation peut être grande d’inviter un inconnu pour un hook up, textez-vous, faites connaissance en ligne, et tentez d’entretenir vos relations virtuellement jusqu’à la levée des mesures actuelles. Ce n’est que partie remise !

Ces recommandations visent à limiter la propagation de la COVID-19, à se protéger, mais aussi à prendre soin de nos amis et amants les plus vulnérables, en particulier ceux qui vivent avec un cancer, une maladie chronique ou dont le système immunitaire est affaibli.

Les personnes vivant avec le VIH et dont la charge virale est contrôlée ne présentent pas de vulnérabilité particulière. Pour plus d’informations sur la COVID-19 et le VIH : consultez la page dédiée sur le site de CATIE.

2. COVID-19 : un révélateur des vulnérabilités au sein de nos communautés

Cette épidémie déstabilise la vie sociale de populations entières, et c’est d’autant plus le cas pour des communautés déjà affectées par des inégalités sociales de santé. Chez les HARSAH, on pourrait même dire qu’elle agit comme un révélateur de vulnérabilités préexistantes.

  • La COVID-19 et les mesures de confinement peuvent avoir un impact sur l’utilisation de drogues, car certains vont se retrouver en difficulté pour s’approvisionner, consommer ou se procurer du matériel de réduction des méfaits, notamment si les gens avec lesquels ils vivent ne sont pas au courant ou désapprouvent leur consommation. Dans ces conditions, le sevrage brutal peut être dangereux, surtout pour la consommation de crystal meth. Les drogues sont aussi souvent liées aux rencontres et à la sexualité : leur diminution ou leur restriction peuvent être difficiles à vivre. À l’inverse, certains vont profiter de ce moment de pause pour prendre du recul sur leurs consommations. Dans tous les cas, des ressources communautaires et médicales restent disponibles (par exemple ACCM à Montréal).
  • Plus généralement, la situation actuelle affecte particulièrement les personnes qui ont une santé mentale fragile (mal-être, anxiété, dépression), une réalité très présente parmi les HARSAH. C’est aussi le rôle des membres d’une communauté de s’assurer avec bienveillance de l’état de santé et des besoins des uns et des autres, et d’orienter vers les services adaptés lorsque c’est nécessaire. Plusieurs organismes maintiennent des permanences en ligne durant cette période, consultez leurs sites !
  • De leur côté, les travailleurs et travailleuses du sexe ont très tôt identifié des risques majeurs de la COVID-19 pour leur activité professionnelle, leur santé et leurs conditions de vie. Dans ce contexte, ils et elles se mobilisent à juste titre pour faire reconnaître leurs droits et dénoncer la précarité de leurs situations.
  • Les HARSAH issus de l’immigration, notamment ceux sans statut migratoire ou avec un statut temporaire, subissent eux aussi les effets de la crise sanitaire actuelle. Leur accès restreint aux soins et services de santé, la perte d’emploi et leur inadmissibilité aux programmes gouvernementaux de compensations financières ne représentent que la pointe de l’iceberg des iniquités auxquelles ils font face.

Enfin, l’un des défis pour les prochaines semaines est aussi d’assurer la continuité des services de santé offerts aux HARSAH, en ce qui concerne le dépistage et le traitement des ITSS notamment. Même si l’activité sexuelle se réduit pour certains, il est essentiel de continuer à dépister et traiter, car des ITSS ont pu être contractées avant (et pendant) les mesures de confinement. Avec la charge de travail supplémentaire, les professionnels de santé risquent d’être moins disponibles et de proposer des téléconsultations ou d’aménager leurs horaires : n’hésitez pas à vous informer des dispositions prises !

Faire face à « l’épidémie de solitude »

L’épidémie de COVID-19 intervient dans un contexte où les HARSAH font déjà face à ce que certains appellent « une épidémie de solitude ». C’est particulièrement le cas pour les personnes les plus précaires et isolées, incluant de nombreux aînés. Plus vulnérables que le reste de la population face au COVID-19, les aînés sont fortement incités à rester confinés et à réduire radicalement leurs interactions sociales. Ce qui les protège contribue malheureusement aussi à les isoler plus encore. Pour beaucoup, la crise du sida a considérablement affaibli leur réseau d’amitié et de soutien. Ne les oublions pas !

La période que nous traversons est propice au bénévolat et à l’engagement social, car nombreux sont ceux qui souhaitent contribuer à la réponse collective à la COVID-19. C’est une belle occasion pour redoubler d’attention pour les aînés de nos communautés, en prenant des nouvelles par téléphone, par courriel, en proposant de l’aide, etc.

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Dans le contexte inédit créé par la COVID-19, les communautés de HARSAH font preuve de créativité et d’entraide, via les groupes d’amis et des initiatives sur les réseaux sociaux. La preuve qu’on peut faire beaucoup, même en restant chez soi ! L’après-crise apparaît plus incertaine et instable. On sait déjà, par exemple, qu’on risque une pénurie de condoms dans les prochains mois, car plusieurs usines sont à l’arrêt en Asie… Pour la suite, il faudra rester vigilants et solidaires face aux multiples conséquences de la crise sociale et sanitaire sur nos communautés.

Merci à Tim Joanny Madesclaire pour sa relecture et ses commentaires.

 

[1] En étant conscient que ces pratiques présentent d’autres risques : le vol de données, le cyberchantage, la diffamation, etc.

 

Gabriel Girard, sociologue (Ph. D.), chargé de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (France)

Pascal Simon, diplômé en santé publique (M. Sc.), agent de planification, de programmation et de recherche au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

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